Janot sent de la parano
03/04/2016
Lors de l'intéressante conférence "Supportérisme et intégration économique" qui s'est déroulée mercredi dernier à Saint-Chamond, Jérémie Janot s'est exprimé sans langue de bois. En réponse à une question de l'animateur Polo Breitner, il s'est même permis de glisser un petit tacle à Nanard...
"Quand je suis arrivé au Mans, la première chose qui m'a surpris, c'est qu'il n'y avait jamais personne aux entraînements. Je me suis dit : "tiens, c'est bizarre." A Saint-Etienne, quand tu fais la reprise, il y a 2 000 personnes. Tu vas à l'entraînement, tous les gens, j'en vois même encore ce soir dans la salle, ça fait 19 ans que je les connais. Je regarde les matches aujourd'hui à la télé, je vois des mecs derrière le but que je voyais déjà moi quand je jouais. Il y a cette tradition de supportérisme à Saint-Etienne. Mais c'était aussi une pression. Quand tu jouais et que tu n'avais pas de résultat, tu le sentais. T'as les bons et les mauvais moments. Y'a des gens, on joue à Lorient, t'as le dernier entraînement vendredi après-midi, ils viennent te dire au revoir à l'aéroport. T'arrives à Lorient à l'échauffement, ils sont derrière ton but. Et le dimanche matin, au décrassage à l'Etrat, ils sont là. Toi, en tant que joueur, tu respectes ça. T'es professionnel, tu joues, tu défends un maillot, tu défends une couleur, mais tu défends aussi ces gens-là.
Il y a aussi des moments où c'était tendu, ils sont venus par exemple après des derbies perdus. Une fois on avait perdu 4-0 à Gerland, ils sont venus à 200 à l'Etrat pour nous exprimer leur mécontentement. Ce que j'ai senti chez les supporters stéphanois, pas seulement chez les ultras, c'est ce côté "le club nous appartient." C'est leur club. Nous, les joueurs, on n'est que de passage. Pour eux, ils sont beaucoup plus légitimes que nous, parce que nous, on va jouer deux, trois, quatre ou cinq ans avant de partir. C'est le club d'une région, c'est le club d'une ville. C'est ce qui ressort quand on en parle entre nous. Je suppose que ça dépasse le cadre de Saint-Etienne et de l'ASSE. Dans toutes les grandes villes, dans tous les clubs où il y a une histoire, il y a une relation très forte entre les joueurs et les supporters : Marseille, Lens, Paris… Je ne parle pas de supporters à Lyon parce qu'il n'y en a pas. Mais dans tous les autres clubs il y a cette relation.
Sans langue de bois, à l'intérieur d'un club, il y a tout le temps un peu cette référence : les dirigeants sont là pour diriger, l'entraîneur est là pour entraîner, les joueurs pour jouer et les supporters pour supporter. On me dit que les supporters devraient être associés au choix des maillots, mais dans le foot, il y a du marketing. Aujourd'hui, on connaît tous le maillot n°3. Le maillot third va servir d'expérimentation à un club qui a l'habitude de jouer en bleu, on va essayer de faire un maillot gris ou un maillot rose. Si jamais il se vend en maillot 3, il va passer numéro 2 l'année prochaine avec peut-être, pourquoi pas, s'il y a des ventes... Aujourd'hui, les supporters voient leur club comme un sport ou la représentation de la ville. Mais les gens qui sont à l'intérieur du club voient souvent ça comme une entreprise avec comme seul but le résultat financier à la fin.
Aujourd'hui, les supporters ne représentant que 5% des revenus suite à la billetterie, ils ne sont pas intéressants. C'est malheureux mais c'est comme ça. Si les supporters représentaient 25, 30 ou 40% des revenus, ce ne serait pas pareil. Si les supporters représentaient autant de poids que les droits télé, ce ne serait pas pareil, on les écouterait. Les supporters qui crient "coach démission", ça a rarement d'effet. Par contre une grosse banderole qui passe quatre fois à la télé "coach démission" comme c'est en train de se faire dans un club, l'actionnaire a convoqué aujourd'hui le président délégué pour savoir ce qu'on fait. Alors que ça fait des mois qu'ils le crient dans les tribunes. A partir du moment où ça passe un stade supérieur, il y a atteinte à l'image du club, il y a atteinte à la gestion. On se dit : "il faut couper".
