Ancien entraîneur de l'Amiens SC et des Merlus, Christophe Pélissier est le mieux placé pour nous parler du nouveau milieu de terrain stéphanois Thomas Monconduit.


Venant de s’engager avec l’ASSE, Thomas Monconduit est le joueur que tu as le plus longtemps eu sous tes ordres jusqu’ici dans ta carrière d’entraîneur.

Effectivement, j’ai travaillé avec lui lors des six dernières saisons. Je l’ai d’abord entraîné quatre ans à Amiens et je l’ai eu ensuite deux ans à Lorient. C’est un joueur qui est très intelligent, il est précieux par sa lecture du jeu. Il a des qualités techniques aussi. Il faut que ce soit un joueur mentalement bien entouré. Quand il est psychologiquement bien, quand il se sent bien dans un environnement, il peut apporter énormément à l’équipe. Le mental est très important chez lui. S’il évolue dans un climat de confiance, avec des gens qui lui font confiance, il la leur rend.

Dans l’émission Le Vestiaire, Thomas avait mis en exergue l’humanité dont tu as fait preuve lorsqu’il a perdu son père en 2015.

C’est un garçon qui a besoin plus que d'autres de sentir de l'affection ?

Thomas a besoin de sentir de l'affection mais beaucoup d’autres joueurs sont comme ça. Ils ont besoin de sentir qu’il y ait une confiance de la part du coach pour donne le maximum d’eux-mêmes. Thomas a besoin de sentir qu’on lui fait confiance. Cela ne veut pas dire qu’il ait besoin qu’on lui dise qu’il sera titulaire à chaque fois, ce n’est pas du tout ça. Mais il doit sentir qu’il est dans un projet, dans un environnement qui lui va bien, où il peut s’épanouir et donner la pleine mesure de ses qualités. Thomas est quelqu’un qui marche beaucoup au feeling.

Après, c’est un compétiteur, hein ! Parfois on a eu sinon des prises de bec en tout cas des échanges un peu vifs. Je le taquinais là-dessus : Thomas n’aime pas contourner les règles mais régler après les règles, après l’arbitre. C’est d’ailleurs un point sur lequel il doit s’améliorer parce qu’il lui arrive parfois de sortir du match s’il ressent de l’injustice par rapport à l’arbitrage. Mais avec l’âge, l’expérience aidant, c’est un domaine où tu peux progresser…

… ou pas. Regarde Wahbi Khazri ! C’est un trentenaire, un 1991 comme Thomas Monconduit, et sur les 30 cartons qu’il a pris lors de ses vertes années y’en pas mal qui sont dus à des contestations. Il a beau être expérimenté, il a parfois du mal à se maîtriser.

J’avoue que parfois Thomas est un peu comme ça aussi ! (rires)

Ton ancien adjoint Romain Poyet nous a dépeint un métronome, tu confirmes ?

Oui. Thomas, c’est quelqu’un qui connaît le rythme d’un match, qui sait mener le rythme d’un match. Il sait quand il faut accélérer ou quand il faut calmer le jeu. Thomas, c’est aussi quelqu’un capable de marquer de superbes buts. Il a marqué des buts très importants, que ce soit avec Amiens ou avec Lorient. J’ai encore en tête le souvenir du but qu’il a mis contre Nice la saison passée. Sa super frappe nous a fait gagner 1-0. Trois semaines plus tôt il avait marqué lors de notre nul à Bollaert sur un tir poteau rentrant. Son dernier but, il l’a mis en décembre dernier contre le PSG là encore d’un très joli tir.

L’année de la montée avec Amiens, il avait inscrit aussi trois buts qui ont été déterminants pour notre accession à l’élite. C’est lui qui a mis le but victorieux de notre 4-3 à la maison contre Strasbourg en début d’année. Et dans la dernière ligne droite il a frappé coup sur coup. D’abord lors de notre succès 2-0 contre Le Havre à la maison, il avait ouvert le score avant de délivrer une passe décisive sur le but du break. Et le week-end d’après il avait marqué le but victorieux de notre 3-2 à Brest d’une frappe exceptionnelle. En confiance, Thomas peut mettre des buts, c’est important pour un milieu de terrain.

J’ai l’impression qu’il aime claquer des pions dans le money-time car il avait marqué dans le temps additionnel le but de la victoire d’Amiens contre Rennes.

Exact, d’une superbe frappe lointaine du gauche alors que c’est un droitier. Il est bon des deux pieds. Je lui disais même en rigolant qu’il était meilleur du gauche sur les frappes. En tout cas Thomas est capable d’être à la construction du jeu bien sûr mais aussi parfois à la finition. Il est très bon sur les coups de pied arrêtés aussi. Thomas, c’est vraiment quelqu’un qui a beaucoup de cordes à son arc.

Dans quel(s) domaine(s) tu l’as vu progresser au fil des années ?

