Remis de sa blessure au mollet, le milieu de terrain lorientais Fabien Lemoine s'est confié à Poteaux Carrés avant de recevoir son ancien club ce vendredi en match d'ouverture de la 31e journée de L1.


Tu vas bien Fabien ?

Écoute ça va un peu mieux. Ça va mieux même ! Je me donne les moyens de revenir au plus vite, au mieux. Content d’avoir retrouvé les terrains ce week-end même si on a perdu lourdement au Parc. Mais ça fait du bien d’avoir retrouvé le groupe, c’est toujours agréable.

Cette saison t’as le mollet qui a molli ? Que s’est-il passé Papy ?

Le 31 octobre, je me suis fait une lésion au mollet lors du match à Strasbourg. Ça m’a éloigné des terrains pendant deux mois, deux mois et demi. Ensuite j’ai repris, je suis entré en jeu à la mi-janvier à Lille et quatre jours plus tard à Nantes. J’avais de bonnes sensations mais la semaine d’après je me suis fait mal à l’autre mollet. Ça m’a encore éloigné des terrains pour quasiment deux mois. Je suis rentré en jeu ce week-end les dernières minutes du match à Paris. J’espère que mes mollets vont me laisser un peu tranquille maintenant pour que je puisse finir l’année correctement, sans blessure.

Tu as contracté ces deux blessures sur des mouvements particuliers et similaires ?

Non, ça n’est même pas arrivé sur des appuis forts, des sprints ou ce genre de choses. A la Meinau, j’ai senti une douleur à cinq minutes de la fin du match. L’autre blessure, c’est sur un grand jeu lors d’une séance d’entraînement. Après, les blessures sont souvent liées à l’extra-sportif.  Il n’y a pas que la vie de footballeur qui entre en ligne de compte. Cette saison, la vie extérieure n’est pas simple. Il y a eu le décès de mon beau-père au mois de septembre. En ce moment on vit des moments difficiles dans la famille. Un problème de santé d’une de mes filles. Ce n’est jamais évident à gérer.

Quand on dit que la récupération invisible est importante, que le travail à côté est important… Depuis ma première déchirure au mollet, je n’ai jamais bossé autant en salle pour revenir plus fort. Ma deuxième blessure au mollet, j’ai mis une bonne semaine à m’en remettre mentalement. Après je suis reparti au boulot. Je me suis donné les moyens pour essayer de finir correctement, donner le maximum pour l’équipe et pour le club, essayer d’obtenir à nouveau le maintien. Après, on verra ce qui se passera. C’est sûr que ce genre de choses, ce n’est pas anodin quand à l’extérieur c’est difficile. Mais bon, on s’accroche. Il le faut.

Ton ami Romain Hamouma a eu plusieurs blessures au mollet dans sa carrière, encore cette saison. Vous en avez discuté ?

Bien sûr, on a échangé sur nos blessures au mollet. C’est vrai que Rom en a eu plusieurs. C’est vraiment chiant comme blessure. Tu ne la vois pas venir et le mollet tu t’en sers en permanence. À un moment donné, il y a une part mentale. T’as toujours l’impression que ton mollet est un peu engorgé et qu’à tout moment ça peut lâcher. T’es toujours en train de le tester même chez toi à la maison. Tu te lèves de table, tu regardes. T’étires un peu en permanence pour voir si ça va. En fait il y a une certaine psychose qui rentre en jeu.

 C’est un muscle que tu sollicites à la marche, à la course, en permanence. C’est un muscle qui n’est jamais au repos. Autant un ischio, quand tu marches, tu ne vas pas le solliciter. Autant un mollet tu le sollicites tout le temps. Tu montes les escaliers, tu le sollicites. Tu marches, tu le sollicites. C’est vraiment pénible. Même quand t’es en récup, tu le fais travailler. Même quand tu ne joues pas, même quand tu n’es pas en activité sportive. C’est assez complexe.

La guérison est longue et surtout la rechute est tellement facile… Il faut prendre vraiment le temps. Et t’as beau avoir tout ce que tu veux, ça peut te rendre indisponible plusieurs mois. Aujourd’hui, Sergio Ramos a beau avoir les meilleures infrastructures, le meilleur réseau, au final tu t’aperçois qu’il ne va pas plus vite que les autres. C’est vraiment une blessure qui est pénible. Je m’en étais déjà rendu compte lors de ma dernière saison à Sainté. Je ne sais pas si tu te souviens mais j’avais été indisponible quatorze semaines. Je m’étais pété mi-septembre à Nantes.

Ah oui, le fameux 0-0 où Florentin Pogba et toi sortez sur blessure au bout de dix minutes de jeu et cinq minutes plus tard Kévin Malcuit se fait expulser.

Oui, c’est bien ça. J’ai mis plus de trois mois avant de rejouer. Du coup je savais déjà ce qu’était une blessure au mollet avant de me péter cette saison avec Lorient. J’espère vraiment être épargné en cette fin de saison.

Tu es entré en jeu dimanche au Parc à la 89e minute alors que ton équipe était menée 4-1, et tu n’as pu empêcher le QSG de mettre un 5e but. Au départ de cette action qu’il a conclue, Neymar t’as fait un petit pont. Comment tu l’as vécu ? T’as les boules de voir que ton équipe a pris un dernier pion qui pourrait coûter cher pour Lorient à la fin de saison si le maintien se joue à la différence de buts ?

