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Figure emblématique de l’AS Saint-Étienne et personnage incontournable du club, Jean-Michel Larqué ne laisse personne indifférent. Si ce joueur doué et intelligent avait fait carrière dans le foot moderne, il aurait sans doute même eu une reconnaissance plus forte encore.
Sa reconversion fut elle un modèle de réussite ? Oui aux yeux du grand public, pas forcément aux yeux du peuple vert…


Ses débuts
Jean-Mimi, son surnom nationalement connu, voit le jour le 8 septembre 1947 à Bizanos (64). Il fait ses premières armes dans son Sud-Ouest natal et se fait déjà remarquer sous les couleurs de la JAB Pau que dirige son paternel. C’est là que l’ASSE vient le débusquer car en 1964, il devient lauréat du concours du jeune footballeur. Ce trophée, très prisé à l’époque, a lieu en lever de rideau de la finale de la Coupe de France à Colombes (92). Il y tape dans l'oeil de Pierre Garonnaire.


Larqué (3e à droite) remporte le trophée du jeune footballeur
en lever de rideau de la finale de la Coupe de France 1964

Ce dernier lui fait participer à un stage de détection où il séduit les recuteurs foreziens. Mais Jean-Michel est encore jeune et il préfère retourner à Pau, sous l'impulsion de son père Jean, figure d'autorité qui lui impose de décrocher son bac d'abord.
L'année suivante, il est nommé major du centre sportif Gillette, non pas pour son côté "rasoir" (pas encore tout au moins) mais plutôt grâce à son aisance technique. Car la qualité première de Jean-Michel Larqué, c’est une technique très au dessus de la moyenne, à laquelle s’ajoute une grande intelligence de jeu. Notre héros du jour possède du coup toutes les qualités pour devenir un talentueux meneur de jeu. Courtisé par Bordeaux, il rejoint finalement Saint-Étienne qui a été le premier à lui faire confiance.

Son emploi du temps est alors démoniaque: il attrape le train de 5h52 pour aller étudier à la fac de Lyon, en préparation d’un CAPES (qui lui permettra d’enseigner l'EPS un mois et demi dans un lycée stéphanois) puis revient le soir s’entraîner avec les amateurs et jouer en équipe une le week-end. Il a alors 18 ans et sa carrière pro peut commencer.


Larqué s'impose rapidement dans l'équipe une de l'ASSE (photo l'Équipe)

Sa carrière de footballeur
De 1965 à 1977, le parcours de ce joueur en avance sur son époque est tout simplement phénoménal, son palmarès, tant individuel que collectif peut en témoigner. Celui qui restera comme le capitaine légendaire d’une équipe mythique disputera 321 matches en D1 avec les Verts, pour 78 buts au global, ce qui en fait le cinquième meilleur buteur de l’histoire du club en championnat. Il remportera sept titres de champions de France (1967, 1968, 1969, 1970, 1974, 1975 et 1976), record partagé avec Hervé Revelli et trois vilains lyonnais. Il remportera par 4 fois la Coupe de France (1968, 1970, 1974, 1975) dont les trois dernières en tant que capitaine. Enfin, il sera de la fameuse épopée de 1976, bataillant jusqu’à la dernière minute pour faire douter l’ogre bavarois en finale de la Coupe des Clubs Champions
Son bilan sous le maillot Vert est aussi rond qu'éloquent: 400 matches pour 100 buts. Facile de calculer son efficacité !
Certaines de ses réalisations sont d'ailleurs restées légendaires comme son fabuleux ciseau en finale de la Coupe de France 1975 au Parc des Princes, qui crucifie le portier lensois Lannoy. 


