IAS, y'a de l'abus !

27/05/2018
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Le week-end dernier, Mediapart a souligné que les IAS (interdictions administratives de stade) frappant les ultras (notamment stéphanois) sont souvent abusives. Extraits.

 

"Malheureusement, c'est plus facile d'aller en Syrie que de chanter pour vous à Monaco", clamait en 2015 une banderole des Green Angels, un des groupes de supporteurs de Saint-Étienne, après une interdiction de déplacement en Principauté. Instaurée par la loi LOPPSI 2 en 2011, cette mesure prise par arrêté préfectoral interdit l'accès au stade aux supporteurs d'une équipe définie. Depuis, les mesures se multiplient. Barbe fournie, casquette et bermuda, Tom est l’un des responsables des Green Angels. Il raconte : "Récemment, on a été interdits à Strasbourg, Nantes, Lyon, Nice et Marseille. C’est décourageant." À ses côtés, un ami poursuit : "On est des sous citoyens. Vendredi, on se déplace à Montpellier. On est limités à 350, obligés d’y aller en bus et on va attendre des heures sur une aire d’autoroute que les flics nous escortent jusqu’au stade."

 

Depuis quelques années, l’interdiction administrative de stade (IAS) est venue s’ajouter à la panoplie des contraintes pesant sur les amateurs de football, qui ambiancent les tribunes populaires, virages et kops, défendant une certaine ferveur face au foot-business et ses places à des prix inaccessibles dans des gradins parfois moroses. Introduite par la loi antiterroriste de 2006, cette IAS permet au préfet d’interdire de tribune un individu qui n’a pas nécessairement commis d’infraction, mais dont le comportement laisse penser qu’il représente un risque de trouble à l'ordre public. Cette mesure est venue compléter l’arsenal répressif anti-ultra qui était jusque-là structuré autour de l'interdiction judiciaire de stade, inscrite au Code pénal en 1993 comme une peine complémentaire à une condamnation après une infraction commise dans une enceinte sportive.

 

"En juillet 2017, j’ai reçu une IAS de 6 mois", témoigne Tom le Stéphanois. 3 mois plus tôt, il faisait partie des 250 supporteurs foréziens ayant violé un huis clos prononcé par la LFP, en occupant les gradins du stade Geoffroy-Guichard lors d’un match face à Rennes. D’habitude, les interdictions administratives de stade sont le plus souvent prononcées pour "usage ou détention d’engins pyrotechniques ou de violences", explique Antoine Mordacq, chef de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme. À l’origine, l’IAS ne pouvait excéder 3 mois, mais avec la loi LOPPSI-2 puis la loi Larrivé de 2016, sa durée maximale est désormais de 24 mois, et 36 en cas de récidive. Début avril, 296 interdictions de stade étaient en vigueur en France, dont 166 administratives et 130 judiciaires. Antoine Mordacq tient à nuancer : "Ces chiffres évoluent. Tous les interdits de stade ne le sont pas 24 mois, mais généralement 3 ou 6."

 

Comme l’énonce le Code du sport, l’IAS sanctionne un comportement d’ensemble ou la commission d’un acte grave. Avant d’être actée, elle doit être soutenue par plusieurs éléments. "C’est souvent un rapport de police, le témoignage d’un stadier, une plainte du club ou la vidéosurveillance », explique l’avocat Pierre Barthélemy. Dans le dossier de Tom, la vidéosurveillance du musée de l’AS Saint-Étienne – par lequel les supporteurs ont pénétré dans l’enceinte pour rejoindre les tribunes et violer le huis clos – a été convoquée. Mais il assure : « Ce n’est pas moi sur la vidéo, mais un ancien président des Green Angels." Un autre avocat défenseur de plusieurs ultras, Thibault Pozzo di Borgo, affirme que les éléments soutenant l’IAS "sont très souvent inexploitables".

