Parasar a écrit : ↑27 mars 2020, 09:58
45M€, effectivement c'est pas le budget d'un club moyen de L2, mais plutôt de L1. Ou plutôt le 13 ou 14e budget de L1.
Par ailleurs, je ne dis pas qu'ils ont l'envergure du Tour mais Paris Roubaix ou d'autres épreuves ont encore un bel impact médiatique.
D'ailleurs, contrairement au Tennis, où à part Roland Garros, plus rien ne passe sur une chaîne en clair, on a encore pas mal d'épreuves cyclistes retransmises par France Télé (Paris Nice, Dauphiné...). Ce n'est pas que par philantropie.
Non, ce n'est pas par philanthropie. C'est parce qu'en France le vélo a un public de plus en plus âgé où les seniors seront bientôt majoritaires si ce n'est déjà le cas. Et les seniors sont loin d'avoir adopter la télé à la carte d'internet et passent toujours autant de temps devant leurs postes de télévision... De plus, l'accord entre France-Télévisions et ASO oblige la télé publique à diffuser d'autres épreuves en clair, ce qu'elle ne ferait pas nécessairement, mais elle le fait parce que ça lui permet d'obtenir les droits du Tour et le Tour, il n'y a que ça qui compte, Les bénéfices d'ASO dont parle Robeberic proviennent à 85% du Tour. Evidemment il y a Paris-Roubaix qui est une sorte d'exception... Les dirigeants de France-Télé prient chaque année pour le mauvais temps sur l'épreuve qui booste l'audience quelles que soient les chances des Français en course. On regarde le "spectacle" ("chute, chute!"...) mais ce n'est pas absolument représentatif du poids réel médiatique du cyclisme en France.
La réalité de la santé du sport cycliste en France ne peut pas être considérée à travers la santé du Tour. Dans le comité du Lyonnais FFC, la réalité c'est 3 fois moins de course organisées qu'en 1995, époque où un net déclin était déjà bien amorcé. 2,5 fois moins de clubs qu'en 1995. Des courses avec 30 partants là où il y en aurait eu 120 en 1995. L'âge moyen du licencié étant passé de 25, 26 ans à plus de 40 ans... Heureusement qu'il y a les "pass'cyclisme" et autres compétitions destinées aux vétérans. Le comité du Lyonnais FFC n'est pas le plus mal loti en France, il est dans la moyenne. La réalité de la scène professionnelle cycliste en France c'est que Bardet a 115000 followers sur Twitter, Alaphilippe 62000 et Pinot 121000. Combien y-a-t-il de personnalités en France avec plus d'un million d'abonnés sur Twitter? 250, 300? Et même si on prend le classement des 100 sportifs français avec le plus de followers nos stars du vélo n'y figurent même pas et c'est évidemment encore bien pire sur Instagram... Pinot et Alaphilippe sont les stars du mois de juillet mais dès le 1er août plus personne ne les reconnait dans la rue. Je m'en fous de Twitter, mais ces chiffres en disent long.
Le public du vélo hors-Tour,, hors Paris-Roubaix, hors Giro quand Pinot y marche, soit en fait le noyau de fans "hardcore" vieillit un peu plus chaque année. Et c'est une véritable bombe à retardement. Tout le monde fait du vélo mais le sport cycliste n'attire pas les ados et ne risque plus d'attirer à nouveau les ados un jour: trop beauf, trop ringard et aux yeux de leurs parents trop cher et bien trop exigeant et dangereux à pratiquer aussi. Les cyclistes professionnels, ces dopés aux tenues peu glamours, au bronzage encore moins glamour et à la maigreur quasi maladive ne risquent pas de faire rêver les ados d'aujourd'hui en France -le vélo, c'est le sport ennuyeux que l'on regarde enfant avec papy pendant les vacances. Robeberic parle à juste titre du poids de l'histoire qui a permis jusqu'à maintenant au vélo pro de toujours retomber sur ses pieds en France, en dépit de la ringardisation, du déclin de la scène amateur -qui ont commencé dans les années 80- et surtout en dépit des innombrables affaires de dopage. Le problème est que le truc est à double-tranchant: s'il permet au vélo français de survivre, il l'empêche aussi de se réinventer.
Dans le même temps, d'autres parties du monde qui ont sans doute moins d'histoire et de tradition cycliste se sont mises au vélo pro, enfin, au Tour, parce qu'en France comme ailleurs le vélo pro c'est d'abord le Tour. ASO l'a bien compris. Ils ont anticipé le déclin en France, et se sont tournés vers l''étranger. Non pas vers la Belgique -ASO est constamment à la recherche de nouveaux marchés et de nouveaux fans; USA, Scandinavie, Allemagne, des territoires cyclistes en friche ou encore sous-exploités avec des légions de nouveaux fans pour qui le vélo n'a pas cette image passéiste qui plombe littéralement son avenir en France. Et en 2012, ASO a sorti le grand jeu et a offert le Tour sur un plateau à Wiggins et Sky avec un parcours taillé sur mesure. Il y avait un coup à faire en Grande-Bretagne, ASO l'a fait. Avec de nouveaux adeptes britanniques souvent issus comme dans les pays précédemment cités des CSP+, très loin de l'image prolo du vélo en France, en Italie ou au Bénélux. (En Angleterre, le sport cycliste qui vivotait avant l'ère Sky était également essentiellement prolo mais aujourd'hui il faut des fans avec du pouvoir d'achat, vu le prix des vélo et de l'équipement de nos jours.) Le paradoxe c'est que les nations "historiques" du vélo ont tellement d'avance "historique" sur les autres que leur déclin ne saute pas aux yeux des gens qui regardent le vélo de loin, puisque -après tout- ce sont elles qui organisent les grandes épreuves et que ça ne changera probablement pas de sitôt. Et puis en ce moment la scène pro française se porte bien avec de très grands coureurs et des équipes dans le World Tour... Avec aussi le Tour de France aussi, comme totem d'immunité. Mais la bombe à retardement est enclenchée. La Belgique n'a plus eu de vainqueur du Tour depuis 1976, la France depuis 1985. Les quinquagénaires et retraités alertes qui forment l'essentiel des vrais fans de cyclisme en France ou en Italie ne sont pas éternels. Ils seront de moins en moins remplacés. Pendant ce temps-là, d'ici à une quinzaine d'années, des coureurs viendront de partout tenter leur chance en Europe. ASO l'aura voulu. Et le vainqueur du Tour 2035 sera peut-être chinois, éthiopien, indonésien, chilien, gallois ou même français... Parce qu'au bout du compte l'incroyable disette en tennis de la Grande-Bretagne -pays autrefois leader dans ce sport- n'aura pas empêché l'avènement d'Andy Murray.