Actuellement en récupération de sa blessure contractée face à Dijon, Aïmen Moueffek nous a accordé un entretien ce mercredi matin à l'Etrat. Au sortir de son entraînement spécifique et après une heure de soins, il a répondu à toutes nos questions sans détour, avec franchise, à l'image du joueur qu'il est sur le terrain : entier et combatif.
Aïmen, on va d'abord commencer par prendre de tes nouvelles. Comment te sens-tu ?
Ca va beaucoup mieux ! Je reviens bien et normalement je serai sur les terrains d'ici très peu de temps.
Très peu de temps ?
D'ici deux semaines grand maximum à mon avis.
Tu peux nous en dire plus sur ta blessure contre Dijon ?
J'ai ressenti des douleurs à la cuisse. Je n'ai pas voulu forcer et je suis sorti directement. C'était une douleur qui n'était pas là avant. Mais j'ai préféré ne pas prendre de risque.
On imagine que c'est frustrant alors que tu enchaînais les matchs et que tu avais retrouvé du rythme et un bon niveau.
Ouais, c'est sûr. Je crois que j'avais enchaîné 8-9 matchs, je me sentais bien. Mais ce n'est pas grave, c'est vrai que là je suis blessé mais ça ne va pas être un problème pour moi d'enchaîner des matchs à nouveau. Il reste pas mal de rencontres, la saison est loin d'être finie. En tout cas, je n'ai pas d'appréhension particulière sur le plan physique.
Sur Poteaux-Carrés on t'apprécie particulièrement, après Niort, Parasar écrivait ceci dans un billet d'humeur : "Pour justifier le titre de cet édito, pour concrétiser de façon durable et éclatante le potentiel entrevu depuis si longtemps par tous les observateurs du club, pour enfin décoller le fugace de nos rares petits bonheurs verts, pour qu’enfin il puisse tout donner comme il le dit, il serait juste que le sort daigne ne plus s’acharner sur Moueffek. Lui comme nous avons tant besoin de retrouver le sourire."
Merci ça fait plaisir !
Il faut dire qu'on te suit depuis pas mal d'années, on a même retrouvé récemment cette photo.
Ah oui, ça remonte (rires) ! Je les reconnais tous ces mecs-là. Si je dis pas de bêtises c'est en U12, ou U13 peut-être. C'est ma deuxième année à Saint-Etienne. Putain, ça date ! On reconnaît bien Dylan Duriveaux et Stefan Bajic qui jouent en L2.
Quel rapport à l'ASSE a le petit Aïmen de cette époque ? Toi qui est né à Vienne, à mi-chemin entre Sainté et Lyon.
C'est vrai que je suis à la limite du 42 et du 69. Là où j'habitais, à Saint-Clair du Rhône, c'était très partagé entre l'OL et l'ASSE. La moitié supporte les Verts et l'autre moitié est pour Lyon. Et moi quand j'étais petit, je ne supportais pas spécifiquement un club. J'aimais bien le Real Madrid mais sinon je n'avais pas vraiment de préférence. Quand je suis arrivé au centre à Sainté, je n'avais pas ce truc parce que je ne suis pas Stéphanois de base. Ce n'est pas quelque chose qui m'a été transmis de génération en génération. Après, on apprend l'Histoire du club ! Et quand t'arrives à Sainté, t'es Stéphanois à vie !
Tu es donc rentré très tôt au centre, quels formateurs t'ont marqué spécifiquement ?
(Il réfléchit) Il y en a eu pas mal ! On voit le coach Razik sur la photo, il m'a eu dès mon arrivée au centre, il me connaît par coeur et m'a fait beaucoup progresser. Il y a eu aussi le coach Julien Sablé qui a été important. Lui et moi on a une relation particulière parce qu'il m'a eu très jeune, il m'a appris beaucoup de choses. Après, il y a eu le coach Batlles que j'ai eu plus jeune en U15 et je l'ai retrouvé en CFA. C'est pour ça que je disais en début de saison que je connaissais bien le coach ! Je connais son niveau. Déjà en jeunes, dès qu'il parlait football, on sentait direct qu'il connaissait tout. Quand t'as un coach comme lui qui t'entraînes dès le plus jeune âge, t'es bien entouré.
T'as retrouvé le même Laurent Batlles que t'avais eu chez les U15 ou en réserve ?
Je pense qu'il crie un peu plus (rires) !
L'enjeu n'est pas le même !
Non, franchement, pour être honnête, c'est le même ! Dans le comportement, la façon de voir le jeu ... Je me rappelle quand on était en CFA, qui est un championnat très dur où tu fais face à des jeunes, à des équipes où t'as des anciens, ça joue dur sur des terrains compliqués ... il avait toujours cette philosophie de faire du jeu, de bien jouer, de faire des belles séquences, d'avoir le ballon, de ne pas jeter n'importe où. Aujourd'hui, c'est pareil en L2. Quand ça n'allait pas, il aurait pu dire "allez-y, balancez", mais non, il a toujours eu cette volonté de bien jouer au football, de patienter et que ça finirait par sourire. C'est le même Batlles que j'avais eu au centre de formation.