Face à Lens en 1975: le regard concentré, le geste sûr, le but parfait


La même à vitesse réelle

Mais l’Europe restera l’un de ses terrains de jeu préférés, contribuant fortement à sa légende. C'est ainsi lui qui, d’une frappe rageuse sous la barre, sonne en novembre 1974, la révolte des Verts défaits 4-1 au match aller contre Hajduk Split, pour une victoire 5-1 au retour. C’est encore lui qui remet les pendules à l’heure contre le Dynamo de Kiev en mars 1976, transformant le coup franc du 2-0 qui ramène l’ASSE au niveau de son adversaire du jour. C'est enfin lui qui, le 31 mars 1976, d’un nouveau coup franc à 20 mètres dans l’axe du but (l’une de ses spécialités maison bien avant un certain Platoche), fait pleurer Van Beveren, son adversaire direct Poortvliet (lequel n’était pourtant pas un enfant de chœur) et tout Eindhoven, pour un but qui enverra la meilleure équipe française de tous les temps à Glasgow. Jean Michel Larqué disputera 27 matches européens sous la tunique verte.


Captain Larqué, au dessus de la mêlée

Ecarté du groupe pro par Robert Herbin en mai 1977, suite à des désaccords internes autant qu'à cause de son déclin sportif, il termine sa carrière de joueur, en exilé pas tout à fait volontaire, sous le maillot du PSG de Daniel Hechter, lequel veut alors monter une équipe "sur mesure" dans la capitale puis au Racing Club de France jusqu'en 1983 où il raccroche définitivement les crampons.
Etrangement, sa réussite est moindre en équipe de France puisqu’il n'est sélectionné qu’à 14 reprises en équipe nationale, pour deux réalisations seulement. Il rate notamment la Coupe du Monde 1978 suite à une blessure au genou au pire moment.


Le dernier match de Larqué en Vert face à Poissy
avec la réserve de l'ASSE au printemps 1977 (photo l'Équipe)

Sa reconversion au micro
Une fois les crampons raccrochés, Jean-Mimi pense allègrement pouvoir passer du pré sur le banc et embrasse donc une carrière d’entraîneur. C’est le PSG qui lui donne tout naturellement sa première, et éphémère, chance l’espace de quelques matches durant la saison 1977-78. On le retrouve ensuite sur le banc du Racing en 1981, avec guère plus de succès dans un rôle d'entraîneur-joueur peu concluant: "Ce n’était pas un métier fait pour moi. La réalité du terrain est trop éloignée du message que je veux faire passer. Je m’en rendais malade. Je ne prenais pas mon pied. J’admire les gens qui sont capables de supporter la pression et d’avancer".


Larqué entraîneur-joueur au PSG en 1981

Rapidement, il se rend compte qu’il est plus aisé de délivrer un message via un micro ou un stylo auprès d’un large public, que de façonner un groupe comme l’avait fait le Sphinx. Il choisit donc de se reconvertir dans le journalisme sportif. Entre 1980 et 1984, il commente avec son compère Thierry Roland les matches de football sur Antenne 2 avant qu'ils ne passent sur TF1 de 1985 à 2005 pour former le duo sportif le plus emblématique de la TV française.
Si cette association cultive souvent le populisme à l’extrême (les "Tout à fait Thierry" resteront à jamais dans le vocabulaire de base du Français moyen), leur entente fait des merveilles et leurs voix s'associent aux plus grands évènements du football français: les Coupes du Monde 1982, 1986 et 1998, les Euros 84 et 2000, les victoires françaises en Coupe d'Europe de 1993 et 1996 mais également les pires moments comme le terrible France-Bulgarie de 1993...
Parallèlement à sa nouvelle activité, il crée en 1985 les stages Jean-Michel Larqué, qui deviendront le nec plus ultra des stages de jeunes footballeurs.


Rolland-Larqué: un duo de commentateurs mythique

Un retour loin d'être heureux
En 1993, Jean-Mimi nous fait un curieux mélange de genre. Un dimanche matin, à l’occasion de la cultissime émission Téléfoot, Larqué invite le respectable André Laurent, alors président des Verts, quelques heures avant une demi-finale de Coupe de France contre Nantes (qui sera finalement perdue). Le gentil journaliste propre sur lui fait place au tueur de sang froid avec une kyrielle de questions déstabilisantes, notamment quant à l’absence du club dans les palmarès nationaux depuis l’arrivée de l’industriel stéphanois à la tête du club. Dans les jours qui suivent la défaite stéphanoise, Laurent démissionne.

