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"Comment construire une épopée", leçon N°2: Tout exploser au match retour...


La feuille de match
Mercredi 1er octobre 1969 - Coupe d'europe des Clubs Champions - Stade Geoffroy-Guichard
16e de finale retour: ASSE 3-0 Bayern Munich
Spectateurs: 33.716 - Arbitre: M. Krnaver (Tchécoslovaquie)

Buteurs: Hervé Revelli (2e et 59e) et Keita (81e)

ASSE: Carnus - Durkovic, Mitoraj, Bosquier, Camerini - Broissart, Herbin - Samardzic, Hervé Revelli, Keita, Bereta. Entraîneur: Albert Batteux
Bayern Munich: Maier - Koppenhoffer, Beckenbauer, Schwarzenbeck, Pumm - Ghilhauser, Roth, Schmid - Michl, Muller, Brenninger. Entraîneur: Branko Zebec


Les faits du match
Le match aller a été une souffrance de tous les instants mais l'ASSE a limité les dégâts. Du moins, elle n'a pas explosé en vol et à l'aube de ce match retour, l'avantage de 2-0 acquis par les Allemands 15 jours plus tôt ne semble pas inébranlable. D'un côté comme de l'autre.
Avant le début de ce match, le Bayern se fait d'ailleurs séducteur. Un émissaire du club bavarois s'élance sous les lumières du stade Geoffroy-Guichard et déploie une banderole blanche sur laquelle on peut lire: "Munich a été enthousiasmé du beau match de l'A.S. Saint Étienne. Munich salue tous les Français".


Échange de cadeaux entre les deux mythiques capitaines

Pendant quelques secondes, la foule, saisie, se tait. Elle applaudit ce compliment qu'elle savoure, flattée. Mais à peine l'ambassadeur a t-il replié son "drapeau blanc" qu'elle est reprise par sa fureur de victoire. On chante avec ardeur: "Allez les Verts !". Comme un hymne à la joie. Et le match répond tout de suite à son credo. Il y a à peine deux minutes de jeu, que Hervé Revelli, à la suite d'une corner tiré par Samardzic et d'une déviation de la tête de Herbin, reprend d'un revers du pied et trompe Maïer. Alors Saint-Étienne se libère et se transcende. Tous les coups sont bons. Une rafale de tirs... Le Bayern a toutes les peines du monde pour tenir, éviter le K.O. Il doit tout à Sepp Maïer. En deux minutes (22e et 23e) il révèle ce qui fera bientôt de lui, le meilleur gardien au monde. Il bondit, s'envole et sort du bout des doigts des ballons qui devraient faire mouche.


Deuxième minute et déjà 1-0 pour les Verts grâce à Hervé Revelli

Une seule fois, en fait, il est pris en flagrant délit d'inattention. Sur une tir soudain de Keita, il repousse le ballon, par réflexe, dans les pieds d'Hervé Revelli. Gêné par Schwarzenbeck, l'avant-centre français tire à côté. La première mi-temps est déjà une moitié de miracle. Mais il reste l'autre moitié de chemin à couvrir. Les Stéphanois se jettent sur les cages de Maïer. C'est la ruée vers le but.
Jamais Geoffroy-Guichard n'a libéré autant de passions, sur le terrain et dans les tribunes. Les joueurs avancent sans se poser d'autres questions que de frapper un grand coup. Ils sont sublimés par le défi et l'enjeu, au fond, ils se défient eux-mêmes. Une fois, dix fois, on croit au but, mais Maïer repousse toujours l'inévitable. Que ce soit sur un retourné de Samardzic qu'on juge imparable des tribunes, ou sur un essai de Keita, un tir de Revelli, un élan furieux de Bosquier ou encore et surtout ce nouveau tir de Samardzic qui doit rentrer dans le but, mais que Maïer, au prix d'une détente horizontale, réussit à détourner. Pas une seule minute de répit pour le gardien allemand.