 

Neymar m’a fait un petit numéro. Après, franchement, je vais te dire un truc : ça ne me fait ni chaud ni froid. Même si ce geste tourne sur le net, je m’en fous, je n’ai pas les réseaux. Ils peuvent m’insulter, me dire que je suis une merde, que je suis nul, ça ne changera en aucun cas ma vie ! Avec ce qui se passe en ce moment pour nous, tu relativises un peu certaines choses. Franchement, je lui ai même dit bravo à la fin du match. C’est sûr que ça me ferait chier si le maintien se joue à un but. Maintenant, il reste huit matches.

Honnêtement, je ne pense pas que ce soit un but qui va changer la donne. Si sur les huit matches on n’arrive pas à faire la différence pour se maintenir. Franchement, ce n’est pas parce que t’as pris cinq buts contre Paris que tu vas le regretter à la fin. Ça veut dire qu’il y aura eu d’autres faits de jeu, d’autres trucs qui se seront passés entretemps où tu pourras te dire « ce match-là, contre un concurrent direct, on n’a pas fait le match qui fallait. Si à la fin de la saison, si tu te dis «punaise c’est ce cinquième but pris à Paris qui nous fait mal », c’est qu’à un moment donné tu ne vois pas la réalité en face.

Vous avez vite digéré cette lourde défaite au Parc ?

Dès la fin du match, on s’est projeté sur le match très important de vendredi contre Sainté. Franchement, avec Paris, il n’y a même pas deux, cinq ou dix classes d’écart. C’est juste un autre monde, surtout quand ils sont chez eux. À l’extérieur tu peux un plus les malmener. Après, c’est toujours pareil. Même à 50%, ils t’en mettent trois. À 75% ils t’en mettent cinq et à 100% ils t’en mettraient huit. Si tu veux espérer un peu, il faut qu’ils soient à 10 ou 15% et qu’ils n’en aient rien à cirer.

Quand les Parisiens se déplacent dans des conditions où il fait un peu froid, où il y un peu de pluie, tu souhaites qu’ils n’aient pas trop envie de jouer. Dans ces cas-là tu peux espérer décrocher un nul voire les battre s’ils sont vraiment complètement à côté de la plaque. A la base, c’est eux qui décident. Dimanche Mbappé avait encore envie, Neymar et Messi étaient un peu connectés et au final on en a pris cinq. Mais bien évidemment on est très vite passé à autre chose, on a vite switché sur la réception des Verts. Vendredi on a une première finale. Ce week-end, entre Bordeaux-Metz et Lorient-Sainté, les points vont coûter cher…

Mbappé avait fait très mal aux Verts, il a encore été incroyable contre les Merlus. C’est l’adversaire qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?

Ouais. Il est vraiment énorme. À l’époque, le milieu de terrain Thiago Motta-Verratti-Matuidi était assez impressionnant. Pourtant nous on était dans la force de l’âge, on avait une belle équipe à Sainté. On affrontait souvent les Parisiens quatre fois car on tombait tout le temps contre eux en Coupe. J’adore Verratti, je le trouve strastosphérique. Mais Mbappé, c’est pas pareil. Les mots me manquent pour qualifier son niveau. C’est un extra-terrestre en fait. Il a mis le bouillon au Real, heureusement qu’il met le bouillon au FC Lorient ! Il a besoin de personne, c’est ça qui est fou. Il prend le ballon, il décide, il accélère, il dribble, il est monstrueux devant le but. Il est d’une efficacité terrible. Aujourd’hui c’est le meilleur joueur du monde et il le mérite. Il est super beau à voir jouer et je ne lui souhaite que du bonheur.

Pour en revenir à votre équipe, vous aviez fait un très bon début de saison avant de connaître plusieurs mois de disette.

On a démarré la saison comme on avait fini la précédente, dans une bonne dynamique. C’était notre leitmotiv pendant l’intersaison, on voulait s’appuyer sur ce qu’on avait réalisé les mois précédents. Alors qu’on avait que 12 points à mi-championnat, on s’était maintenu grâce à une seconde partie de saison digne d’un club classé entre la 5e et le 7e place. On voulait donc être acteurs de notre saison, croquer dedans. C’est vrai qu’on a fait un début de saison vraiment intéressant. À la maison, on a battu des équipes comme Monaco, Lille et Nice. Et on fait de bons nuls à l’extérieur, notamment à Sainté, à Lens et à Lyon. On avait 15 points au bout de 10 journées. On s’est dit qu’il y avait la possibilité de vivre une saison intéressante, de se faire plaisir, de jouer avec moins de pression. Tu sais très bien que quand t’as un peu moins le couteau sous la gorge, tu peux faire des choses vraiment sympas et prendre ton pied dans le jeu.

Mais après notre victoire contre Nice, on est resté de longs mois sans succès. Quatre mois et demi sans gagner, c’est vraiment dur à vivre. Pendant cette très longue période de disette, on n’a pas eu les ressources mentales pour faire face et repartir de l’avant. Quand tu n’arrives pas à décrocher les trois points sur une telle période, c’est qu’il y a quand même des manques. Après, tu sais très bien comment c’est, quand t’es dans une spirale négative, c’est loin d’être évident de s’en sortir. La confiance s’effrite, et puis bon, on n’est "que" Lorient donc on ne fait peur à personne. Qu’elles te reçoivent où qu’elles viennent chez toi, les équipes adverses t’agressent direct, toi t’arrives jamais à mettre vraiment le pied sur le ballon, et à un moment donné, la pression, elle est contre toi et c’est difficile.

