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Laurent Roussey, plus de 60 ans au compteur et plus de 45 ans de carrière...


"Mon dieu, mais ils recrutent directement chez les poussins !" s’exclame un soir de 1977 Albert Duforez à l’adresse de son compagnon de travée geoffroy-guichardienne, Edgar Aunerf. Enfin ça, c’est Albert qui le raconte dans sa famille depuis 40 ans. Et dans sa famille, Albert est connu pour sa verve avérée, son sens de l’analyse poussée, son don inné pour le commentaire à chaud de tout ce qui se passe à Geoffroy-Guichard. Alors, quand il narre qu’en 1977, les Verts prenaient des mioches, on a tendance à le croire.
Et les faits lui donnent raison...


Le jeune Roussey tape dans l'oeil des dirigeants de l'ASSE lors d'un
match entre la réserve du club et l'AS Mazargues (photo le Progrès)

En cette saison 1977-78, deux jeunes joueurs font leur entrée sur les vertes pelouses. Deux Laurent. L’un se nomme Paganelli, a les cheveux blonds comme Johnny (Rep, pas le Belge idole des jeunes), l’autre s’appelle Roussey, est brun, beau gosse. Tous deux attaquent. Et tous deux ont 16 ans. Des écoliers, on vous dit !
Contrairement à son compère, Laurent Roussey n'est pas un produit du centre de formation de l’ASSE. Il naît à Nîmes et prend sa première licence à l’US Mazargues. Pas longtemps car à l’âge de 13 ans, il arrive à Saint-Etienne. A peine le temps de grandir que Roussey fait montre de belles aptitudes offensives alors Roger Rocher et Robert Herbin, qui sont hommes à bien aimer les bons coups, lancent l’adolescent dans le grand bain.
Effet de surprise garanti, un gamin de 16 en D1 ne passe pas inaperçu. Et ce n’est que le début d’une carrière sportive à la fois fulgurante et brève comme un flirt estival de puceau au camping du Perroquet à Bray-Dunes.


Paganelli et Roussey, deux ados en quête de gloire à l'ASSE

Pour Laurent Roussey, tout va très vite. Lors de sa première saison chez les professionnels, il marque en Coupe contre Sochaux (2-2). Le championnat, la Coupe de France ne lui suffisent pas. Le gamin joue aussi, ou fait des apparitions fréquentes, en Coupe d’Europe. Il participe notamment à la fête du 6-0 contre le PSV lors de la saison 1979-80 en marquant le dernier but. La saison suivante, il est même l’auteur d’un hattrick contre Angers (5-0). Régulièrement titulaire au sein d’une équipe patronnée par Michel Platini, Laurent Roussey est appelé à faire une pige en équipe de France qui reçoit la Hongrie le 6 octobre 1982.
Cette première sélection est historique. Comme plus tard Zidane, il ouvre le score pour les Bleus. La France gagne 1-0. Un mois plus tard, il est donc de nouveau sélectionné pour jouer aux Pays-Bas. Et après cà, rideau sur sa carrière internationale. Pépins physiques et usure précoce, notre jouvenceau n’aura bientôt plus la côte chez les Verts.


Roussey gravement blessé en 1982,
une image trop récurrente pour ce jeune joueur

En 1983, il signe à Toulouse où il reste deux ans. On le retrouve à Toulon (1985-87), Alès (1987-88), Lausanne (1988-89) et enfin au Red Star jusqu’en 1991. Une énième blessure au genou clôt sa carrière de joueur si bien entamée et assez mal fignolée. Comme son compère Paganelli, au moment de se retourner sur son parcours sportif, un constat s'impose: Laurent Roussey n'a pas eu le rayonnement qu'il aurait du avoir.
Mais le passé est le passé. Désormais, le sportif est derrière lui. Il a 30 ans, des idées claires et précises sur le monde du foot. Bref, la vie devant lui. Et le bougre va rebondir comme un ballon surgonflé.


Une carrière sportive en dégringolade pour Laurent Roussey

Mais, les choses ne s’acquièrent qu’avec de l’expérience: Laurent Roussey veut être entraineur, et si possible, grand entraineur. Il fait alors ses gammes. En 1995, il est à la Réunion (Saint-Pauloise) avant de prendre en main les rênes du bon vieux FC Rouen. Trois saisons plus tard, le club est rétrogradé en CFA2 suite à un dépôt de bilan. Roussey reste quelques temps encore.
Jusqu’en 2000 où Laurent se trouve un beau challenge: succéder à Gernot Rohr à la tête de l’US Créteil. Hélas, en région parisienne, l’ambiance n’est pas au beau fixe et il est rapidement prié d’aller voir ailleurs. Il passe les Alpes et pose ses valises à Sion. La branche casse. En 2002, le club helvète se retrouve à sec. Il est temps de partir. Cela tombe bien, Claude Puel, avec lequel il avait joué au sein de l’équipe de France cadet, lui propose de venir le seconder à Lille. Banco. Ciao la Suisse.