Il a progressé dans la gestion du rythme des matches. C’est quelqu’un de très intelligent que ce soit dans la vie en général ou sur les terrains. Il a une intelligence tactique, il lit très bien les matches. C’est quelqu’un qui a la base a été formé latéral droit à Auxerre puis il est monté au milieu à la fin de sa formation à l’AJA. Je trouve qu’il a réussi au fil du temps à progresser dans sa capacité à jouer haut sur le terrain. Il est très juste techniquement donc intéressant et très fiable dans la construction du jeu. Sous pression, il sait s’en sortir, il n’y a pas de souci. Je pense qu’il a progressé dans les 30 derniers mètres car il est capable de mettre des buts en dehors de la surface, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Thoams sait aussi être un bon passeur. D’ailleurs je crois que mon successeur sur le banc amiénois Luka Elsner l’avait mis quelques fois numéro 10 dans un milieu à trois. Thomas est capable de jouer à autre poste que pur numéro 6, il peut joueur relayeur voire 10.

Tu l’utilisais dans quel dispositif tactique ?

A Lorient, dans un milieu à trois, c’était plutôt Fabien Lemoine qui était en base. Thomas était un peu plus haut avec Laurent Abergel. Quand Fabien a été blessé, Thomas a aussi ce poste devant la défense. Il a alterné les deux postes. Personnellement, je le préfère soit dans un milieu à trois en tant que relayeur, soit à deux dans les deux 6. Son intelligence de jeu et sa fiabilité technique lui permettent d’occuper plusieurs postes dans l’entrejeu quel que soit l’organisation mise en place.

On sait que Laurent Batlles aime jouer avec une défense à trois et qu’il a mis en place à Troyes avec beaucoup de succès un milieu en losange. Tu penses que Thomas a les qualités requises pour jouer dans un tel schéma ?

Tout à fait. Tactiquement, Thomas est très au point, il sait s’adapter à n’importe quel schéma tactique. En plus, on a eu l’occasion bien sûr d’échanger là-dessus, il aime bien évoluer dans une équipe qui a une défense à trois. C’est d’ailleurs dans ce dispositif que l’on avait joué non pas avec Amiens mais avec Lorient la seconde partie de saison de la première année. On avait d’ailleurs fini 5e sur la phase retour. Pour en avoir discuté avec lui, il aime ce système-là.

Thomas est-il solide dans le domaine aérien ?

Il est solide, il est plutôt grand car il ne doit pas être loin d’1m85. Le jeu de tête n’est pas sa qualité première sur le plan offensif mais défensivement par contre, il est très bon en première zone. Je ne sais pas comment défend Laurent sur les coups de pied arrêté mais nous on était souvent en position en première zone. Thomas est très bon dans l’attaque de balle et dans les lectures de trajectoires.

Tu as évoqué sa tendance à sortir du match quand l’arbitrage l’agace et son jeu de tête offensif perfectible. A-t-il d’autres axes de progression ?

Son autre axe de progression, c’est la régularité sur une saison. Thomas est un garçon qui a besoin d’être au top mentalement et physiquement pour être performant. Il lui arrive d’avoir des coups de moins bien, comme beaucoup de joueurs. Avec son expérience, je pense que Thomas doit être un peu plus régulier, que ce soit au cours d’un que sur une saison.

Thomas a été l’un des principaux artisans des deux montées d’Amiens, du National à la Ligue 1. Et il fait partie aussi des cadres sur lesquels tu t’es appuyé pour mener à bien tes opérations maintien à Lorient. Vous avez partagé de belles avantures humaines couronnées de succès.

Oui, c'est bien sûr ce que je retiens de notre collaboration. Thomas a joué un rôle important. C’est un bon footballeur mais c’est aussi quelqu’un que j’apprécie aussi beaucoup humainement.

A Amiens, tu lui avais confié le brassard une saison. Qu’est-ce qui a guidé ton choix et pour quelles raisons as-tu ensuite changé de capitaine ?

Je lui ai confié le brassard car c’est quelqu’un qui correspondait aux valeurs que j’attendais. C’est un très bon relais du fait de son intelligence de jeu, de sa capacité à lire le match. Après, c’est lui-même qui m’a demandé de ne plus avoir le brassard pour se concentrer sur ses performances. Thomas laissait beaucoup de jus dans son rôle de capitaine. Je ne pense pas que ce rôle lui plaise vraiment forcément. Thomas est un leader technique sur le terrain, dans le jeu mais il est moins porté sur ce qu’il y a autour. Mais ça reste bien sûr quelqu’un qui a un très bon état d’esprit, qui ne pose jamais de problème dans un vestiaire.

Tu nous as récemment donné ton avis sur Matthieu Dreyer et Léo Pétrot, tu viens de nous parler de Thomas Monconduit. Un autre de tes anciens joueurs, en l’occurrence Jordan Lefort, a failli s’engager avec Sainté. Ton nouveau rôle de consultant sur Prime Video, c’est juste une couverture en fait ? Ton vrai boulot, c’est désormais recruteur à l’ASSE, non ?

(Rires) Non mais peut-être qu’on a des idées avec Laurent qui se rapprochent dans ce que l’on veut mettre en place dans une équipe et dans un projet de jeu.

 

Merci à Christophe pour sa disponibilité