On a débriefé la victoire de l'ASSE contre les Annéciens avec leur capitaine Vincent Pajot, auteur d'un joli but à l'occasion de son retour dans le Chaudron.


Vincent, comment as-tu vécu ton retour à Geoffroy-Guichard ?

J’ai vécu ça avec émotion, forcément. C’est toujours particulier de jouer dans le Chaudron. Cela faisait un bon moment que je n’étais pas revenu. J’avais joué deux ou trois matches contre les Verts avec Metz mais à chaque fois c’était à Saint-Symphorien, je n’avais pas eu la chance de revenir jouer à Geoffroy. Je suis content d’avoir pu le faire avec le FC Annecy. C’est évidemment un stade que j’affectionne beaucoup pour avoir eu le bonheur d’y évoluer trois saisons quand je défendais les couleurs de l’ASSE. Il y a une atmosphère particulière dans ce stade. Y’a peu de stades en France, a fortiori en L2, où il y a une telle ambiance.

Ce déplacement était forcément très attendu chez nous car la quasi-totalité du groupe n’avait jamais eu l’occasion de jouer dans le Chaudron. Il y avait beaucoup d’excitation et ils ont aimé l’ambiance. Ce qui était bien, c’est qu’il n’y a pas eu tellement d’appréhension. Ils ont trouvé le juste milieu, c’était intéressant. Il faut dire qu’on est arrivé à Sainté en confiance, on était sur une bonne dynamique. C’était un peu un match « bonus » pour contre l’ASSE. Pour tout le monde, il fallait avant tout prendre du plaisir. C’était le mot d’ordre. Même s’il n’y a pas eu le résultat au bout, dans l’état d’esprit c’était ce que l’on voulait faire, je trouve que l’on a fait un match plutôt cohérent.

Ce match a failli s’arrêter pour Thomas Monconduit et pour toi dès la deuxième minute de jeu…

C’est pas faux ! (Rires) C’est une action litigieuse dans l’ensemble. Je fais un contrôle un peu long et j’essaie d’intercepter le ballon, on arrive un peu en même temps. Je pense que je lui prends plus sa cheville qu’il ne prend la mienne. Il n’y a pas la VAR en Ligue 2, je pense que c’est un avantage aussi bien pour moi que pour lui. Ce choc a mis au moins la thématique du match (rires).

Tu t'en es relevé comme Thomas, vous avez d'ailleurs fait tous les deux un très bon match. Comme l’avait dit ton ami Jessy après ta sortie sur KO et sur civière lors d’un Bastia-Sainté, « Vincent, il donnerait corps à la science ». Entre ta conduite de balle et Monconduit, ça ne pouvait finir qu’en auto-tamponneuse !

(Rires) On va dire que ça donné le ton à cette rencontre. Il y a un état d’esprit à mettre en place dans ce type de match, même en règle générale. Ça a montré l’état d’esprit dans lequel on était, nous comme eux. Ça a été un match très intense mais aussi très correct, il faut quand même le souligner. D’ailleurs on n’a pris qu’un seul carton jaune en fin de match. Quelques minutes avant, Sainté en a pris un juste parce que Mathieu Cafaro a enlevé son maillot dans l’euphorie du but victorieux qu’il a inscrit.

Peux-tu revenir pour nous sur ta superbe ouverture du score ?

Déjà ça part d’un bon pressing de notre part, ça nous permet de récupérer le ballon assez haut. Yohan Demoncy fait une transition comme on a un peu l’habitude de faire en essayant de jouer à l’opposé. Kévin Testud me fait une très bonne remise et après sincèrement c’est assez instinctif. Je sais que je suis aux abords de la surface où j’ai très peu de temps. Je n’ai pas forcément la réflexion de me dire d’essayer de contrôler ou de faire quelque chose. Je tire à l’instinct et un petit rebond fait que je la prends vraiment bien. Et voilà, ça finit au fond des filets !

 

Ce très beau but n’est pas sans nous rappeler celui que tu avais mis devant cette même tribune Charles-Paret contre Nantes.



C’est vrai ! J’avais marqué de plus loin contre Nantes mais hélas le Kop Nord était vide à l’époque. Samedi, ça m’a fait bizarre. Au moment où je marque mon but, j’ai l’impression que je suis encore un Stéphanois. Y’a ce moment fugace d’euphorie et je me retrouve vite à la réalité de me dire "non, non je suis un joueur d’Annecy maintenant !" (rires) Je n’ai pas fêté le but, c’était la moindre des choses vu le contexte et tout ce que m’a apporté le club. On va dire que j’ai su me recadrer assez rapidement !

