Aujourd'hui, 30 mai 2009.
Saint Ferdinand.
Citation du jour :
Qui a perdu l'honneur n'a plus rien à perdre.
Publius Syrus
Livre du jour :
PRAIRIE
James GALVIN USA
Albin Michel et Livre de poche LGF
Traduction de l'américain par Michel Gresset.
Livre culte aux États-Unis, Prairie, du poète James Galvin, s'inscrit dans la grande tradition littéraire américaine qui va de Henry Thoreau à Annie Dillard. Le personnage principal en est une prairie située dans les Rocheuses du Colorado. Une terre dont Lyle, vieil homme issu d'une famille de ranchers, perçoit les moindres murmures. Avant lui, deux générations d'hommes y ont connu la neige, le vent et le soleil, et leurs existences, à la fois violentes, chaotiques et douces, sont à l'image de ce sol qui les a façonnés. Ils ne possèdent pas la terre, c'est la terre qui les possède. Véritable ode à la grandeur et à la rudesse de l'Ouest américain, ce texte révèle, au fil des mots, toute sa beauté et sa force : la prairie - avec ses habitants, ses paysages, ses saisons, sa faune et sa flore - prend une dimension universelle.
Il y a les falaises cuivrées du Colorado. Il y a les beuglements du bétail dans les corrals et le ululement des futaies balayées par les tempêtes. Il y a la terre engourdie dans son lit de neige, la prairie qui s'ébroue sous sa robe de gelée blanche, le soleil de juin qui filtre à travers les trembles. Du Giono revu par Thoreau? Non, du James Galvin. Encore inconnu en France, cet enchanteur né en 1951, élevé dans le Colorado, nous arrive avec un country song qui est un opéra bucolique, un hymne brûlant au lointain Far West. Là-bas, Jim Harrison a déjà déroulé le tapis rouge devant Galvin. Il le mérite, même si son roman, tout en digressions lyriques, se laisse parfois malmener par le souffle qui l'habite.
Prairie est une kyrielle de courts tableaux, un chapelet de vignettes découpées dans la chair palpitante de l'Ouest américain. Nous sommes au cœur du Wyoming, à Sheep Creek, le royaume des coyotes et des blizzards. Un monde où les paysans ont l'âme racornie par de harassantes besognes. Hostile, impitoyable sous sa toison sauvage, la nature les a façonnés à son image, et ils ont tenu bon. Leur histoire? Elle se résume à des gestes immémoriaux, et à quelques rêves qu'ils trimbalent sur les sièges de leurs pick-up démantibulés.
Parmi eux, Ray, qui attend de cuver sa dernière cuite avant de mourir. Le vieil App, qui voudrait grimper sur les nuages et «s'en aller vers le ciel». Frank, qui a passé sa vie à cheval en respirant le ciel du Wyoming. Et surtout Lyle, qui a vu toute sa famille disparaître mais est resté au pays, farouchement accroché à son lopin de solitude. Il sait parler aux castors, connaît la «musique de chaque étoile» et joue de la mandoline comme un dieu, avec ses énormes mains d'ours grisé par l'air du large. Six mois par an, lorsque l'hiver ensevelit la vallée, il se terre dans sa cabane, roule ses cigarettes et tâche de réchauffer son cœur à la flamme du gros Zippo qui lui sert de confident. Restent les murmures de l'infini, les soupirs du cosmos et cette neige qui ne cesse de déferler, immaculée, silencieuse, «comme une invasion d'anges». Quand Galvin la décrit, c'est un avant-goût du paradis. Son roman est un bonheur.
André Clavel, L'Express.


BONNE LECTURE !
ALLEZ LES VERTS !!!