Kreuzigue a écrit : ↑20 sept. 2024, 11:51
___ a écrit : ↑20 sept. 2024, 11:03
Je me permets de relancer - en ne cherchant pas la polémique, hein.
Le concept de bouc-émissaire de René Girard est assez connu en France ; peut-être moins celui de "Folk Devil", proposé par un anglais dans le cadre d'une théorie sur la panique morale :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_morale
C'est moins le cas aujourd'hui, mais dans les années 2000, on a eu des leaders politiques dont en particulier un ministre de l'Intérieur puis Président qui a tenté de faire son fond de commerce de ce type de paniques morales, en se saisissant notamment de la figure du hooligan - qui pourtant, à l'époque, était assez résiduelle dans not' beau pays.
Quand on lit ce qu'on lit et qu'on voit ce qu'on voit sur ce thread, je me dis que malheureusement il en est resté quelque chose.
Je ne suis pas sûr que le terme"folk devil" s'applique aux hooligans (et assimilés... comme par exemple la frange la plus agressive des ultras en Italie "bien qu'il faille se méfier des amalgames, etc") Il me semble que ce concept se réfère à des sous-cultures de
jeunes se revendiquant en marge de la société. Le hooliganisme me semble différent et en grande majorité, ses pratiquants sont bien insérés socialement et plus forcément très jeunes non plus. Un groupe hooligan est une tribu de rebelles à temps partiel à la recherche d'émotions fortes principalement le week-end,
affrontant leurs
ennemis -d'autres rebelles à temps partiel- selon des règles plus ou moins établies et plus ou moins respectées. En tant que loisir/ sport extrême/ adrénaline/instinct tribal, on pourrait dire que c'est quelque part entre le fight club, le rugby amateur dans ce qu'il a de plus, euh, viril et la loge orangiste d'East Belfast. Et le lundi tout le monde retourne bosser et personne n'agresse son supérieur hiérarchique à la machine à café pour un oui ou pour un non. (Même si c'est un méthodiste modéré.) Parce qu'il faut bien vivre. Pour moi, un folk devil est différent, il est "irrécupérable" il vit en marge des gens normaux toute la semaine, il est
en dehors de la société. Et en général il ne vit pas très vieux. Pour faire une image motarde, le vrai folk devil serait un biker qui ferait partie d'un outlaw motorcycle gang, alors que le hool est un passionné qui pourrait seulement rouler le week-end. (Oui,oui, je me doute que la réalité est plus complexe que ça.)
D'accord avec le fait que la figure du hooligan paraît assez mal coller au concept de "folk devil", puisque comme tu le dis son expression est très localisée dans le temps et l'espace. Un espace qui n'est justement pas, dans notre pays, d'enjeu assez général pour créer une vraie panique chez les foules: nous en tant que supporters de foot on est attentifs aux discours politiques qui se rapportent à ce sujet, aux mesures qui affectent concrètement notre vie sur les interdictions de dep etc, mais je pense que la grande majorité des gens n'en a juste rien à faire des hooligans et des supps en général. Si on leur demande leur avis, ils diront que c'est débile, dangereux, etc, mais c'est pas un sujet de haine qui "vit" dans la société comme d'autres que tout le monde connaît.
Cela dit je pense qu'il est important d'ajouter que dans ton exemple du biker, si on est dans un contexte où les règlements de compte entre 1% sont en permanence couverts par les infos dans un pays très puritain qui va les associer à Satan, le type qui bichonne sa Harley le weekend pourra tout aussi bien devenir un "folk devil" auprès de ses semblables même en étant aussi inséré dans la société qu'eux, du moment que l'image que ses semblables en capte est "il ressemble à ces marginaux ravagés". L'article Wiki rappelle même que ça a eu lieu avec les goths, les gens les plus inoffensifs de tous les temps

Ce qui compte, à mon avis, c'est donc pas tant l'insertion réelle dans la société que la capacité à marteler que les folk devils ne
devraient pas être des membres de la société ; et plus une frange d'entre eux ne l'est effectivement pas, plus cette idée est facile à faire passer. Peut-être que c'est ce que tu voulais dire, mais au cas où je trouvais la précision importante.