Pendant cette série de quinze matches sans succès, on s’est dit "heureusement qu’on a fait un bon début de saison, c’est grâce à ça qu’on est encore dans la course". Dans l’absolu, quand tu enchaînes quinze matches sans succès, tes chances de te maintenir sont infimes. Si on avait démarré la saison par une telle série, je pense qu’on était quasiment dans la charrette. Là, c’est différent, on a pu capitaliser en début de saison. Et maintenant on va se battre à cinq ou six équipes pour éviter les trois dernières places.  

Cette période de disette a dû être d’autant plus difficile à vivre pour toi que tu n’étais pas en état physique d’aider ton équipe.

Oui, c’est sûr que c’est frustrant de na pas pouvoir aider ton équipe à redresser la barre. C’est sûr que je n’étais pas dans un bon mood. Après ma blessure, au tout début, franchement, j’ai essayé, je suis ressorti une fois, deux fois. Mais je voyais que ça ne passait pas, soit je retournais en soin, soit je mettais trois jours à m’en remettre. À chaque fois tu prends des coups derrière la tête. Et quand t’es pas dans un bon mood, c’est difficile clairement d’aller parler aux autres pour les rebooster. T’es très loin car tu t’aperçois que t’as pas vraiment d’objectif de délai, tu ne sais pas où tu vas. Tu te dis que ça peut durer trois semaines comme six semaines. Tu viens bosser mais t’as du mal à te projeter, tu ne sais même pas pour quel match tu vas revenir.

Franchement, je n’ai vraiment pas bien vécu tout ça, vu en plus ma situation personnelle. C’est dommage car j’avais fait un super début de saison. Je ne te cache pas que mon objectif au mois d’octobre était de continuer sur ma lancée, de bien finir l’année civile, d’arriver à la trêve hivernale avec au 23, 24 ou 25 points. Du coup pendant la trêve hivernale je serais monté dans le bureau et j’aurais dit « qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Clairement, ma vision était celle-là. On ne va pas se mentir, le foot est un sport co mais à un moment donné il y a tes intérêts personnels.

Collectivement on a fait un bon début et individuellement j’ai fait un super début. Je me sentais super bien, la tactique me correspondait, je prenais un kif énorme dans mon rôle de sentinelle devant la défense. J’avais fait de très bons matches notamment contre des gros à la maison. Et là je me suis dit : « Mais Fab, tes pas cramé du tout. » T’es en train de te voir tranquille encore un ou deux ans en L1 au FCL en ayant un rôle à jouer dans l’équipe et tout ça. Mais du jour au lendemain ça bascule et après ce n’est plus la même mayonnaise. Tout ça mis bout à bout… c’est dur ! T’es loin du groupe, parfois quand t’arrives t’as pas le bon état d’esprit parce que tu ne sais pas où tu vas, parce que ça fait chier. Tu traverses des moments de doute, tu broies un peu du noir. Tu te dis : "si ça continue comme ça, je vais finir ma carrière sur une blessure et ça m’emmerde !"

Maintenant, écoute, il reste huit matches. On est dans le sprint final. On a encore notre destin entre nos mains. On sait qu’on va recevoir Sainté, Metz, Reims et on va finir la saison par la réception de Troyes. Bon, on reçoit aussi Marseille à la 36e journée mais sinon on joue à la maison des concurrents directs. Ça va être des finales, on ne va pas se mentir !

La première se déroulera dès vendredi contre Sainté. Quel regard portes-tu sur la saison des Verts ?

Franchement, à un moment donné, je les voyais bien mal embarqués. Ça ressemblait un peu à notre parcours de la saison dernière. Sainté a viré à la trêve avec seulement 12 points, soit le même total qu’on avait affiché à ce stade de la saison l’année d’avant. Je connais un peu la situation à l’ASSE, je sais que la plupart des anciens, des cadres, sont en fin de contrat. Je me disais que ça risquait d’être un peu chaud. Même si franchement je n’ai jamais vu les Verts vraiment lâcher.

Tu sais, je regarde quasiment tous leurs matches. Je ne les ai jamais vu renoncer, même quand c’est Claude Puel qui les entraînait. Je ne les ai pas vus lâcher le coach, l’abandonner complet. Contre Angers par exemple ils sont menés 2-0 à la maison dans une ambiance très particulière, ils ont le mérite d’arracher un nul mérité. Sainté a connu aussi une période de malchance, les Verts tiraient souvent sur les poteaux ou sur la barre. Je sentais que l’équipe démarrait avec des intentions, se procurait souvent les premières occasions sans les concrétiser et concédait l’ouverture du score sur la première occase adverse. Il y a eu plusieurs fois ce scénario.