Retour à Lille pour l'adjoint Roussey aux côtés de Claude Puel

On connaît presque la suite. Laurent Roussey continue à apprendre son futur métier d’entraîneur aux côtés de Puel. Le LOSC ne désarme pas après la période coach Vahid, et retrouve bientôt la Champion’s League.
Barré à Lille par un Puel qui compte bien fouler un jour la pelouse du futur nouveau stade lillois, une nouvelle mouche le pique. Laurent Roussey sait qu’il ne peut être numéro 1 au LOSC. Alors, il restera numéro 2… mais à Saint-Etienne.
Retour aux sources ? A l’été 2006, il se joint aux bagages d’un quasi-inconnu, un certain Ivan Hasek, un Tchèque qui vient d'être nommé entraîneur des Verts. Il doit redécouvrir un club qu'il a quitté il y a 23 ans et s'adapter à un coach qu'il ne connait pas.


Laurent Roussey retrouve Saint-Étienne en 2006,
comme adjoint d'Ivan Hasek

Mais Laurent a de l’ambition. Il prend en main les attaquants de l'équipe et notamment un certain Bafé Gomis, jeune pépite du club de retour de prêt et barré par Frédéric Piquionne. Lorsque ce dernier s'en va à l'hiver, Gomis explose à la face de la Ligue 1 et met ainsi en lumière le travail de Roussey.

Arrive alors l'été 2007. Ivan Hasek avait pour mission de finir dans la première moitié de tableau mais le départ précipité de l'esclave Piquionne ont fait tanguer le navire. Les Verts finissent 11e et Hasek est débarqué. C'est donc Laurent Roussey qui le remplace immédiatement. Le staff de Hasek avait déjà été constitué par ses soins. Il a eu le temps d'apprendre et maintenant, il peut diriger sa première équipe de Ligue 1. Si les rumeurs de savonnage de planche commencent à apparaître (Hasek lui-même déclarera: "Je ne me suis jamais senti soutenu par mon adjoint, je sentais que Roussey n'attendait qu'une chose: prendre ma place"), celui qui débute dans l'élite va réussir une saison quasi-parfaite et faire taire toutes les mauvaises langues.

Désormais seul aux commandes de l'ASSE, Roussey a le vent en poupe

Quasi-parfaite car le début calamiteux des Verts les amène à flirter dangereusement avec la zone rouge en janvier mais au terme d'un final incroyable au printemps 2008 et d'une victoire finale éclatante contre Monaco (4-0), Roussey qualifie l'ASSE pour l'Europa League en décrochant la 5e place. Du jamais vu depuis 20 ans !
Les scènes de liesse qui animent alors Geoffroy-Guichard rappellent les plus belles heures du club. Lui-même d'ailleurs était de la dernière campagne des Verts en Coupe d'Europe en 1982-83... en tant que joueur.


Pascal Feindouno congratule Laurent Roussey à l'issue de la
saison 2007-08: Les Verts sont européens (photo l'Équipe)

Mais sa seconde saison ne sera pas aussi belle que prévue. L'ASSE perd rapidement son maître à jouer, Pascal Feindouno, trop attiré par l'argent du Golfe, et l'équipe peine à jouer ensemble. Bafé Gomis assure un ratio de but satisfaisant mais son entente avec le Brésilien Ilan n'est pas flagrante et les recrues offensives (Sebastien Grax, Kevin Mirallas, Daisuke Matsui) ne convainquent pas. Si l'ASSE réussit une belle entrée en matière en Europa League en se qualifiant facilement pour les 16e de finales, le parcours en championnat est catastrophique: les Verts alignent une série de 5 défaites consécutives à l'automne qui sonnent le glas de Roussey. Ce dernier est limogé le 10 novembre 2007 et remplacé par Alain Perrin deux jours plus tard, lequel portera la série à 7 avant de sacrifier la Coupe d'Europe et de sauver l'ASSE de la relégation à la dernière journée.