Puis, enfin, Maier, sous la pression finit par céder. Comme un acte de reddition. Devant lui et depuis longtemps, tous les verrous ont sauté, les uns après les autres. Sur un corner, Hervé Revelli joue avec sa tête et de la tête pour ajuster dans ses buts une balle millimétrée. 


Revelli inscrit le second but stéphanois qui remet les compteurs à zéro

A 2-0, l'ASSE n'est pas encore qualifiée, mais le Bayern est en voie d'élimination. Les Bavarois, cependant, vont tenter de sauver les apparences. Pendant un quart d'heure, ils profitent d'un temps de récupération des Stéphanois, pour jouer avec les nerfs du public. Carnus, qui n'a pas eu grand chose à faire - et pour cause - doit se sortir les gants des poches. Sur deux tirs de Schmid et Roth, il étouffe les quelques flambées et l'incendie s'en va, de nouveau, courir sur l'autre but. C'est Keita, sur un nouveau corner, qui monte à la verticale et s'en va décrocher la lune. Et l'incendie se propage dans la presse du lendemain. D'une plume flamboyante, Robert Vergne sort le grand jeu: "Comme Napoléon à Austerlitz, ceux qui ont assisté à cet exploit extraordinaire pourront dire longtemps encore: J'y étais !"


Keita s'impose au dessus de Beckenbauer et offre la victoire aux Verts

L'ASSE vient d'accomplir son premier exploit en Coupe d'Europe, sur un improbable retournement de situation. Ce ne sera pas le dernier loin de là. Geoffroy-Guichard devient ce jour-là le théâtre de tous les exploits et de Split à Nantes, en passant par Kiev, nombreux sont ceux qui bientôt, comme les Munichois de 1969, seront bouillis vivants dans le Chaudron...

Ils ont dit
Michel Durafour, Député-Maire de Saint-Étienne: "C'est un succès qui rejaillit, non seulement sur notre ville, mais sur toute la France".

Pierre Guichard, fils de Geoffroy, le Président-Fondateur du club: "C'est le plus beau jour de ma vie".

Georges Boulogne, sélectionneur de l'équipe de France: "C'est un succès qui va sonner le renouveau de notre football".


Le soigneur et ancien cycliste Andrea Minasso
fête la victoire dans un vestiaire en liesse

Le Saviez-vous ?
- C'est la première double-confrontation entre l'ASSE et le Bayern mais ce n'est pas la dernière: les Munichois se vengeront en 1975 lors des demi-finales de C1 (0-0, 0-2) et surtout vaincront les Verts en finale de la même compétition l'année suivante (0-1). Les deux équipes s'affronteront encore quelque fois en match amical. Au final, le Bayern ne parviendra jamais à s'imposer à Geoffroy-Guichard.

- Malheureusement, les Verts n'iront pas beaucoup plus loin en Coupe d'Europe: dès le tour suivant, l'ASSE chute face au Legia Varsovie en 8e de finales (1-2, 0-1). Les Polonais iront jusqu'en demi-finales avant d'être éliminés par le Feyenoord Rotterdam, futur vainqueur.

- C'est la saison la plus aboutie de l'ASSE au niveau national. Elle remporte son 6e titre, le 4e consécutif, avec 11 points d'avance sur son dauphin marseillais, remporte également la Coupe Gambardella et explose le FC Nantes en finale de Coupe de France sur le score record de 5-0. Seul le Legia Varsovie aura contrarié les Verts cette année là...

- 26 fois international, formé à l'OFK Belgrade, Spasoje Samardzic a déjà réalisé trois transferts à l'étranger avant d'être recruté par l'ASSE (six mois au FC Twente et deux saisons à Feyenoord) et a coûté aux Verts 260.000 F + un match amical. Il est blessé lors de l'ouverture de la saison contre Ajaccio et rechute dès son retour face à Strasbourg. Après son retour fin septembre, il est apte pour ce match retour de Coupe d'Europe mais subira une nouvelle blessure, plus grave, contre le Légia à Varsovie. On ne le reverra qu'en fin de saison. Relatif échec de recrutement, il ne disputera en tout que 36 matches en 3 saisons.