A son tour atteint par la maladie de Charcot qui a emporté Fofo (en juillet 2014) et Jojo (le 4 juillet dernier), le médecin bordelais Antoine Mesnier a révélé avant-hier dans Sud-Ouest qu'il avait mis fin aux jours de son ami Patrice Lestage (champion de France avec les Verts en 1981) le 29 novembre 2010. Extraits.

" J’ai appris que j’avais la maladie de Charcot le 23 février 2022. Le jour de mes 65 ans ! Alors que le gouvernement annonce imminent un projet de loi sur la fin de vie, j’espère contribuer à faire tomber le dernier tabou. C’est devenu le but de ma vie.  Toubib à l’ancienne pendant 40 ans, j'ai soigné les Zidane, Dugarry, Lizarazu de la bonne époque des Girondins. J’y suis entré grâce à mes grands copains Patrick Battiston et Patrice Lestage.

C’est moi qui ai annoncé à Patrice son Charcot. Il m’a fait promettre de le faire partir quand il le désirerait. Je connais ce qui m'attend, j'ai vécu le traumatisme d’accompagner Patrice jusqu’au bout du bout. J'ai dit à Serge Simon que je comptais sur lui pour m'envoyer dans les étoiles quand je ne serai même plus capable de me gratter. Je sais qu'il le fera, mais j'aimerais que ce soit dans la légalité. C'est pour ça que je me bats pour faire évoluer la loi.

J'ai eu à faire passer l'amitié avant la loi. Un jour Patrice m'a demandé de tenir sa promesse. Je ne me sentais pas capable de lui faire juste une piqûre et adieu. Je lui ai dit que j'allais continuer à venir tous les jours pour ses soins et puis un de ces jours, sans dire lequel, je mettrai une dose plus forte. Mais j'ai reçu l'appel d'un magistrat du parquet de Bordeaux. Il m'a dit : "je sais ce que vous êtes en train de faire." Il m'a dit que sa femme était morte de Charcot, qu'il aurait aimé qu'un médecin agisse comme moi, mais qu'il y avait la loi. J'étais dans la merde.

La loi Leonetti de 2005 proscrit l'obstination déraisonnable sans prescrire d'aide active à mourir. Mais le malade refuse tout traitement, ne s'alimente plus, n'a plus d'oxygène.... La réalité, c'est une agonie. La maison de mon ami sentait le pus, des mouches sortaient de ses escarres. j'étais à un match France-Irlande. Je me voyais dans un moment de plaisir et je pensais à Patrice. J'ai pris le premier train, à 6 heures. Je suis allé directement chez lui. Et j'ai tenu ma promesse...

En 2016, la loi est devenue Claeys-Leonetti. Elle a introduit la notion de "sédation profonde et continue." On est encore dans l'hypocrisie ! On peut mourir en 8 jours comme en 24 heures. Il faut autoriser une injection létale pour les maladies incurables, dans la collégialité médicale, avec le consentement du patient. L'engagement de Serge envers moi, c'est inestimable. J'y trouve de la sérénité pour vivre. Je ne veux pas que ce soit un risque pour lui. Et chacun devrait pouvoir décider.

Le 31 juillet dernier, j'ai ressenti une douleur foudroyante. Je sais que j'ai fait un infarctus du myocarde. Je l'espère depuis le 23 février 2022, celui-là ! Je vais pouvoir partir dignement, Charcot ne m'aura pas et je n'embêterai pas Serge. L'occasion de rêve, quoi ! Je me suis allongé sur mon lit pour me laisser partir. J'ai pensé à mes fils, les gens que j'aime, Baigorri. Alors j'ai eu envie de vivre encore. Ce n'était pas le moment. Je veux décider du moment. C'est tout l'enjeu de la loi."