Un coach qui t'a fait jouer milieu défensif cette saison, un cran plus bas que ton poste plus naturel, on va dire, de relayeur. Où est-ce que tu te sens le mieux ?
Moi, je me sens bien quand j'attaque et quand je défends. Quand je me retrouve milieu défensif, je ne suis pas libre car je ne peux pas attaquer comme je veux. La priorité pour moi, là où je me sens le mieux, c'est quand je suis libre. Numéro 8 ça me convient bien, car je peux attaquer et défendre. Je suis partout, je ne suis pas fermé, pas bloqué. Je n'ai pas les mêmes responsabilités qu'un milieu défensif où tu as une relation avec les défenseurs et où tu es, en quelques sorte, l'équilibre du milieu de terrain. Quand je suis numéro 8, j'aime bien ce rôle "box-to-box", attaquer, défendre, être libre.
Ce système mis en place par Laurent Batlles ...
(Il coupe), Ouais, en losange
Ouais, il te demande beaucoup d'efforts avec ton partenaire du milieu, tant sur le plan offensif que défensif où vous devez compenser beaucoup.
Moi j'aime beaucoup ce système car je suis libre. C'est vrai qu'il y a plus de courses à faire car les milieux de terrain doivent plonger, apporter le surnombre en attaque. On laisse beaucoup d'espaces donc on doit revenir, mais compenser, faire les efforts, ce n'est pas un problème.
Avec Victor Lobry et Benjamin Bouchouari, vous êtes 3 pour ces deux postes de relayeurs au milieu de terrain, vous vous parlez pour trouver un équilibre en fonction de la paire qui est associée ?
A trois, on a des profils un peu différents. On a des qualités différentes, des jeux qui ne sont pas les mêmes. Mais que ce soit avec Victor ou Ben, on est toujours à l'aise.
Tu as parlé d'implication offensive, Laurent Batlles a demandé à ses milieux d'être plus dangereux, de marquer. Or, Victor et Benjamin n'ont mis qu'un but cette saison, et toi tu n'as pas encore marqué, c'est un point à améliorer ?
Bien sûr, les statistiques c'est important dans le football moderne. Et puis tout le monde aime bien marquer ! Mais je ne me mets pas de pression par rapport à ça, je laisse faire le jeu. Si j'ai l'occasion de marquer tant mieux, si je dois faire la passe pour qu'on marque, je la ferai et si je dois ne pas marquer pour qu'on gagne, ce ne sera pas un problème ! Le plus important, c'est l'équipe. Il faut qu'elle gagne, qu'elle tourne bien.
Les stats, ça prend trop d'importance pour toi sur le ressenti qu'on peut se faire de certains joueurs ?
On retient les joueurs les plus en vue. Les attaquants, ceux qui marquent, ceux qui font des passes décisives. Les défenseurs et les milieux sont plus en retrait mais c'est comme ça. Le foot veut ça donc ce n'est pas trop un souci. Mais ceux qui connaissent le foot savent qu'il faut de tout pour faire une équipe. Tu ne gagnes pas un match avec 11 techniciens, il te faut 11 hommes ! Si tu n'as que des numéros 9, que des mecs qui dribblent, tu ne gagneras pas. Mais le foot est comme ça.
Est-ce que tu vois une vraie différence entre L1 et L2 au niveau du jeu ?
C'est assez différent je trouve. Les matchs en L2 sont plus durs, dans l'agressivité, la combativité. Les matchs sont physiques, on joue sur des terrains compliqués, face à des joueurs qui ne lâchent pas le steak ! C'est plus dur à gagner. Mais en Ligue 1, c'est beaucoup plus réfléchi, plus tactique, plus technique. Tu joues contre des bons joueurs qui ne vont pas forcément faire les efforts ou défendre à fond sur toi. Mais dès qu'ils ont la balle, tu sens que ce ne sont pas les mêmes joueurs.
En Ligue 1, tu as dépanné aussi latéral droit ou latéral gauche sous Claude Puel, comment tu l'as vécu ?
Ah il y a pas mal de personnes qui veulent que je joue à droite ! (rires) Dans mon entourage, certains aiment bien me voir à droite, mais je dis stop direct (rires) ! Non, mais honnêtement, je préfère jouer au milieu, c'est là où je me sens le mieux. Mais je ne me prends pas la tête avec ça. S'il faut jouer à droite de la défense, je le fais. Si je suis performant, alors tant mieux. Je fais ce qu'il faut pour servir l'équipe.
