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Portrait d'un français loin d'être à l'ouest qui trouva sa terre de Cocagne à l'est...
Alexandre Barthe voit le jour le 5 mars 1986 dans la cité des Papes, à Avignon. Sa passion est précoce. Il n’a ainsi que cinq ans lorsqu’il commence à courir après une balle ronde dans le club de sa ville natale.
Il y évoluera jusqu’à l’âge de treize ans. On le retrouve ensuite dans un haut lieu du rugby à 13: Le Pontet, puis à Orange.
Par le biais d’un stage de détection en district, Sébastien Fontbonne, recruteur de l’ASSE, le repère et lui propose de faire un essai. Tout s’enchaîne alors très rapidement puisqu'Alexandre arrive le mercredi et signe le samedi qui suit. Il passe donc de l’Orange au Vert en 2000, en moins de temps qu’il n'en faut à un feu tricolore pour passer du vert à l’orange.
Son premier entraîneur à l’Etrat est Sébastien Desgranges en -15 ans régionaux. Fin psychologue, ce coach lui permet de prendre conscience de ses qualités et de franchir un palier important. Défenseur central intraitable, à l’excellent jeu de tête, à la relance sûre et au sens de l’anticipation lopezienne, il poursuit son parcours dans le club en -16 sous la houlette de Gilles Rodriguez. Malgré des prestations très convaincantes, l’AS Saint-Étienne termine deuxième de sa poule, derrière Bastia… le futur champion. C’est également en -16 ans qu’il intègre le groupe France à l’occasion d’un premier match en Islande, après avoir côtoyé, les années précédentes, la sélection de la ligue Rhône-Alpes. En -17 ans, il est sélectionné pour la phase finale des championnats d’Europe de la catégorie d’âge. Les Bleus se font malheureusement sortir par l’Espagne au deuxième tour.
Barthe en Bleuet en 2003 face à la Slovénie U17
Son passage, en -18 ans auprès de Jean Philippe Primard, défenseur central emblématique des Verts dans les années 80-90, lui permet de confirmer d’évidentes qualités de meneur d’hommes. Il dispute ainsi une demi-finale de la Coupe Gambardella contre Strasbourg et les phases finales du championnat (stoppé par… Lyon).
Pendant deux ans, que ce soit avec Gérard Fernandez ou Claude Robin, Alexandre évolue régulièrement dans le groupe CFA. Sa saison 2004-05 est perturbée par des blessures à répétition aux adducteurs et gêne sa progression. Mais ce joueur sérieux et travailleur met les bouchées doubles pour retrouver un niveau qui lui permet de revenir en sélection. Barthe est en effet retenu dans l’équipe de France des -20 ans qui dispute en 2006 les jeux de la Francophonie. Ce retour en bleu récompense son excellente saison 2005-06, où il devient le vrai patron de la défense de Claude Robin, après le départ d'Olivier Courant.
En bon capitaine, il n’hésite pas à donner l’exemple et se sacrifie volontiers pour le collectif, une vertu qui colle parfaitement aux valeurs stéphanoises. Il forme alors avec Yohan Benalouane, une charnière centrale aussi hermétique qu’athlétique. A l’instar de ses modèles, Laurent Blanc, Zoumana Camara ou Vincent Hognon, ce jeune homme semble avoir les qualités pour devenir une référence au plus haut niveau.
Alexandre Barthe avec la réserve de l'ASSE en 2005
Mais il n'est pas conservé par l'ASSE.
A l'été 2006, Alexandre Barthe est prié de trouver un autre club: "Je suis parti de St Étienne, car la dernière année j’ai eu de nombreuses blessures. Les clubs ne voulaient pas forcément prendre de risques avec un joueur qui avait été blessé durant un an".
Il s'engage avec le club de Rodez (CFA) où il dispute 33 matches lors de sa première saison et inscrit 6 buts, un total impressionnant pour un défenseur central.
Il aide le club à accéder au National, le premier échelon du football professionnel. Sa deuxième saison à Rodez le voit disputer 37 des 38 matches de championnat pour un but marqué et terminer à la 13e place: "Être parti à Rodez dans un club amateur, ça m’a redonné l’envie de jouer au football, et surtout, j’ai recommencé à prendre du plaisir. Je ne regrette pas du tout"
Alexandre Barthe rebondit à Rodez, ici en 2007
Juillet 2008: Alexandre est à un tournant de sa carrière. Il a 22 ans, est titulaire dans un club moyen de National et se voit offrir un essai en Bulgarie ! Le Litex Lovech, terreur du championnat des yaourts, est en effet en train d'embaucher plusieurs Français (Cambon, Berthin, Acédo, Niflore...) et Barthe ferait alors partie de la colonie. Cet argument le convainc, son essai convainc les Bulgares et le voilà qui signe dans la foulée pour 4 ans.
