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L'année 1987 est une année particulière pour le football français. Considérée comme ayant donné naissance à une génération fantastique de footballeurs tricolores, elle est devenue au fil des années le symbole de la déception, de la dégénérescence des valeurs et du conflit des générations. Bien ternie par les attitudes arrogantes et mal placées des Nasri, Ben Arfa, Benzema et autres Menez, la génération 1987 est devenue dans l'inconscient collectif français celle des "petits cons".
Il existe pourtant des footballeurs, français et nés la même année, qui renvoient une image aux antipodes de ce stéréotype: Fabien Lemoine est de ceux-là.


Né à Fougères et ayant grandi à Saint-Étienne-en-Coglès (ça ne s'invente pas), le petit Fabien avait son destin déjà tracé à l'avance, partagé entre Rennes et Saint-Étienne. Après avoir débuté le football à 6 ans dans son club local, il intègre l'AGL Fougères (Ille-et-Vilaine) en 1999 et fort logiquement, étant le joueur le plus prometteur de son équipe, est repéré par le Stade Rennais qui l'intègre à son effectif, le pré-formant auparavant pendant deux saison à Ploufagran.
Pourtant, déjà alors, le jeune Breton est attiré par l'ASSE: "Ma chambre était recouverte de posters des joueurs de Saint-Étienne plutôt que de ceux du Stade Rennais (...) C'est vrai qu'assez rapidement j'ai été fan de ce club. Pas parce que j'habitais à Saint-Étienne-en-Coglès, mais pour son engouement, l'ambiance et le jeu que produisait cette équipe que je trouvais très offensive. Mais c'est surtout l'ambiance et le stade qui étaient superbes". Un amour de jeunesse qu'entretiendra Laurent Huard, Fougerais également, ancien vert et alors entraîneur-adjoint à Rennes.

Fabien Lemoine poursuivi par Jérémy Clément
lors d'un PSG-Rennes de CFA en 2006

Travailleur, technique et endurant, Fabien Lemoine effectue ses classes avec sérieux et intègre l'effectif de l'équipe réserve en 2004. Il joue quelques bouts de match lors des saison 2004-05 et 2005-06 mais c'est lors de la saison 2006-07 qu'il devient titulaire à part entière dans l'entrejeu de la réserve rennaise. 33 matches et deux buts plus tard, Lemoine soulève le trophée de champion de France des réserves, signe son premier contrat pro et intègre également l'équipe première. Il a alors 20 ans.
Pierre Dréossi, entraîneur de Rennes, ne lui fait guère confiance et le fait très peu jouer. Mais après sa démission en décembre 2007, il est remplacé par Guy Lacombe qui, lui, compte bien profiter de l'apport de ce jeune milieu de terrain qu'il finit par titulariser en Coupe de France face à Martigues en janvier 2008, à la faveur des blessures conjointes de Didot et Mbia. Pas ingrat, Lemoine en profite pour inscrire son premier but en pro.

Premier match et premier but pour Lemoine contre Martigues en 2008

C'est le tournant de sa carrière: Lacombe lui fait confiance et le préfère alors définitivement au capitaine Étienne Didot. Sous ses ordres, Lemoine jouera 45 matches et marquera deux buts, deviendra finaliste de la Coupe de France (perdue face au rival guingampais) et sera sélectionné en Equipe de France Espoirs.
Et puis en juin 2009, Lacombe est remercié et remplacé par un nouvel ancien stéphanois, Frédéric Antonetti.

Lemoine s'impose à nouveau comme un titulaire indiscutable avec M'Vila, malgré la concurrence de Tettey et d'Inamoto mais lorsque commence la saison 2010-11, un drame se produit.
Alors que la France se passionne ou s'interroge au sujet de la signature de Yoann Gourcuff à Lyon pour 24M€, Rennes dispute à Nancy un match important de début de saison: un banal duel aérien, un genou mal placé dans le ventre et son rein droit éclate en trois parties. Le joueur rennais est évacué à l’hôpital le plus proche, gardé en observation un temps puis finalement opéré pour une néphrectomie. Victime de complications durant l'intervention chirurgicale et forcé de réapprendre à courir, sauter, s'alimenter et simplement vivre avec un seul rein, Lemoine pense à arrêter le football.

Fabien Lemoine est évacué lors de Rennes-Nancy en août 2010

Mais sa force de volonté reprend le dessus et il retrouve le chemin de l'entraînement en octobre, la compétition en réserve mi-décembre et revient en L1 le 18 décembre à Valenciennes. Comme il en a pris l'habitude (ses apparitions notables sont ponctués de gestes décisifs), Lemoine offre le but de la victoire sur corner à Kana-Biyik après être entré en jeu à la 91e minute: "C'est l'un des plus beaux jours de ma vie. Pourtant ça n'a pas été très long mais c'était vraiment l'extase. C'est rare que je joue deux minutes mais c'est superbe"
Malheureusement, sa chance à Rennes est passée: Antonetti a reconstruit son équipe sans lui et malgré ses efforts (vacances écourtées, séances d'entraînement supplémentaires), Lemoine n'est plus titulaire à ses yeux. Pour le joueur de 24 ans, il est temps de découvrir de nouveau horizons...