Claude Puel, j'en parlais, c'est lui qui t'a lancé en Ligue 1, au Vélodrome pour une victoire 2-0 à l'extérieur. Ca faisait plus de 40 ans que les Verts n'avaient pas gagné là-bas, j'imagine que ça doit être un super souvenir !
C'était ma première en pro, ma première en L1. En plus, c'était au Vélodrome et on gagne ! Tous les ingrédients étaient réunis pour des débuts réussis ! Ca reste pour l'instant le match le plus important de mon histoire. C'est dommage que le stade ait été vide à cause du covid. Mais c'était un super match. D'habitude, je n'ai pas vraiment de pression quand je joue au foot. Aujourd'hui, par exemple, je prends les matchs tranquillement, je suis serein. Mais ce match-là, c'était spécial ! Je n'avais pas l'habitude, je rentre à droite de la défense. Mais ça s'est bien passé, j'étais bien, l'équipe tournait super donc j'en garde un très bon souvenir.
On disait que Claude Puel était plus proche de ses jeunes joueurs que des cadres plus expérimentés. Quelle relation avais-tu avec ce coach ?
Franchement, ça se passait super bien avec le coach Puel. Je sentais qu'il voulait beaucoup me faire progresser. Il ne me lâchait pas sur de nombreux points. C'est dommage car je pense que j'aurais pu progresser énormément avec lui. On avait une très bonne relation. Dès que j'avais une question, je pouvais aller le voir sans problème. Je pense qu'on avait un peu la même philosophie au niveau du jeu et sur notre vision du football donc c'était facile pour moi de m'inspirer ce qu'il me disait.
Et la saison passée, comment as-tu vécu son départ et la saison globalement galère ?
C'était une saison compliquée pour tout le monde. Pour les joueurs, le staff, les supporters. Ce sont des moments qui forgent, qui font beaucoup apprendre, surtout quand tu es jeune. C'est dommage de n'avoir pas su relever la barre et se maintenir. On ne garde pas de bons souvenirs mais j'espère que cet échec va nous servir pour la suite.
Lors des barrages contre Auxerre, tu pensais que vous alliez vous maintenir ?
Personnellement, j'étais quasi certain qu'on allait se maintenir. Je croyais en nous, en notre groupe. Quand on a accroché les barrages, sans être prétentieux, je pensais que ça allait le faire.
Comment t'as vécu l'après-match, les réactions des supporters ?
Les gens qui ne connaissent pas Sainté, qui ne sont pas nés ici ou qui n'ont pas été au centre, ne peuvent pas comprendre les supporters. Il faut être d'ici pour comprendre. Sainté ce n'est pas un club comme un autre. Moi, j'ai compris leur réaction même si je déplore les violences. Mais quand t'es sur le terrain, tu es acteur de la situation, t'es maître de la situation. Les supporters, je les comprends parce qu'ils n'ont aucun poids sur ce qui se passe sur le terrain. Dans les tribunes, tu vois le match, mais tu ne peux rien faire. Tu subis ce qui se passe, tu subis les défaites, la descente. T'as l'impression d'être impuissant. Tu ne peux qu'être derrière ton équipe, tu pousses et quand tu vois que ça ne donne rien, c'est frustrant.
A l'intersaison, il y a eu beaucoup de départs, t'es un des rares à être resté au club et à 21 ans, t'es un de ceux qui connaît le mieux la maison verte, ça te donne quel rôle au sein du vestiaire ?
(Il réfléchit) Disons que si on perd, je suis plus atteint que les autres. Je prends plus les choses à coeur. C'est normal, quand t'es d'ici, t'es du centre, t'es Stéphanois à 100%. Donc quand on perd, quand ça va mal, ça me touche plus. Il y a beaucoup d'avantages à jouer dans son club formateur, mais dans les moments durs, ça peut se révéler compliqué mentalement.
Tu as encore 1 an de contrat ici, comment vois-tu ton avenir ?
Pour l'instant, je ne sais pas. Je suis en contrat, tant que je suis là je me donne à 100%, l'important c'est que l'équipe gagne et après on verra ce qui se passera.
Est-ce que tu t'inspires de certains modèles de joueurs en te disant "plus tard, j'aimerais bien ressembler à tel joueur ou tel autre" ?
Ah moi je regarde beaucoup de football, principalement la Premier League. Je suis un grand fan de ce championnat, du jeu, de l'intensité, du fighting spirit. J'aime beaucoup les équipes anglaises et je m'inspire beaucoup de ces équipes et des joueurs que je regarde. Et vraiment, je suis toutes les équipes que ce soit Liverpool, Tottenham ou même du milieu de tableau comme West-Ham ou Brentford, je mange tout le foot anglais (sourire). Ca représente le football que j'aime, et puis qui sait ... un jour peut-être pourquoi pas découvrir ce championnat par moi-même !
Merci à Aïmen pour sa disponibilité