Ce choix va faire décoller sa carrière: alors que 3 de ses 5 compatriotes quittent le navire au premier rugueux hiver, Niflore et Barthe s'accrochent. Alexandre joue en trois saisons 72 matches, inscrit 5 buts, devient 2 fois champion de Bulgarie et remporte la Coupe et la SuperCoupe de Bulgarie. Il joue ainsi l'Europa League et la Champion's League avec son club mais le Litex Lovech ne parvient pas à y faire un parcours honorable (éliminé au tour préliminaire par Zilina). Une renaissance qui tient du miracle: "Je suis arrivé en Bulgarie grâce aux sélections en équipe de France. Je pense sincèrement que si je n’avais pas fait ces sélections, le club ne m’aurait pas pris parce que j’arrivais du National"
Retour au haut niveau avec le Litex Lovech en 2010
Il est alors temps pour Barthe de revenir par la grande porte en France. A l'été 2011, il rompt son contrat avec Lovech et part pour le Nord. Le club de Boulogne/Mer, fraîchement relégué en L2, le met à l'essai mais Alexandre prend tout le monde par surprise en signant finalement pour Ludogorets Razgrad, un club lui aussi promu en... Bulgarian A PFG, le championnat local !
Un choix sans doute financier au vu des arguments d'Alexandre: "C'était un promu en première division bulgare très ambitieux et fortuné. Ici on l'appelle le "Manchester City de Bulgarie". Le président du club avait de gros moyens financiers, il en a profité pour investir dans le complexe sportif et pour faire venir plein de recrues"
Pas vraiment un choix sportif alors ? Que nenni ! En jouant 37 matches et en marquant 5 buts pour son nouveau club, Barthe survole les débats et réussit un extraordinaire triplé Championnat-Coupe-Supercoupe de Bulgarie durant la saison 2011-12, même si le club est éliminé dès son entrée en tour préliminaire de la Champions League par le Dinamo Zagreb. Pas franchement de quoi refroidir ses ardeurs: Barthe joue encore 22 matches la saison suivante, marque un but et remporte son deuxième titre national de Bulgarie: "Lors de ma première année à Razgrad, on a tout raflé. C'était pourtant la première fois que le club était en première division. En fait, j'ai toujours été dans la bonne équipe au bon moment. Quand je suis arrivé à Litex Lovech en 2008, je ne pensais pas rester aussi longtemps en Bulgarie. Je me suis dit: "Dans un an, je ne suis plus là". Et j'y suis resté 7 ans"
Tout roule pour Barthe au Ludogorets Razgrad
En passe d'obtenir son passeport bulgare, Barthe peut alors postuler en sélection nationale, dirigée par son ancien entraîneur du Litex, Lyuboslav Penev. Une occasion qui ne se présentera toutefois jamais: "Si j'avais eu l'occasion de porter le maillot de la Bulgarie, j'aurais sauté dessus. Je ne connais pas trop l'hymne mais je parle couramment la langue. Je suis marié avec une Bulgare, j’ai un bébé né là-bas. J’ai un attachement fort à la Bulgarie"
Incongru ? Pas tant que cà car Barthe flambe dans un club qui flambe aussi: si le second parcours en Champions League du Ludogorets se termine aux portes de la phase de poule (Razgrad passe deux tours préliminaires avant d'échouer contre le FC Bâle), son repêchage en Europa League est impressionnant: premiers de leur groupe, Barthe et ses coéquipiers éliminent tour à tour le Dinamo Zagreb (revanche), le PSV Eindhoven et la Lazio Rome !
Mieux: après son 3e titre de champion consécutif, le club de Razgrad parvient enfin à accéder aux phases de poules de la Champion's League en 2014 ! Barthe est enfin dans la cour des grands, affrontant notamment le FC Liverpool et le Real Madrid.
Sans surprise toutefois, la marche est trop haute et malgré une belle victoire face au FC Bâle et un nul 2-2 face à Liverpool, Ludogorets termine dernier de sa poule et est éliminé. Barthe n'aura joué que le tour préliminaire...
