latornade a écrit :Les harkis étaient bien évidemment des collabos dans le sens de l'histoire. On peut comprendre leur parcours, avoir de l'empathie, regretter la façon dont ils ont été remercié par la France. Mais factuellement ils ont collaborés avec un pays occupant. On peut également tout à fait comprendre la nostalgie de centaine de millier de pieds noirs déracinés mais l'Algérie française étaient une colonie faut-il le rappeler, ce n'était pas une extension naturel de la France à travers la Méditerranée,

Bien évidemment si on ne voit pas plus loin que le bout de son nez et qu'on se borne à rapporter les propos de Bouteflika ou des Gaullistes.
Je t'invite à lire Mohammed Harbi qui n'est pas un harki mais un ancien Fln tout comme Bouteflika, à la différence qu'il est historien et ne pratique pas l'art politique de l'hypocrisie. Une autre différence est qu'il est sûrement bien vivant et essaye d'être juste au regard de l'analyse ce qu'il a vécu.
Si la poursuite d'une quête d'indépendance à l'égard d'un colonisateur peut apparaître juste dans le souhait du peuple concerné, cela ne veut pas dire que la politique du Fln n'a été que justesse. Le sentiment national ne naît pas forcément naturellement par le simple fait de partager la même religion. Quand tu débarques dans une campagne isolée fonctionnant encore de manière tribale, il ne suffit pas de dire coucou ralliez vous, prenez les armes, nous commandons, nous allons faire de l'Algérie un état indépendant. Les frontières de l'Algérie tout comme celles de n'importe quel pays ne sont pas venus du jour au lendemain comme enchantement et recouvrent parfois des populations diverses, une identité nationale ne naît pas du Saint Esprit. Alors les forces armées ne pratiquent pas le plus souvent de la rhétorique pour convaincre mais plutôt des armes et dès lors d'exactions barbares. La force peut intimider et soumettre mais elle peut également révolter et faire entrer en résistance contre son instigateur. C'est une conversation que j'ai souvent avec Fourina lors de nos entrevues au Café de la Diana, nous devons convaincre plutôt que forcer les gens dans notre entreprise de libération du Forez, ce sera la clé de la réussite de la grande oeuvre de notre vie : faire adhérer plutôt que soumettre.
Mohammed Harbi a été arrêté en Algérie en 1965, après le coup d’État de Houari Boumedienne, il s'est retrouvé interné au pénitencier de Lambèze avec de nombreux harkis qui étaient emprisonnés eux aussi depuis plusieurs années. L'ancien Fln a pu prendre conscience de certaines choses :
http://ldh-toulon.net/pour-Mohammed-Har ... s.html#nb1
Notamment :
La société algérienne était traversée par de multiples fractures, des fractures que la colonisation avait instrumentalisées dès son installation et qu’elle avait continué à instrumentaliser durant la guerre. À cela s’ajoute que le FLN et les organisations nationalistes n’ont pas conscience que le sentiment de l’identité nationale était un maillon faible dans certaines communautés rurales, et, en les plaçant devant des choix draconiens et intransigeants, cela a rendu les choses beaucoup plus dramatiques qu’elles n’auraient pu l’être si les militants nationalistes avaient fait preuve de davantage d’intelligence, de patience et de sens politique.
L’ampleur des ralliements et des coopérations de certains villages avec les militaires français n’était pas inévitable. C’est la méconnaissance de la société rurale par les libérateurs de l’Algérie même qui a fait que ce phénomène a pris une telle ampleur. Il y avait dans l’attitude de certains dirigeants de maquis une sorte d’erreur conceptuelle dans la mesure où ils partaient de l’idée que, dans l’ensemble du pays, l’opinion était totalement acquise aux idées nationalistes. Or, dans certaines régions rurales, l’identité du lignage ou de la confrérie était beaucoup plus forte que l’identité nationale, et, par conséquent, les gens avaient des critères d’appréciation des événements en cours différents de ceux des nationalistes.
En Kabylie, par exemple, les chefs de maquis ont pris des positions brutales et tranchées à l’égard des communautés qu’ils voulaient faire adhérer à la résistance. De surcroît, leurs critères n’étaient pas seulement de type nationaliste, mais de type religieux, c’est-à-dire qu’ils considéraient qu’à partir du moment où c’étaient des musulmans qui étaient en mouvement contre une domination non musulmane, il fallait obligatoirement qu’on se range de leur côté. L’imposition de ce critère a conduit parfois à des drames, comme ça a été le cas à Mélouza et ailleurs. Là où il y a eu vraiment des discussions et non pas une immixtion de type autoritaire dans la vie des communautés rurales, les choses se sont passées différemment.
Là encore plus crûment :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammed_Harbi
Il est l'un des premiers historiens à décrire le fonctionnement du FLN de l'intérieur dans son livre Aux origines du FLN. Le populisme révolutionnaire en Algérie (1975). Il y dévoile notamment le fossé entre les idéaux de certains de ses membres et les méthodes adoptées par le parti nationaliste : « nos idéaux étaient en contradiction avec les moyens qu’imposaient nos dirigeants pour les faire triompher. Libertaire de conviction, [...] je me retrouvais dans une organisation où l’autoritarisme plébéien inculquait à chacun que le mal se convertit en bien sitôt qu’il se fait au nom de la révolution. Je souffrais du recours à des pratiques telles que l’égorgement, les mutilations (nez ou oreilles coupées) et du discrédit que les tueries faisaient peser sur nous... »
Pour reprendre une expression rapportée de De Gaulle, les harkis ont été des "jouets de l'histoire", et il est allé au bout de sa considération en les abandonnant. De Gaulle aura dans sa vie rendu un des plus grands honneurs à notre histoire mais également un de ses plus grands déshonneurs. Ce n'est pas commun comme parcours de vie mais malgré tout la compagnie de Churchill me serait plus sympathique dans un diner presque parfait, je partage son aversion pour les chevaux