Après, Geoffroy-Guichard, quand ça se passe bien, c’est magnifique. Mais quand ça ne passe pas bien, ça peut aussi être difficile. Mais moi j’avais dit aux gars ici, à Lorient : "si ça rebascule dans le bon sens pour eux, vous allez voir ce que vous allez voir, le Chaudron, ça va être quelque chose ! Les équipes qui vont aller à Geoffroy, il va falloir être très costaud. Si les Verts recommencent à gagner un ou deux matches, il va y avoir une ambiance de ouf !" C’est ce qui s’est passé. Les Verts se sont mis à décrocher quelques succès. Avec Pascal Dupraz, l’équipe a eu un nouveau peps. J’ai trouvé qu’il y avait davantage d’énergie dans l’équipe. Quand il est arrivé, le nouveau coach a réussi à avoir quelques résultats et tout de suite ça a pris.

Les supporters stéphanois étaient 36 000 contre Metz, 32 000 contre Troyes. Ce ne sont pas des affluences classiques. Même nous quand on jouait l’Europe, on n’attirait pas autant de monde quand on recevait des équipes de ce calibre. Il y avait peut-être 27 000 spectateurs. 36 000, c’étaient plutôt lors des gros matches ou à la fin de saison. Cette mobilisation du peuple vert dans le cadre de cette opération maintien, c’est quand même quelque chose ! Mais perso ça ne me surprend pas. J’avais prévenu : "si les Verts reviennent dans la course, ça va être dur de les arrêter."

Au sein de ce peuple vert, un collectif Socios Verts s’est monté. Qu’en penses-tu ?

Je pense que ce projet peut être bien car quand tu parles de l’ASSE, tu penses immédiatement à la ferveur des supporters stéphanois. C’est sûr que ce n’est pas pareil ailleurs. Un projet socios d’envergure, tu pourrais le faire peut-être dans un ou deux clubs en France. Aujourd’hui, tu parles de Sainté, tu parles forcément du stade et de son public. Donc forcément, oui, il y a cette carte-là qui est hyper importante. On ne va pas se le cacher, le public stéphanois est quand même écouté.  Si demain il y a un problème, les supporters sauront faire passer des messages. Quand il y a une crise de résultats, ils savent se faire entendre.

Je pense que ce projet Socios Verts peut être une bonne chose. Maintenant, il faut faire attention aussi. Il faut que ce mouvement soit bien structuré, que ce ne soit pas la foire. À un moment donné, quand tu gères un club, il y a des responsabilités, des enjeux politiques, économiques. C’est difficile de prendre des décisions quand tu représentes un mouvement de centaines ou de milliers de personnes. Mais aujourd’hui, même si les supporters n’ont pas l’impression de faire partie du club car ils n’en sont pas des actionnaires minoritaires, que le projet socios n’en est pas encore à ce stade-là, ils font partie intégrante du club pour moi.

En tant que joueur en tout cas moi c’est comme ça que je l’ai vécu. À l’époque, on avait de bons résultats et on savait très bien que nous, en donnant ce qu’on donnait, les supporters allaient nous le rendre fois cinq, fois dix. Les supporters stéphanois font partie intégrante même de ta vie extérieure. T’as de mauvais résultats à Sainté : « Qu’est-ce qu’on fait ce soir, on va au resto ? Ben putain je ne sais pas ! » Tu vois ce que je veux dire ? Tu te poses la question. « On ne va pas sortir, on en a pris trois au Groupama Stadium. Hey les gars, ce soir on ne sort pas ! »

Alors que t’as peut-être gagné cinq ou six matches avant et que tu te sentais peut-être un peu le roi du monde, tu redescends vite sur terre parce qu’ils te le font comprendre. Clairement, tu sais très bien qu’en arrivant là-bas… Les supporters ont un rôle, ce n’est même plus majeur… Je ne vais pas dire que ce sont les patrons car ce serait leur donner trop d’importance. Ce ne sont quand même pas eux qui décident de tout. Mais quand même… Les supporters stéphanois, ça reste une force de frappe énorme. Demain, s’il y a un investisseur qui vient, on ne va pas se voiler la face : ça fait partie clairement de ce qui fait venir les gens. C’est toujours attirant pour quelqu’un d’avoir ce genre de stade, ce genre de public.

Revenons au match de ce vendredi. Comment trouves-tu les Verts en ce moment ? Penses-tu qu’ils sont bons à prendre ?

C’est vrai qu’en ce moment ils sont un petit moins bien. Je ne dirai pas pour autant qu’ils sont bons à prendre. C’est toujours pareil, c’est vraiment énergivore de jouer le maintien. Franchement, je pense que les Verts ont les qualités pour s’en sortir. Certes, ils ont fait un match moyen contre Troyes. Mais bon, depuis deux mois, les Verts n’ont perdu que deux matches contre les deux premiers, Paris et Marseille. Tu sais, on n’est pas con, on regarde les calendriers et moi je pense que Sainté a des matches à Geoffroy qui peuvent leur permettre de se sauver. On ne va pas se voiler la face, on est un peu dépendant de ce que font les autres concurrents directs pour le maintien. Parmi toutes les équipes encore concernées par le maintien, aucune ne va remporter les huit derniers matches et s’en sortir tranquillement. On va être dans le calcul en permanence, à chaque match.

Le peuple vert est un vrai atout pour l’ASSE dans cette lutte pour le maintien !