Sache que cette non-célébration a été particulièrement appréciée des supporters stéphanois ! C’est amusant de voir ta réaction sur le but. Tu commences un sprint en désignant en guise de remerciement ton passeur décisif et tu stoppes d’un coup ta course en n’extériorisant aucun signe de joie.

Le moment où le ballon rentre dans les filets, j’ai l’impression d’avoir vécu ça comme un joueur de Saint-Etienne qui marque à Geoffroy-Guichard. C’est une sensation assez bizarre mais il fait dire que j’ai beaucoup de repères sur le terrain. Après on revient vite à la réalité.

La réaction des Magic Fans t’a ramené à la réalité. Si t’avais marqué pour Sainté, il y aurait une clameur immense et une déferlante de supporters.

Ah oui, c’est incroyable la réaction des kops stéphanois sur les buts des Verts, cette marée humaine qui descend. Tu as raison, c’est peut-être le fait qu’ils n’aient pas fêté mon but qui m’a mis la puce à l'oreille ! (rires) J’ai toujours eu cette frustration quand j’ai marqué pour Sainté contre Nantes de me dire « putain, je mets un but de malade mais ce qui aurait bonifié le but ça aurait été de communier avec le kop nord pour partager ma joie. » A chaque fois qu’on me remontre ce but, je me dis que c’est dommage de ne pas avoir vécu ça parce que ce sont des sensations que l’on retrouve très peu.

Tu n’as pas été tenté de fêter ton but avec les Magic Fans samedi après-midi ?

Non, je pense que ça aurait été déplacé et pas très fin, j'ai préféré m'abstenir ! (rires)

Les Verts ont égalisé dès la minute suivante. T’expliques ça comment ? Vous vous êtes relâchés ?

Il y a peut-être eu en effet un léger relâchement. Après, nous, sincèrement, on est un peu un effectif en apprentissage aussi. Il y a des choses qui se passent, peut-être qu’avec plus d’expérience ça ne se produirait pas. On ouvre le score, il y a de l’euphorie, on est à Geoffroy-Guichard. On a le bonheur d’ouvrir la marque, on connaissait le contexte. On savait que si notre avantage durait, peut-être que le stade pouvait se retourner. C’est sûr qu’il y a beaucoup d’énervement quand on concède aussi vite cette égalisation. Les Verts ont eu le mérite de très vite revenir dans le match, ça leur a donné de la force.

Tu as eu une belle opportunité de redonner l’avantage à ton équipe mais heureusement tu as complètement foiré ta frappe. Les Américains auraient aperçu ton ballon dans le ciel et l’auraient abattu. Tu bosses pour les Chinois ? C’est un faux rebond qui t’as fait rater ?

(Rires) Non mais bon, j’étais sur mon pied gauche et on va dire que ce n’est pas mon meilleur pied. C’est un mauvais geste de ma part, je n’ai aucune circonstance atténuante. C’est parti dans les nuages et c’est là que je me suis dit : « bon ben ça ne sera pas le match parfait. » J’ai frappé de rage la pelouse après ce raté mais heureusement je ne me suis pas blessé (rires). C’est toujours rageant de rater des opportunités comme ça. Cette saison j’ai mis un triplé et un doublé et Coupe de France mais ça ne m’est jamais arrivé en championnat.

Avec deux jours de recul, quelle analyse fais-tu de cette rencontre ?

Les deux équipes ont mis le curseur assez élevé au niveau du jeu et de l’intensité. Cela faisait un petit moment que je n’avais pas ressenti cette intensité typique Ligue 1. Il y a eu du jeu, c’était porté vers l’avant. Je pense que c’était un match plaisant à regarder, en tout cas pour nous c’était agréable à jouer. Je pense que Sainté a élevé son niveau dans tous les domaines. Avec un niveau un peu moindre comme ils ont pu faire par le passé, peut-être qu’on aurait pu l’emporter. Mais sur ce match-là les Verts ont mis le curseur haut dans tous les compartiments. Ça nous a donné l’obligation de mettre le curseur haut nous-aussi.