Même nous les joueurs, quand on a quelque chose à dire, on nous remet à notre place. "T'es pas là pour diriger." Alors imaginez quelque chose à l'extérieur du club… Dans un club, il y a une certaine paranoïa, il vit en autarcie. Quand il y a un mauvais résultat, il va dire : "t'as vu, lui, il était content qu'on ait perdu, tu vas voir à la prochaine réunion…" Alors que quand t'as gagné… Ce sont des interprétations complètement paranoïaques mais je l'ai vécu pendant 19 ans dans les clubs ou dans ce que des collègues me racontent dans les clubs. Dans le football, le supporter est dénigré parce qu'on estime qu'il n'a pas de poids financier, tout simplement. Il y a des présidents honnêtes qui dialoguent avec les supporters, qui vont les voir pour des futilités, mais pas pour les questions essentielles.
Quand je vous entends, les supporters seraient pourtant tout à fait aptes à participer. Pourquoi pas avoir un centre de formation ? Moi je suis né à Valenciennes et au moment de rentrer au centre de formation, on préférait prendre des gens de Cannes. Bon, ça a fait mon bonheur car j'ai atterri à Saint-Etienne mais il n'y avait pas cet ancrage local. Résultat, les trois seuls qui sont sortis dans ma génération, c'est Laurent Leroy, qui a été au PSG, Daniel Moreira et moi qui était gardien à Saint-Etienne. A Nantes, je suis sûr que vous militez pour qu'il y ait 75% de la région nantaise au centre de formation et qui peut-être plus tard feront partie du groupe pro. Mais aujourd'hui, c'est malheureux mais c'est ce que je vois, un club c'est une entreprise gérée par des entrepreneurs qui n'ont qu'un souci : la rentabilité. Aujourd'hui, les supporters ne représentent que 5¨% de leur chiffre d'affaires donc ils ont d'autres chats à fouetter. Aujourd'hui, s'ils doivent faire un choix entre les supporters et le marketing qui représente 20%, ils vont toujours choisir le marketing.
Ce qui me fait peur quand j'écoute les projets d'ouverture du capital du club aux supporters, c'est l'instabilité que ça pourrait créer. Imaginons que des supporters entrent au capital d'un club et que vous êtes 18e au bout de trois mois de compétition. Une partie des supporters réclame la tête de l'entraîneur alors qu'il peut y avoir des blessés et que l'on sait que neuf fois sur dix un changement d'entraîneur n'apporte quasiment rien. Comment on gère ? Je redoute une confusion des genres. A partir du moment où on intègre économiquement un supporter dans le club, il ne sera plus effectivement un supporter à part entière mais il ne sera pas non plus un dirigeant qui pourra prendre des décisions. A un moment donné, on va par exemple valoriser à 75% un centre de formation mais il peut y avoir l'exception à l'exception. On peut faire venir un très bon jeune de Croatie qui peut être un futur Espoir. Si à ce moment-là il prend la place d'un jeune stéphanois, ça ne sera pas possible. A un moment donné, il va y avoir des confusions.
Ce qui est très français, c'est qu'à un moment donné les personnes ne restent plus à leur place. Un président ne saura jamais faire un tifo. Un supporter, aussi compétent qu'il est, ne pourra pas présider un club ou être gardien de but. Moi, en tant que gardien, je respectais les supporters, je mouillais le maillot, mais je ne pouvais pas faire ce qu'ils font comme eux ne pouvaient pas faire ce que je fais. On peut être idéaliste en disant qu'on forme tous une famille. Mais à un moment donné, même s'il n'y a pas d'ambiance, on va regarder le match. Les Verts vont à Ajaccio, les supporters stéphanois regardent le match. Pourtant il n'y a pas d'ambiance à Ajaccio. En France, déjà, y'a un problème, c'est les stades. Tant qu'ils ne seront pas rénovés. Bon, c'est vrai qu'avec l'Euro, on va se doter d'outils, même à 50 km d'ici. Mais il y a des stades où il n'y aura jamais d'ambiance. A Laval par exemple.
Pour moi ce n'est pas une honte qu'un supporter ne soit que supporter. Même dans le modèle économique de l'association A la Nantaise. : OK, tu vas lever 1,7 M€. Mais aujourd'hui tu sais très bien que tu peux vendre un joueur qui n'a que dix matches en L1 3M. Au niveau économique, le dirigeant va vite faire la différence. Sachant que tu vas demander de la transparence, tu vas demander des contreparties sur les 1,7 M€. Le dirigeant va se dire : peut-être que je vais avoir une manne financière mais les contreparties sont tellement contraignantes que je préfère mettre un voile là-dessus et le concentrer sur d'autres choses. Si demain il y avait un actionnaire du type Qatar à Saint-Etienne et on gagne tous les titres, ça vous conviendrait oui ou non ? Ceux qui disent oui, levez la main ! Même s'il y a une majorité de non, on n'est pas tous d'accord. Vous voyez, rien que sur une question comme ça, ce n'est pas simple. Imaginez qu'on ait 30% du capital du club, pour définir la politique sportive du club la saison prochaine ce sera compliqué parce qu'on n'est déjà pas d'accord.