Bien sûr. Tu sais très bien que si t’arrives à prendre le match par le bon bout, si t’arrives à marquer… Normalement, les Verts doivent se sentir pousser des ailes. En tout cas je me mets à leur place. Tu mènes, chez toi, avec ce public-là, la ferveur et tout… Tu gagnes le match ! Contre un adversaire de ta taille j’entends, je ne parle pas de Marseille qui ne boxe pas dans la même catégorie. Mais contre un club entre la 10e et la 20e place en principe c’est bon, pour moi tu gagnes le match. Si tu fais les efforts, tu cours, sans parler techniquement, t’as fait 80% du boulot normalement. Le public, c’est un gros, gros plus pour Sainté, clairement !

Et puis tu sens bien que les supporters n’attendent que ça, ils sont derrière l’équipe. Même quand elle menée et qu’elle tarde à concrétiser sa domination, l’équipe est soutenue à fond. On l’a vu notamment contre Montpellier. Après le bijou de Romain qui a permis d’égaliser, le Chaudron c’est embrasé et Sainté a fini par remporter ce match. Les supporters stéphanois connaissent les choses. Si à un moment t’es balloté à droite ou à gauche parce que tu ne fais pas les efforts, à un moment donné, ils vont se retourner contre toi. Mais si tu fais les efforts, que tu t’arraches, même si tu fais une mauvaise passe mais que derrière tu réagis, t’inquiète pas, les supporters vont te pousser jusqu’au bout ! Montpellier, c’est le bon exemple. Quand j’ai vu que mon Rom a égalisé, je me suis dit « les Verts vont enfoncer les Montpelliérains, c’est sûr ! » Les supporters stéphanois, ils sont énormes ! Pour moi c’est un atout majeur. À Bordeaux, on a l’impression que c’est plus tendu. À Metz, ça commence sans doute à chauffer un peu.

Tu l’as rappelé, C’est Romain Hamouma qui a égalisé lors du renversant succès des Verts contre Montpellier. Vous avez pu changer récemment ? Tu penses qu’il fera son retour contre vous ?

On, je suis resté proche de Romain. Il a repris la course mais je pense qu’il sera encore un peu juste, à mon avis il ne sera pas du déplacement à Lorient. Mine de rien ça fait un petit moment qu’il est absent et je ne sais pas avec son bras s’il peut reprendre car au niveau des contacts c’est compliqué. Peut-être que ce match arrive une semaine trop tôt. Il sera sans doute opérationnel une semaine plus tard contre Brest. Tant mieux pour nous s’il n’est pas là mais ça me fait vraiment chier pour lui. Car à chaque fois qu’il rentrait, j’avais trouvé qu’il mettait le feu. C’est un gros plus pour l’équipe. Et je ne dis pas ça parce que c’est mon pote. Quand il est là, quand il est bien, c’est un élément hyper important dans la connexion entre le milieu et l’attaque.

Un peu comme des mecs comme Khazri voire Boudebouz, Romain est un mec qui crée, qui sait faire la différence. Aujourd’hui en Ligue 1, si tu n‘as pas des mecs comme ça, des gars capables de faire la diff’ dans les zones de vérité que ce soit dans la passe, dans le centre ou dans le tir, t’as beau avoir la meilleure défense du monde, à un moment, tu vas plier. Le fait que l’équipe retrouve Rom et Khazri pour les prochains matches ça permet aux Verts de disposer d’une grosse force de frappe dans leur opération maintien. Je ne pense pas que Rom pourra jouer contre nous mais sans doute que Khazri sera opérationnel dès vendredi.

On l’espère tous. Il avait été décisif lors de la première journée à l’aller en arrachant le péno égalisateur.

Oui et cette saison on se rend bien compte que c’est lui à un moment donné qui a porté l’équipe. Il a mis 9 buts. Khazri il est important car il a de l’expérience, c’est un vicieux. C’est un super joueur, il a du talent. En plus de ça je trouve qu’il a vraiment une énergie hyper positive. Il fait des efforts. Moi c’est le genre d’attaquant que j’aime bien. Ça bagarre, même s’il est battu c’est un charognard. Techniquement il est très bon, je trouve qu’il a une super frappe. Il a du vice quand il est aux abords de la surface, il sait se mettre un peu dans le défenseur. Il est hyper complet. En plus il était blessé donc je pense qu’il doit avoir un peu la dalle. Je ne sais pas s‘il va jouer contre nous ou pas mais si c’est le cas c’est clairement un gars qu’il va falloir le surveiller.

Denis aussi d’ailleurs ! Je le trouve bien en ce moment. J’aime beaucoup Denis, même si je trouve qu’il ne fait pas sa meilleure saison. Sa première saison à Sainté, il été vraiment, vraiment très bon ! Je trouve qu’il jouait plus simple et qu’au final il était plus efficace. Parfois, il veut faire beaucoup d’exploits mais c’est vrai que c’est difficile. Les adversaires commencent à le connaître aussi. Mais athlétiquement, physiquement, en termes de rapidité et de frappe de balle, Denis, c’est quelqu’un ! C’est aussi un des gros atouts de cette équipe.

Je trouve que l’ASSE a vraiment un gros secteur offensif. Entre Boudebouz, Khazri, Denis, Rom et Arnaud... Il ne faut pas oublier Arnaud. Il ne joue pas tout le temps mais quand il rentre il fait mal ! Les Verts ont pris aussi Crivelli, qui n’a pas trop joué encore mais c’est un joueur intéressant, un point d’appui un peu différent. Je trouve qu’ils ont beaucoup de joueurs avec un très gros potentiel de mobilité, d’élimination, de dynamisme devant. Franchement, au niveau effectif et au niveau potentiel, devant, il n’y a pas beaucoup de clubs qui ont ça.