Tout ça a fait le match que ça a fait. A la fin de la rencontre, on est sorti forcément frustrés mais quand on voit le troisième but des Verts, il y a peu de choses à dire. Ce n’est pas une erreur de notre part, Mathieu Cafaro marque un superbe but. C’est dommage pour nous car à ce moment-là on était dans notre temps fort. De l’extérieur limite on pouvait se dire que c’est peut-être Annecy qui pouvait l’emporter. Au final Sainté arrache la victoire sur un but venu d’ailleurs, on ne peut qu’applaudir et se dire que ça fait partie du jeu.

Ce magnifique pion victorieux a permis d’éclipser celui de l’égalisation annécienne. Alexy Bosetti n’a pas trop mal pris que Mathieu Cafaro lui ait volé la vedette ?

Nan ! Franchement, Alexy a mis lui aussi un magnifique but, toute en finesse. Dans tous les cas, il se matera son but 100 000 fois ! (rires) Vu la physionomie du match, j'estime qu’un nul aurait été plutôt logique mais que le succès des Verts n'est pas immérité. Je pense que le match ne pouvait basculer que sur un but venu d’ailleurs, que ce soit pour Annecy ou pour Saint-Etienne. Chaque équipe a eu ses temps forts, sa maîtrise à un moment donné. On a donné le maximum et on est tombé sur un très bon Saint-Etienne. Il faut être assez lucide et avoir l’humilité nécessaire pour dire que ça reste une belle performance d’avoir réussi une série de 12 matches d’invincibilité et de l’avoir stoppée dans le Chaudron après un match de bon niveau. On n’aurait pas cru forcément à un tel scénario.

Quels joueurs stéphanois méritent à ton avis d’être mis en exergue pour leur prestation de samedi après-midi ?

Il y a Mathieu Cafaro forcément. Il a donné la victoire aux Verts en marquant un but incroyable mais son match ne se réduit pas à ça. Il a été très actif et il a notamment adressé un excellent centre sur le deuxième but stéphanois. Je n’oublie pas non plus qu’en début de match, c’est sur une passe de Cafaro que Wadji se procure une belle occase. Sur l’autre côté, Niels Nkounkou a lui aussi été très performant, il a d’ailleurs délivré deux passes décisives. Avec Cafaro, ils ont été tous les deux excellents, je pense que c’était le plan stéphanois, mettre de la profondeur sur les côtés et ça a bien marché.

Après, je veux souligner l’importance de Jean-Philippe Krasso. Je trouve que c’est un attaquant très moderne, très fin, assez intelligent dans ses déplacements. Au-delà de son but, le 10e de la saison, j’ai trouvé intéressant l’état d’esprit qu’il a affiché dans ce match. Je regarde quasiment tous les matches de Sainté, je trouve que son état d’esprit a été exemplaire, ça fait du bien de voir ça. J’ai beaucoup apprécie son match.

C’est un joueur assez atypique dans sa « nonchalance » mais j’ai trouvé qu’il avait un sursaut d’orgueil. C’est peut-être lui qui mis l’état d’esprit pour tirer l’équipe dans le bon sens. Il manquait des leaders sur ce match-là car Anthony Briançon et Gaëtan Charbonnier sont blessés. Je pense que Jean-Philippe Krasso a pris conscience du rôle qu’il avait à jouer, ça a été un bon capitaine. C’est comme ça que je l’ai ressenti sur le terrain en tout cas.

Tu vois Sainté quitter rapidement la zone rouge ou tu redoutes une rechute des Verts ?

Je suis optimiste pour les Verts mais en même temps, la Ligue 2 est tellement complexe... Même la saison passée il y avait toujours ce côté : « Ouais mais c’est Saint-Etienne, ça va repartir, ils devraient se maintenir ! » Plus les journées avancent, plus on se dit « putain, ils peuvent vraiment descendre ! » En tant que supporter stéphanois on a un œil différent encore. En tout cas les Verts ont l’effectif pour se maintenir et ils peuvent s’appuyer sur des performances comme celle qu’ils viennent de réaliser à nos dépens. Je trouve qu’ils font un recrutement intéressant. Outre ceux qui ont joué samedi, il y a Gaëtan Charbonnier, qui leur a déjà apporté des points très précieux en marquant trois buts. Ils ont pris aussi Mateo Pavlovic derrière…

Il avait joué avec toi au SCO d’Angers, que peux-tu nous dire sur lui ?