 

James, porte-parole de l’Association nationale des supporters (ANS), estime que les ultras sont des victimes collatérales d’un dispositif les englobant malgré eux. Il dénonce les dérives d’une mesure de prévention détournée en mesure de sanction, non pas fondée sur une infraction, mais sur l’identification d’un supporteur " potentiellement" dangereux. "C’est Minority Report : qu’est-ce qu’il a fait ? Rien, mais il pourrait faire quelque chose." L’interdiction de stade s’accompagne d’un pointage au commissariat. Pour Tom, c’était lors de chaque match de Saint-Étienne. "Cela peut aller jusqu’à 54 pointages en dix mois", compte-t-il.

 

Pour Me Pozzo di Borgo, l’IAS « est une atteinte à la liberté d’aller et venir. Mais elle n’est pas considérée comme telle par le Conseil d’État qui estime qu’elle n’est pas une atteinte excessive au regard de l'intérêt protégé ». Initialement, l’interdiction de stade était prononcée en attendant la tenue d’un procès judiciaire. Pour l’avocat Pierre Barthélemy, elle est de plus en plus "dévoyée de cet objet". "Dans certains cas, cette mesure administrative intervient après que le juge judiciaire a relaxé le supporteur ou que le Parquet a classé sans suite."

 

Avant d’être interdit de stade, un supporteur reçoit une  note d’intention de la préfecture. Il a ensuite 6 à 10 jours pour présenter ses observations orales ou écrites à cette dernière. "C’est la procédure contradictoire. Elle permet à l'intéressé de se défendre lors d’une audition", expose le policier Antoine Mordacq. Maître Pozzo di Borgo ne partage pas cet avis : "Les personnes ne sont jamais réellement écoutées. Quand le préfet a décidé de prendre la mesure, il le fait." S’il juge son interdiction illégale, le supporteur peut ensuite saisir le juge administratif pour un recours, non suspensif, une procédure qui prend entre un et deux ans. Un rapport sénatorial de 2016 révélait que deux tiers des interdictions administratives de stade contestées étaient annulées, ce que confirment les avocats spécialistes interrogés. Avec un effet pervers contesté : ces annulations ont lieu alors que le supporteur a déjà effectué son IAS.

 

Pour suspendre immédiatement son interdiction, le supporteur a une autre option : le référé suspension. Pour qu’il soit accepté, il faut qu’il y ait urgence à statuer et des moyens sérieux de contestation. « Or, dans la majorité des cas, le juge estime qu’il n’y a pas d’urgence concernant une personne privée de stade et obligée de se rendre au commissariat à chaque rencontre », regrette Pierre Barthélemy. Récemment, des supporteurs de Saint-Étienne se sont plaints d’une autre restriction de leurs libertés. Après une demande de passeport, un membre des Green Angels s’est vu refuser sa délivrance en septembre 2015. Dans le cadre d’une IAS, rien n’autorise pourtant la préfecture à ne pas remettre son passeport à un individu. "C’est totalement illégal", commente Pierre Barthélemy.

 

Après la violation du huis clos stéphanois, Tom s’est senti victime d’une sanction injustifiée : "Nous n’avons violé aucune loi de la République, mais une décision de la commission de discipline de la Ligue de football professionnel. Elle s’est saisie de l’affaire et n’a poursuivi personne, son règlement ne prévoyant rien en cas de violation d’un huis clos."  Trois mois plus tard, une vingtaine de responsables des groupes ultras Magic Fans et Green Angels sont frappés d’interdictions administratives de stade. Aujourd’hui, cet événement cristallise encore les tensions. "Pourquoi punir les leaders, qui dialoguent avec les différents services du club ?, s’interroge Tom. Même un ancien leader qui n’était pas au stade ce jour-là a été visé."

 

Mahamadou Diarra, qui occupait le poste de directeur de cabinet du préfet de la Loire au moment des faits, est de son côté formel : "Il n’y a pas eu de ciblage. Ils ont été identifiés par les policiers et les référents hooliganisme sur les lieux." Pourtant, dans le dossier d’un Green Angel, un des éléments produits par le préfet devant le tribunal administratif après la violation du huis clos est le procès-verbal d’une assemblée générale du groupe ultra, contenant le nom des membres du conseil d'administration – donc des leaders. Trois des cinq personnes inscrites sur ce document ont écopé d’une IAS. Interrogé, M. Diarra élude : "Je ne peux pas revenir sur les cas individuels."

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