L’ASSE n’a pourtant que la 16e attaque de l’élite et manque depuis trop longtemps d’un avant-centre buteur.

Ouais mais je trouve que dans leur système, la façon dont ils évoluent, si t’as plusieurs joueurs qui sont entre 5 et 9 buts, ben c’est pas si mal en fait. Bon c’est sûr que pour jouer les premiers rôles, c’est compliqué. Mais je trouve que c’est quand même un peu du gâchis de voir les Verts jouer le maintien par rapport à leur potentiel offensif. S’ils en sont là, c’est qu’il doit y avoir d’autres lacunes ailleurs. Peut-être que derrière et au milieu ils ont quelques soucis. Ils ont quand même pas mal recruté au mercato d’hiver, ils ont stabilisé certaines choses mais je pense qu’à un moment donné ils faisaient quand même peut-être trop d’erreurs défensives.

Après, peut-être qu’aussi il y a quelques difficultés au milieu. En tout cas il y a moins de densité. Même si perso j’aime beaucoup Lucas Gourna. Je trouve qu’il a un très bon potentiel et j’ai découvert contre Marseille qu’il avait aussi une bonne frappe. Après je trouvais très bon Yvan Neyou mais cette année il n’a quasiment pas joué. En tout cas on ne l’a pas vu sur les terrains en 2022. Je pense que son absence a également fait du mal à Sainté. Je pense que les Verts ont eu du mal à trouver de la stabilité défensive, même collective, sans parler d’individualités. C’est sans doute qu’ils ont par moment perdu des matches qui étaient à leur portée.

Par rapport à leur effectif, je pense que les Verts avaient quand même matière à être plus tranquilles. Mais on en parlait tout à l’heure, parfois t’es dans une spirale, tu rentres là-dedans et ce n’est pas facile d’en sortir. Je nous souhaite évidemment de nous en sortir, mais je leur souhaite aussi à eux de s’en sortir. Mais vendredi, on va donner le maximum pour prendre les trois points.

Tu t’attends à quel type de match ?

Je ne sais pas. Je pense que ça va charbonner quand même ! (rires) On sait que ces matches-là sont souvent âpres. En tout cas les débuts de match, ce n’est pas forcément le jeu qui va forcément primer. Il y a tellement d’enjeu que malheureusement… Après, je trouve quand même que c’est une équipe capable de produire du jeu. Quand t’as des Boudebouz et des Khazri, ce sont quand même des mecs qui aiment bien jouer au sol. Boudebouz, à un moment donné, si tu lui mets des ballons qui lui passent au-dessus, je ne pense pas qu’il va kiffer, quoi ! Sainté c’est quand même une équipe qui essaye de jouer quoi qu’il arrive.

Nous on essaye aussi avec nos qualités de jouer par moment au ballon, notamment à domicile où on doit mettre un peu plus de danger sur l’équipe adverse. Autant en transition on a des qualités, autant à la maison on a un peu plus le ballon et c’est là qu’on a un peu de mal à faire la différence.

Avec seulement 25 buts marqués, Lorient a la pire attaque du championnat. Vous avez pourtant des joueurs offensifs de qualité comme Terem Moffi et Armand Laurienté, qui avait fait très mal aux Verts la saison passée au Moustoir.

On avait fait un début de saison vraiment très intéressant, il y avait beaucoup de complémentarité et tout ça. Après c’est vrai que la confiance a fait défaut. Quand t’es moins bon, forcément il y la concurrence aussi. Il y en a qui l’acceptent un petit moins bien que d’autres par moment donc ça remet un peu tout en question. Parfois pour certains ça met une semaine à quinze jours pour se remettre d’un banc de touche. C’est le football actuel, c’est comme ça… Peut-être qu’il y a un manque de confiance mais c’est aussi un souci de connexion. Parfois on manque un peu de connexion entre nous, entre les joueurs pour pouvoir déployer du jeu un peu plus construit.

Après, j’ai envie de dire, il reste huit matches et la priorité c’est de prendre des points. Bien sûr, on a plus de chance de gagner quand on joue bien ou correctement, mais sur ce genre de matches il faut déjà montrer du cœur, donner le maximum dans l’engagement, s’arracher sur tous les ballons. Après, si on peut mettre notre jeu en place, il va falloir le faire pour pouvoir créer des décalages et l’emporter à domicile. Nos prochains matches à l’extérieur, on joue contre Nice et Rennes, des équipes qui se battent pour le podium. Sainté aussi va aller là-bas d’ailleurs.

Quand on voit qu’il nous reste huit matches, qu’on va à Nice, à Rennes et qu’on reçoit Marseille, on se dit : "attention quand même !" On va jouer chez nous contre Sainté puis contre Metz, des concurrents directs. Il ne faut pas passer à côté. Et nous deux derniers matches à la maison on reçoit Reims et Troyes. On a quatre finales à jouer au Moustoir.

Enzo Le Fée et Bonke Innocent seront-ils opérationnels contre Sainté ?