C’est un joueur de l’Est, très rugueux. Il a un gros impact physique car il est très grand et costaud. Moi ce qui m’avais surpris c’est qu’il a quand même un bon jeu au pied. Il est capable de changement d’aile, il est assez propre dans ses relances. Je trouve que c’est un défenseur assez complet. Je pense que son impact physique va faire du bien dans ce secteur-là surtout que Briançon est blessé pour l’instant. Je pense que Pavlolic est une bonne pioche.

C’est un joueur combatif. Les Verts ne l’avaient pas été mardi à Bastia mais ils ont mis beaucoup d’engagement contre vous. C’est capital pour s’en tirer en Ligue 2, non ?

Bien sûr, c’est fondamental. Dans le foot, il y a beaucoup de choses qu’on aimerait faire, que ce soit dans la possession ou dans plein d’aspects. Mais le socle d’une performance, c’est avant tout une motivation, un état d’esprit, de la combativité, pour qu’après tout se greffe. C’est d’autant plus vrai en Ligue 2, où beaucoup de matches passent par le combat, plus que par la possession ou les belles actions.

Pour la première fois de la saison, Sainté a remporté un match sans avoir la possession. Les Verts n’ont eu le ballon que 42% du temps contre ton équipe. Ça t’a surpris ?

On est plus une équipe de transition, on presse haut donc il y a beaucoup d’espace dans notre dos. Les Verts en ont joué, ils sont beaucoup passés par les côtés, en jouant assez direct dans la profondeur. Parfois du coup il y avait du déchet qui fait que l’on récupérait le ballon et que l’on avait des temps de possession. Je pense qu’ils craignaient notre pressing assez haut et qu’ils ont moins essayé de ressortir le ballon de derrière.

Je pense que c’est un choix purement stratégique du coach qui a plutôt bien fonctionné. Moi je le connais très bien Laurent Batlles, je sais que de base c’est un coach de possession. Il l’a montré avec succès à Troyes. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’il a su s’adapter à nous. Il sa mettre un peu ses principes de côté pour être performant sur ce match-là. Ça lui a réussi, tant mieux pour lui et pour les Verts.

Notre analyste tactique Pilou l’a très bien expliqué visuels à la clé, Lolo a mis en place un système hybride contre tin équipe : un 3-5-3 en phase de possession qui muait en 4-4-2 à plat quand vous aviez le ballon. Comme l’a relevé notre fidèle potonaute Dissident sur notre forum, Thomas Monconduit a joué un rôle clé dans ce dispositif.

Oui, les Verts ont joué dans un nouveau schéma « mutant » qui a été concluant. J’ai trouvé qu’ils avaient un bon équilibre. Effectivement, Thomas Monconduit a été bon dans ce registre-là, il faut le souligner. Il a su se placer intelligemment, il a su quand passer à 5 sur certaines phases, il a su venir au milieu nous embêter sur certaines autres phases. Sur certaines relances aussi ça a été intéressant. C’était une bonne idée de leur part. J’ai trouvé que les Verts ont eu de bonnes relations sur les côtés. C’est lié aux performances des joueurs mais aussi aux intentions qu’ils ont mises.

Les Verts ont eu des velléités offensives pas toujours contrôlées, au point d’avoir été signalés 10 fois hors-jeu lors de cette rencontre ! Etonannt, nan ?


Oui et non. C’est souvent que nos adversaires se retrouvent hors-jeu en fait. Quand je suis arrivé à Annecy, lors de la 2e journée on avait déjà mis Amiens hors-jeu une dizaine de fois au stade de la Licorne. A la fin du match je suis allé voir le coach. Je lui ai dit : « l’alignement de nos défenseurs, je n’ai jamais connu ça, c’est incroyable ! » C’est un peu notre philosophie, on joue haut et on travaille ça donc ça donne ce type de stats.

Le mot de la fin Vincent ?

J’ai été ravi de revenir dans le Chaudron et c’était sympa de débriefer ce match avec vous. De notre côté, on a un 8e de Coupe de France à jouer dès mercredi à Charléty et trois jours plus tard on se déplace à Laval où on essaiera de reprendre notre marche en avant dans le championnat. On occupe actuellement la 11e place du classement avec 7 points d’avance sur le premier relégable. C’est pas mal mais on reste très lucide, on est bien sûr concentré sur notre opération maintien. On vient de loin, il faut garder notre humilité, notre statut. Le maintien est encore loin, il faut continuer de travailler. Si on garde ces valeurs-là, on a de bonnes chances d’atteindre notre objectif. Je souhaite également aux Verts de se maintenir.

 

Merci à Vincent pour sa disponibilité