Le rêve européen de Barthe passe par la Bulgarie (face au PSV en 2014)
Son statut est malgré tout totalement redéfini: Barthe est reconnu comme un défenseur de niveau européen. C'est donc tout heureux que le Grasshopper Zürich l'enrôle à l'été 2015 pour contrer l'hégémonie du FC Bâle dans le championnat suisse. Cette destination pourrait presque sonner comme une régression après tant d'années fastes en Bulgarie, vu le club helvète n'est même pas qualifié en Coupe d'Europe. Mais le cadre de vie, le standing et le salaire d'une vie zürichoise n'ont rien en commun avec Razgrad et motivent en partie le choix de Barthe.
Malheureusement, comme un écho à son glorieux homonyme, Alexandre va alors vivre une carrière post-structuraliste à partir de ce moment: peu utilisé en Suisse (11 matches), il négocie un départ à l'amiable dès l'été 2016.
La joie semble déjà quitter les yeux de Barthe à Zürich
Retour à l'est ! Mais pas en Bulgarie comme on aurait pu le croire, Barthe quitte les montagnes des Alpes pour celles des Carpates, au sud de la Roumanie. L'universitatea Craiova est un nouveau venu en Liga I, l'élite roumaine mais fait preuve de grandes ambitions et c'est un challenge intéressant pour un défenseur trentenaire avec une solide expérience du football est-européen. Néanmoins, l'expérience va tourner à nouveau court: mis en concurrence avec une ligne défensive quasi-exclusivement locale, Alexandre a du mal à s'intégrer, joue peu, ne marque pas et voit son équipe réussir une belle saison dans un costume de doublure.
Les Oltenii terminent 5e et se qualifie pour le tour préliminaire de la Ligue Europa. Mais alors qu'il pourrait en profiter pour gratter du temps de jeu, Barthe préfère retourner au pays. Pas son pays natal mais son pays d'adoption, la Bulgarie...
L'élève Barthe est recalé à l'Universitatea Craiova
Été 2017, le dernier challenge d'Alexandre Barthe: revenir par la grande porte achever sa carrière dans le club le plus prestigieux de Bulgarie, vieille connaissance de l'ASSE, le CSKA Sofia.
Dans la capitale, Barthe sait que le CSKA n'a qu'un seul vrai rival: son ancien club, archi-favori habituel, le Ludogorets Razgrad. Et la saison démarre mal avec une défaite 1-0 face au champion dès la 2e journée. Ce sera pourtant son unique défaite de la saison régulière. Mais si Barthe, à nouveau titulaire régulier, prendra sa revanche en Coupe de Bulgarie en éliminant son rival, cette ultime saison sera celle des actes manquées: le CSKA est éliminé en demi-finale par le Levski Sofia et s'incline à nouveau contre Ludgorets en playoffs.
Alors qu'il raccroche définitivement les crampons à 32 ans, Barthe voit alors le Ludogorets Razgrad fêter son 7e titre d'affilée, lui qui l'avait aidé à remporter le premier d'entre eux... face au CSKA en 2012 !
Fin de parcours épique pour Barthe en 2018 au CSKA Sofia
Mais Alexandre a gagné son pari depuis longtemps, celui de prouver à tous qu'on ne lui avait pas laissé sa chance dans son pays d'origine. D'ailleurs Saint-Étienne dans tout celà, quel souvenir en garde-t'il ? "Je me suis régalé, mais six ans en centre de formation à ne faire que du foot à ne jamais sortir, tu te sens un peu étouffé. C'est le coté que les jeunes qui envient les footballeurs pro ne voient pas (...) Dans les centres de formation, il y a énormément de bons joueurs. Et une carrière se joue à pas grand-chose. Je n’ai pas été très bien orienté quand j’étais à Saint-Étienne, je ne travaillais pas forcément avec les bonnes personnes. J’aurai dû signer mon contrat pro là-bas, mais mon agent m’a dit de refuser, tout ça… Ce sont des détails qui font que ça n’a pas marché en France, mais je ne regrette pas non plus. On peut toujours avoir mieux mais j’aurais pu avoir pire"
Et effectivement, avec autant de titres et d'exploits en poche dans son pays d'adoption, le titre honorifique d'étranger le plus titré de ce championnat et le surnom de "Beckenbauer", on peut vraiment dire que la Bulgarie aura été le Nouveau Monde selon Barthe. Pas si étonnant quand on songe qu'à deux jours près, son anniversaire tombait le jour de la fête nationale bulgare...
Le vert lui allait si bien