Je pense qu’Enzo va tenir sa place. En ce qui concerne Bonke, je pense qu’on va attendre la dernière minute. On verra s’il s’entraînera ce jeudi. Moi il m’avait dit que ce n’était pas trop grave, maintenant je ne sais pas s’il sera apte à jouer contre Sainté. On l’espère car sa venue au mercato d’hiver a été bénéfique. Il nous a apporté de la maturité. Il a des qualités athlétiques, il récupère beaucoup de ballons. C’est un garçon expérimenté, il a joué la Ligue des Champions avec Malmö. Tu sens que le mec a quand même joué à un certain niveau.

Comme dans notre effectif on a pas mal de joueurs qui ont moins de matches en L1 que d’autres équipes… Bonke a quand même été champion de Suède. Ce n’est pas le championnat le plus connu mais il a évolué mine de rien dans une équipe qui joue au ballon de façon posée et qui a une certaine maturité dans le jeu. Quand tu regardes un peu la Ligue des Champions, tu ne vois jamais d’équipes qui partent dans tous les sens. C’est structuré, il y a un style de jeu. Bonke apporte du calme, de la maturité. Sa présence fait du bien à d’autres joueurs. C’est ce qui nous a fait défaut à un certain moment quand on a eu plusieurs joueurs d’expérience qui ont été blessés.

Tu sais comme moi que les joueurs d’expérience sont importants dans une équipe, leur présence permet de stabiliser d’autres joueurs plus jeunes et moins chevronnés. C’est un peu le mix entre la tête et les jambes. Et dans l’approche des matches, pour discuter parfois avec des jeunes, la présence des joueurs expérimentés les rassure. Parfois, la veille des matches, tu te dis : « ça va, on a tout le monde ». Quand t’as quatre ou cinq absents tu te dis « punaise, ça va être dur demain ! » Déjà tu pars avec ce sentiment que ça va être compliqué. Alors quand t’arrives au match… Tout ça fait que par moment des joueurs sont meilleurs quand ils sont entourés de joueurs d’expérience.

Dans ton équipe, un joueur formé à l’ASSE a fait ses débuts en pro cette saison alors qu’il fêtera dans huit jours ses 25 ans : Léo Pétrot. Il a su saisir sa chance et compte 16 titularisations en L1. T’en penses quoi ?

A la base Léo était arrivé cet été pour jouer en N2 avec la réserve mais il y a eu une cascade de blessures en défense centrale. Il est venu s’entraîner avec les pros et d’entrée il a été très performant à l’entraînement. J’ai découvert un garçon avec une super relance, très bon dans l’anticipation. Après, ce n’est pas un défenseur qui va hyper vite. Ce n’est pas un défenseur hyper agressif ou avec des qualités athlétiques énormes, mais par contre il a une super lecture du jeu. Il a une excellente relance et dans le un contre un il est très bon. Un peu à la Lolo Perrin, même si Lolo avait des qualités athlétiques, de jump, qui étaient un peu hors norme. Mais Léo est un peu dans le style de Lolo, il est moins dans le style Bayal, tu vois !

Léo a su saisir sa chance, il a été très bon soin premier match à Lens, il a confirmé le match d’après à Lyon. Léo ne s’est jamais vraiment déchiré lors d’un match. Et quand il a été peut-être un peu moins performant, il avait déjà à son actif quelques matches très bons qui lui avaient donné un petit crédit. Depuis quelques temps, on prend beaucoup moins de buts. La défense s’est un peu stabilisée. Le coach a trouvé un peu son quatuor défensif, Léo en fait partie. Clairement c’est une super histoire. Léo découvre le monde pro sur le tard et tout ce qui lui arrive est amplement mérité. C’est un très gros bosseur, il travaille avant les séances et après. C’est un super mec, il s’est super bien adapté en toute simplicité et avec beaucoup d’humilité. Il répond présent. C’est un garçon fiable et régulier.

Tu as comparé Léo à Lolo Perrin. Que penses-tu de son nouveau rôle à l’ASSE ? Tu te verrais bien occuper les mêmes fonctions au FC Lorient ?

Lolo, franchement, moi je le voyais-là. A la base il a été nommé coordinateur sportif, et mine de rien maintenant il fait déjà office de directeur sportif car dans la réorganisation du club suite au départ de Buisine, c’est lui qui chapeaute la cellule de recrutement. Et on voit bien qu’il s’est investi pour faire venir des joueurs lors du dernier mercato d’hiver. En gros Lolo est le directeur sportif du club, Soucasse est plus le président exécutif. Je trouve que les nouvelles missions de Loïc lui vont à merveille. J’imagine que c’est un rôle super intéressant. Tu touches un peu à tout, t’es connecté à l’équipe et au sportif, au terrain, à ce que tu maîtrises.

Forcément, c’est un rôle qui me plairait. Maintenant, il y a des équipes en place, ça travaille bien chez nous aussi. Et je ne me dis pas que je vais raccrocher les crampons en fin de saison. Il reste huit matches, je sais ce que j’ai fait sur le début de saison. Certes, il y a eu ce trou lié aux deux blessures. Mais dans tête, je me dis que si je finis bien l’année, qu’on arrive à se maintenir et que mes performances sont bonnes, j’aurai fait une saison avec un ratio point par match plus que bon. C’est là-dessus que j’ai envie de m’appuyer en fait. Clairement ! J’ai envie de finir en boulet de canon, du mieux possible, et après on verra ce qu’il se passera.