Le puissant sponsor Casino porte au pouvoir l’incompétent Yves Guichard et… Jean Michel Larqué en qualité de manager général. Ce dernier promet l’Europe aux supporters verts, à grand renfort de transferts coûteux (Blanc, Swierczewski, Wohlfarth…). Peu avare avec l’argent des autres, doté d'un salaire manifestement mirobolant, Larqué se dépense et dépense sans compter, surtout l’argent qu’il n’a pas. Ce glorieux tandem laisse le club exsangue, bien loin de l’Europe, lorsqu'il quitte le navire en brasse coulée, en septembre 1994. L'ASSE finit par descendre en D2 en 1996 et il lui faudra plusieurs saisons pour revenir à un niveau acceptable après ce douloureux épisode. Malgré une politique de formation fructueuse mise en place sous son règne (l'ASSE remportera la Gambardella en 1998), Jean-Michel Larqué vient alors de dilapider en quelques mois, la majeure partie de son capital sympathie auprès du peuple vert.


L'ASSE version Larqué (debout à gauche): le début des désillusions

La routine médiatique
Il retourne donc à ses affaires de journaliste qu’il n’a jamais réellement quittées, à TF1 bien sûr, où il commente de nombreux matches avec l’inénarrable Thierry Roland, puis à la retraite de ce dernier en 2004 avec Thierry Gilardi, lequel se "rolandisera" plus vite qu’il ne faut pour le dire et enfin avec le terriblement risible Christian Jeanpierre après le décès de Gilardi en 2008.
Si Larqué connaît les plus belles heures de l'EDF avec la WC 98 et l'Euro 2000, il doit quitter TF1 après le fiasco de la Coupe du Monde 2010 et rejoint un temps M6, Canal+ puis BFMTV avant d'échouer enfin sur RMC à partir de 2014. Vieillissant, sa propension à rester figé dans des préceptes sportifs d'un autre temps et à rabâcher continuellement les mêmes commentaires lui vaut progressivement les railleries du grand public tout en flattant l'audimat populiste de la radio monégasque.

Mais on le retrouve également dans le magazine "Onze Mondial" où il occupe longtemps la fonction de rédacteur en chef, après avoir pourtant débuté au bas de l’échelle. Depuis 2001, il prodigue, mais sur un ton plus acerbe et moins policé, ses "précieux conseils" sur RMC Info dans sa propre émission "Larqué foot" ou dans celle des ses collègues. On le voit aussi très souvent dans les coulisses du Variété Club de France, ou en annonceur public des fêtes de St Jean-de-Luz ou du tournoi de Saint-Joseph pendant ses commentaires TV. Il devient même le "conseiller spécial" de Dimitri Yachvili, demi de mêlée du Biarritz Olympique et de l’équipe de France de rugby, pour ses tentatives de transformation. Passionné de golf, handicap 8, il reste également très attaché à sa région natale.


Presse écrite, TV, radio, Larqué est un homme de médias variés

Personnage public incontournable du monde du football, Jean-Michel Larqué aura laissé une image bien ambivalente aux nombreux supporters des Verts: fabuleux joueur et bien piètre dirigeant. Sa facilité à donner des leçons micro en main n’aura pas été suivie d’effets sur le terrain. Il est du reste fort dommage que les jeunes générations ne se souviennent de lui que pour son éphémère passage en manager.
Pourtant, Larqué semble vraiment aimer ce club dont il est ambassadeur à vie. Régulièrement présent lors des commémorations anniversaires ou des hommages à d'anciens joueurs disparus, il ne manque jamais une occasion de parler de son club de toujours lors de ses nombreuses interventions, oubliant malheureusement souvent les leçons d’un passé pas si vieux que ça, à chaque fois qu'il s'érige en donneur de leçons ou en détenteur d'une vérité absolue...