Lemoine en août 2011, le renouveau stéphanois

Forcément, après avoir croisé la route de tous ces anciens stéphanois et avoir rêvé dans son enfance au maillot vert, il n'hésite pas longtemps lorsque l'ASSE lui propose un contrat de 4 ans en août 2011. Pressenti à Bordeaux et presque déjà engagé à Evian, Fabien décide de rejoindre son club de cœur qui a besoin de pallier au départ de Blaise Matuidi à Paris.
Sous le maillot de l'ASSE, Fabien joue 30 matches lors de sa première saison, malgré la concurrence de Clément et Guilavogui. Très vite confirmé par Christophe Galtier dans un schéma de milieu de terrain en triangle, il reste titulaire lors de la saison 2012-13, partageant son temps de jeu avec les deux autres joueurs sus-cités ainsi que le nouveau venu, Renaud Cohade. Il y remporte la Coupe de la Ligue face à son ancien club, Rennes, s'affranchissant ainsi de la malédiction rouge et noire des finales perdues.

Le superbe but de Lemoine contre Monaco le 1er mars 2014

Il réalise également une saison 2013-14 incroyable en inscrivant des buts superbes et importants (contre Guingamp et Monaco) tout en trustant la première place du classement des étoiles de France Football. Et sa saison 2014-15 est du même accabit avec des buts superbes et décisifs face à Lens ou Lorient et une régularité de métronome dans l'entrejeu stéphanois qui n'est pas pour rien dans le beau parcours des Verts en championnat et en Coupe de France.

Mais sa 5e saison est plus délicate: moins décisif, plus nerveux, usé par le calendrier infernal des Verts, Fabien Lemoine plafonne. Sa réputation de joueur hargneux le déssert vis à vis des arbitres et il a plus de mal à s'épanouir dans un rôle de relayeur qui lui allait jusque là pourtant assez bien. Dans la même lignée, sa 6e saison achève d'illustrer son malaise: bien que buteur en Europa League (face au Beitar Jerusalem), le milieu stéphanois laisse clairement apparaître un ras-le-bol évident sur le terrain. Peu à l'aise avec certains des nouvelles recrues, il a du mal à retrouver son niveau et est de moins en moins utilisé par un Christophe Galtier qui lui offrira néanmoins le brassard de capitaine au printemps.
Alors qu'il est souvent utilisé comme joker pour conserver un score en fin de match, il se fait littéralement découper par Corentin Tolisso au terme d'un Derby pourtant largement maîtrisé par l'ASSE et quitte spontanément le terrain avant le coup de sifflet final. Il achève son aventure avec les Verts à l'été 2017 en rejoignant sa Bretagne natale et le club de Lorient, fraîchement relégué en L2. Un départ sans tambour ni trompette qui illustre parfaitement le concept de fin de cycle.

Le look de Lemoine se durcit autant que son jeu
avec le temps (ici face à Lyon en janvier 2016)

Et Fabien est un homme fidèle, pas du genre à papillonner: s'il a passé 4 saisons à Rennes et 6 à Saint-Étienne, il en passera 5 autres à Lorient. D'abord homme de base d'une équipe fraîchement reléguée et préparée pour une remontée directe, il voit le FCL échouer à deux reprises dans cet objectif et ses illusions de retrouver l'élite s'envoler. Mais c'est la 3e qui sera la bonne et en 2020, alors que la vague de COVID-19 frappe le monde et que tous les championnats s'arrêtent brutalement, Lorient est leader de L2. La LFP proclame donc Fabien et son club champion de L2 et les promeut en L1 !
De retour dans l'élite, l'aboyeur en chef, toujours titulaire jusque-là, commence à montrer des signes de fatigue. D'abord inéboulonnable, comme lorsqu'il retrouve un Geoffroy-Guichard quasi-désertique à l'été 2020 pour une défaite des siens 2-0, il perd progressivement du terrain au profit du futur Stéphanois Thomas Monconduit ou du jeune Enzo Le Fée. Mais il dispute quand même 32 matches en 2020-21 puis 21 la saison suivante, celle qui voit la chute des Verts.
Pour lui aussi, la fin est proche alors, tel un éléphant qui sent sa dernière heure arrivée, Papy migre vers le cimetière des footballeurs, alias le National, en signant au FC Versailles...


Miguel Trauco tacle Fabien Lemoine lors de Lorient-ASSE 2020-21

Bien qu'il ait attendu près de 18 mois pour le voir inscrire son premier but en vert (victoire à Sochaux 2-1 en 2013), le peuple vert avait très vite su reconnaître en Fabien Lemoine un véritable guerrier, technique et décisif, et l'avait rapidement adopté, séduit par son talent bien sûr mais aussi par ses qualités humaines et son envie de jouer.

Tout ce qui parait-il, fait pourtant défaut aux autres représentant de sa génération...

Fabien Lemoine à l'issue de la finale de la Coupe de la Ligue 2013

Retrouvez ici l'ITW que Fabien avait accordée à Poteaux-Carrés.com un an après son arrivée, à l'été 2012