Après, c’est sur la question de la fin de ma carrière va se poser. Est-ce que ça se posera là, je ne l’espère pas. Mais si elle doit se poser, on avisera. Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui je ne suis pas dans cette optique-là, je n’ai rien préparé. Parce que je n’ai pas envie de me dire que ça va s’arrêter-là.

Tu peux arrêter de jouer au foot et te mettre à la cornemuse pour jouer dans un bagad au Festival Interceltique de Lorient, comme l’a fait le speaker de Geoffroy-Guichard Emmanuel Demont.

Nan, ce n’est pas trop ma came. J’aime bien y aller, écouter un petit peu avec une petite bière, tu vois, dans les rues lorientaises. Après, aller jouer… Non, je n’ai pas cette qualité. Ce sont des groupes qui fonctionnent bien, ça vient un peu de partout. Il faut avoir un certain niveau quand même, ça ne s’improvise pas ! Ce n’est pas ma destinée.

Ta destinée, c’est peut-être de devenir crêpier ! Dans son excellent bouquin Pour le plaisir, Jérémy Clément dit que tu lui as apporté des crêpes à l’hôpital juste après son opération suite à sa sérieuse blessure contre Nice.

En fait c’est ma femme qui a fait les crêpes. Moi je ne cuisine pas. Je savoure, je déguste. J’aime bien manger. Comme beaucoup de joueurs stéphanois de cette époque d’ailleurs. On était pas mal à aimer se faire de bonnes petites bouffes et à prendre l’apéro.

Jérémy Clément raconte dans son bouquin qu’il avait piqué à L’Etrat deux bouteilles de vin dans la cave exclusivement réservée au staff technique. "En revenant dans ma chambre où quelques coéquipiers m’attendaient pour le tarot, j’avais été accueilli comme une rock star. Nous étions huit, dont Loïc Perrin, Jean-Pascal Mignot, Laurent Batlles, Sylvain Marchal et Fabien Lemoine. Le calcul avait été vite fait : deux petits verres de vin chacun. Cela n’allait pas nous faire de mal, mais notre veillée y avait gagné un petit côté festif." Le lendemain, nous avons moins rigolé. Une femme de ménage avait retrouvé les bouteilles vides. Christophe Galtier a passé un savon mémorable à l'ensemble du collectif. Je me suis dénoncé pour le vin. Heureusement pour nous, et peut-être grâce à cette petite transgression qui nous avait pêut-être soudés, le soir-même nous avons remporté le match et quelques semaines plus tard, lors du dîner de mise au vert, Christophe Gaaltier s'est levé. Il est venu se planter devant notre table, une bouteille de vin à la main, et avec un petit sourire, il nous a simplement demandé : "L'un d'entre vous a envie d'un verre de vin ?" La tradition était née. Nous avons eu droit à notre verre de vin d efaçon récurrente lors des dîners à l'Etrat. Quant à moi, j'ai arrêté de piquer les bouteilles de vin du staff technique. Pour souder les gens dans le mileiu professionnel, je suis convaincu qu'il faut savoir parfois faire abstraction du professionnalisme justement. Christophe appartient à ces coaches qui l'ont compris."

On aimait se faire des petits plaisirs. Tu peux profiter des moments et pour nous ça a été un gros, gros atout. Ce n’était pas il y a vingt ans mais aujourd’hui t’as l’impression que ce n’est plus trop d’actualité. Je pense qu’on se trompe. Le problème c’est que maintenant avec les réseaux sociaux il faut faire hyper gaffe, on en parle moins aisément et moins facilement. Parce que le lendemain il t’arrive quelque chose alors que t’as fait ce genre de trucs, tout le monde va te tomber dessus et dire que c’est un scandale.

Mais tout ça, tous ces bons moments qu’on a pu passer ensemble, ça nous a apporté tellement en termes d’affection, de solidarité, qu’en fait, sur le terrain, on prenait un kif énorme. Limite c’était une motivation. Par exemple, après, on avait prévu de faire une bouffe. On se disait "Putain les gars, imaginez qu’on perde, le repas va être triste, la soirée ne va pas être top." Mais au final on gagnait et on était super content de se retrouver. En fait, ça crée dans l’inconscient plus qu’une équipe. Ça crée des amis. On avait une équipe d’amis.

C’est aussi pour ça que les supporters ont kiffé votre équipe et sont parfois nostalgiques de cette période. On aimait ce que vous représentiez, le plaisir que vous aviez à vous retrouver, le plaisir que vous nous donniez sur le terrain. Votre sens du partage et de la convivialité.

Le partage et la convivialité, t'as tout dit ! C’est exactement ça. J’en parlais encore tout récemment avec ma femme. Nous on est arrivé on avait 24 ans. On était encore un peu jeunes mais les mots convivialité et partage collent complètement avec mon vécu à Sainté. Je n’ai jamais été quelqu’un d’arrogant, quelqu’un replié en solo chez moi. J’ai toujours aimé les moments de partage. Mais la convivialité "++", le partage à ce niveau-là, je les ai connus à Sainté. Avec cette équipe bien sûr, qui était composée de supers mecs. Et aussi avec un groupe de parents d’élèves. On a passé des moments exceptionnels avec eux. Ce sont des gens que l’on voit toujours. Ils font partie de notre cercle d’amis très proches. Ce n’est pas anodin que ces liens forts se soient tissés dans le pays stéphanois. Cette ville, cette région, humainement, c’est fantastique !

Merci à Papy pour sa disponibilité