Le coup est rude pour Laurent Roussey qui avait réussit à inverser la tendance un an plus tôt. Les dirigeants de l'ASSE ne lui laissent pas de seconde chance et le poussent à mettre en parenthèse sa carrière d'entraîneur. Roussey décide alors de se lancer en tant que consultant pour Canal+ mais il est licencié en fin de saison 2008-09 pour avoir donné une interview exclusive à l'Équipe Magazine. Lassé, Roussey fait le point pendant deux ans: "Aujourd’hui, la blessure s’est refermée mais ce fut pénible pendant deux bonnes années. Avec le recul, l’expérience, on se rend mieux compte des erreurs qu’on a pu commettre. Je n’oublie pas que c’était ma première expérience en Première Division en France. Je suis de ceux qui souhaitent voir Saint-Etienne grandir et retrouver la place qui doit être la sienne" (Le Progrès)


Débarqué fin 2008, Roussey n'aura pas su confirmer avec les Verts

On le retrouve à l'été 2011 lorsque son ancien club, le FC Sion, dirigé par le sulfureux Christian Constantin, l'engage pour coacher une équipe tout juste qualifiée pour l'Europa League. Six recrues arrivent au club valais dont Pascal Feindouno, transfuge de Monaco, et la saison démarre bien puisqu'opposé au Celtic Glasgow en barrages, le FC Sion se qualifie pour les phases de poule sur un score cumulé de 3-1.
Le problème, c'est que le Celtic conteste la qualification des 6 recrues et obtient gain de cause sur tapis vert. Le FC Sion est disqualifié de la C3 et bientôt sanctionné de 36 points (!) au classement. Subitement bon dernier de la Super League, le club sudénois ne doit son maintien qu'à l'exclusion du Neuchatel Xamax pour détournement de fonds et à une victoire en barrage contre le petit club de Aarau.
Malgré tout, la saison est sauvée par le premier titre de Laurent Roussey: la Coupe de Suisse, enlevée en finale face au Neuchatel Xamax justement, sur le score de 2-0. Qui a dit qu'on s'ennuyait dans le championnat helvète ?


Roussey trouve sa terre de cocagne en Suisse, à Sion puis Lausanne

Pour autant, c'en est un peu trop pour Laurent Roussey qui décide de changer d'air sans aller bien loin pour se ressourcer au bord du lac Léman au FC Lausanne-Sport. Il y retrouve l'ex-Stéphanois Matt Moussilou mais la saison 2012-13 du club vaudois est médiocre (7e au classement, éliminé en quarts de finale de la Coupe de Suisse) et Roussey n'est pas retenu par ses dirigeants lorsque Christian Constantin le rappelle à Sion à l'automne 2013.
Mauvais calcul: il est viré à peine 4 mois plus tard pour mauvais résultats après une 6e défaite consécutive contre... Lausanne Sport, pourtant bon dernier. Quand ca veut pas...

Suit une longue remise en question solitaire et puis on le revoit finalement réapparaître subitement en décembre 2015, sur le banc de l'US Créteil-Lusitanos, où il prend les commandes en remplacement de Thierry Froger puis à Lyon-Duchère où il succède à l'emblématique Karim Mokkedem durant quelques mois. Un retour en France par la petite porte. Puisse-t'elle rapidement lui ouvrir celles d'un club de l'élite !
Le crédo de Lolo: le collectif dans la rigueur, la bonne vie d’un groupe est source de réussite. Sa référence, c’est le grand Ajax. Laurent Roussey, il l’a dit plus d’une fois, a toujours voulu entraîner au plus haut niveau. Il l'a fait et le fera encore, il a le temps. Et l’homme n’est pas pressé. Il n’a plus 16 ans.

Le Saviez-vous ?
- Sous le maillot vert, Laurent Roussey a disputé 104 matches de championnat, 15 matches de Coupe UEFA et 19 matches de Coupe de France. En tant qu'entraîneur, on peut lui rajouter 51 matches de championnat, 4 matches de Coupe de l'UEFA et 3 matches de Coupes nationales.

- Roussey n'a décroché dans sa carrière qu'un seul titre en tant que joueur: celui de champion de France avec les Verts en 1981. Idem en tant qu'entraîneur: la Coupe de Suisse avec le FC Sion en 2011

- Laurent Roussey possède un record toujours en vigueur plusieurs décennies plus tard: il est le plus jeune buteur du championnat de France avec un but inscrit face à Monaco le 21 avril 1978. Il avait alors 16 ans, 5 mois et 27 jours.

- Son frère, Olivier, de trois ans son aîné, était défenseur à l’ASSE en 1977, mais a surtout joué en équipe réserve (2 matches pro seulement) et ce jusqu’en 1979. Il a alors signé à Lyon avant de faire carrière à Châteauroux, Toulouse et même Marseille (!)

- Chez les Roussey, le sport, c’est sérieux et cérébral: outre son frère footballeur, Laurent a une sœur prof de gymnastique, un autre frère ancien joueur haut niveau de handball puis maître de conférence en psychologie et un troisième frère psychologue scolaire. Quant à son fils Hugo, buteur en titre des équipes de jeunes de l'ASSE, il disputa son premier (et unique) match pro avec l'ASSE en 2015 (défaite 1-0 au Parc face au PSG en Coupe de la Ligue) !