J'ai été pendant 19 ans professionnel au poste de gardien de but, et pourtant aujourd'hui je me forme pour être entraîneur de gardien. Je pourrais dire "j'ai joué 19 ans, j'ai plus de 25 000 spécifiques…" Aujourd'hui je vais à Clairefontaine, c'est un mec qui n'a jamais été pro. Je suis arrivé avec Grégory Coupet, on s'est dit : "Il va nous apprendre quoi, lui ?" Première session, on a fait "Oh". J''ai dit "putain, Greg !" On s'est fait tout petit. Pour les supporters, c'est pareil. Je sais qu'il y a beaucoup de supporters qui ont BAC+5, j'en connais. Je connais des Magic que tu vois au match et que tu retrouves en semaine car ils bossent à la banque. De là à devenir quelqu'un avec une vision dans un club... Le sport de haut niveau a une vision à court terme. Il y a deux choses dans une saison : obtenir le maintien le plus vite possible. Les 42 points, c'est la première des préoccupations. Et après, tu te dis, je vais essayer de gratter des places pour avoir des droits télé. La plus grosse hantise d'un club, c'est de descendre, parce que 50% de son budget va être amputé suite à sa relégation. En France, les droits télé ont pris une telle importance que les dirigeants ne réfléchissent même pas aux supporters. Y'a des clubs aujourd'hui qui sont obligés de se couper les bijoux de famille pour vendre leurs meilleurs joueurs chaque année afin d'équilibrer les comptes. Ils savent qu'ils s'affaiblissent.
Polo, tu me dis que le week-end dernier sur Canal Plus, mon ancien président a parlé d'actionnariat populaire, du modèle socios, du modèle allemand sur les 50+1 ? Ce sont des réflexions qui existent. Mais tout ça moi je le croirais le jour où un président viendra après un match où son équipe aura été catastrophique et dira : "Messieurs je m'excuse mais la semaine prochaine, c'est gratuit !" Tu peux le faire ça si tu prends vraiment en considération les supporters. Là, je pourrais le croire. Mais arriver sur un plateau télé et sortir les violons, tout le monde peut le faire… Chaque club à un moment donné se troue. Le PSG qui fête le titre en perdant 2-0 contre Monaco. Pourquoi les actionnaires ne disent pas : "le prochain match, c'est gratuit !" Pourquoi ? Parce que cette réflexion de prise en compte du supporter arrive bien après d'autres considérations économiques. Peut-être que ça pourrait arriver en Allemagne. Mais moi j'y crois pas.
Tu me demandes si ce qu'on impose au mouvement ultra aujourd'hui, ce n'est pas un laboratoire géant de ce qui va se passer pour le reste de la population par la suite. Avant d'intégrer l'organisation de l'Euro 2016, j'étais pareil, je disais : "c'est n'importe quoi !" Sauf qu'aujourd'hui, je suis de l'autre côté de la barrière. Faut bien comprendre qu'aujourd'hui, on ne vit plus dans le même monde avec ce qui s'est passé le 13 novembre et en Belgique. Aujourd'hui, en tant qu'organisateur, on a des responsabilités. Si demain, que ce soit dans une fan zone ou dans un stade, on fait preuve de légèreté, et qu'il se passe quelque chose. Quand il y a 0,1% de chance que ça se passe, de ton côté tu vas te dire : "mais il y a à 99,9% de chance qu'il ne se passe rien", qu'est ce qu'il me casse les pieds pour rester poli. Mais quand t'es de l'autre côté, tu penses au 0,1%. Demain, moi je vais peut-être devoir répondre à ta maman, à ton papa, à ton fils que je n'ai sans doute pas pris la bonne décision. Mets-toi à la place de ces gens-là. Si aujourd'hui il se passe un truc, moi, je vais mettre dix ans à m'endormir. C'est peut-être une solution de facilité quand on dit à un groupe de supporters de ne pas se déplacer, on s'enlève peut-être un problème, je suis d'accord. Mais si on accepte un déplacement et qu'un débile se met au milieu de vous et se fait sauter. Il faut l'intégrer ça, les gars !"

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