Sainté tombe dans le panneau

22/05/2016
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Avant d'adresser ses remerciements à l'Ange Vert et à Nanard, le grand argentier du football français Jean-Claude Darmon raconte son business avec l'ASSE dans son livre mémoires "Au nom du foot" paru le 4 mai dernier aux éditions Fayard.

 

"Exit Bastia, bonjour Saint-Etienne !  Deux ans après l'incursion corse au sommet de l'Europe du foot, je remonte au créneau pour le compte des Verts. Le club présidé par Roger Rocher n'est pourtant pas sous contrat avec moi. Mais il se trouve qu'en cette année 1979, il est le dernier club français encore en course dans une compétition européenne. Tous les autres, et en particulier les miens, ont déjà été éliminés.

 

L'ASSE a terminé à la troisième place du championnat en juin. Il a été automatiquement qualifié pour disputer la Coupe UEFA. L'équipe s'est sortie des deux premiers tours en battant les Polonais de Widzew Lodz puis les Néerlandais du PSV Eindhoven. Les voilà en huitièmes de finale, face au club grec de l'Aris Salonique. Le match aller se déroulera  à Geoffroy-Guichard, le chaudron vert.

 

La rencontre va attirer du monde et des télévisions. Je décide de proposer mes services aux dirigeants stéphanois. Une sorte de pari fou, puisque Roger Rocher ne m'aime pas. En fait, le président stéphanois a deux ennemis absolus, l'OM et le FC Nantes. Or, chaque fois qu'il a eu l'occasion de me croiser, j'étais aux côtés de mon cher club nantais. A mes yeux, je suis un Canari, donc infréquentable.

 

Il en faut plus pour m'arrêter. Mais je préfère tâter le terrain avant de lancer mon offensive. J'appelle mon ami Christian Duraincie, le spécialiste mondial de l'organisation des matches amicaux. Il connaît Rocher mieux que moi. Christian n'hésite pas une seconde : "Bien sûr que tu peux l'appeler, il n'y a pas de problème. Et tiens-moi au courant."

 

Alors je l'appelle. Je me présente. Roger Rocher fait mine de ne pas me connaître. Mais lorsque je lui annonce mon souhait de commercialiser les panneaux du stade pour la rencontre à venir, il réagit illico :

"Darmon, on fait sans vous.

- Oui, mais alors vous allez perdre de l'argent."

Un moment de silence. Je sens une hésitation à l'autre bout du fil. L'argent, c'est le nerf de la guerre pour tous les présidents de club.

"Alors, passez par mon adjoint, Dumas.

- Dumas ? Jamais.

- Pourquoi ?

- Je n'ai pas un bon feeling, je le sens mal.

- Bon, je vous rappelle."

 

Je connais la réputation du dénommé Dumas, l'homme qui s'occupe du marketing des Verts. Il est cul et chemise avec mon principal concurrent, Sport TV, une grosse boîte qui regroupe les régies d'une dizaine de chaînes de télévision publiques en Europe. Evidemment, je suis persuadé d'avoir perdu la main sur cette affaire.

 

Comme promis, je rappelle Christian et lui raconte. Il me dit : "Ne t'inquiète pas, il va te rappeler." Moi, je pense le contraire. Aussi, lorsque le téléphone sonne, quelques secondes plus tard, je suis sûr que c'est lui qui me monte un bateau : "Darmon, qu'est-ce que vous faites demain midi ?"

Sacré Christian. Mais si tu crois que tu vas me piéger comme ça, tu me trompes. Je vais moi aussi t'en sortir une bonne, tiens :

"Eh bien, je déjeune avec vous.

- C'est parfait. Je vous attends à 12h30 à l'aéroport d'Andrézieux-Bouthéon."

Et là, je réalise. J'ai décroché le rendez-vous, et ce n'est pas une blague.

 

Le jour dit, je rencontre le président Roger Rocher et son vice-président. Les deux hommes veulent d'abord savoir pourquoi je refuse de passer par Dumas. Ils se doutent bien qu'il y a quelque chose de pas clair. Mais qu'ils ne comptent pas sur moi. Je fais profil bas, préférant très vite entamer la discussion sur mes propositions concernant les droits de la compétition européenne.

 

Rocher m'explique que l'organisation de ce match doit se décider lundi, et que le marketing sera à l'ordre du jour. Il a besoin de mon offre par écrit. "Pas de problème, Monsieur Rocher. Toutefois, je crains beaucoup les fuites. Aussi, je vous enverrai ma proposition par télex, juste avant la réunion. Je vous appellerai un peu avant de façon à ce que vous alliez en personne récupérer le télex. Vous comparerez alors avec ce que vous offre Sport TV et vous déciderez."

 

Roger Rocher joue le jeu. Mon télex en poche, il ouvre la séance de la commission marketing. L'examen des chiffres se passe de tout commentaire. Je propose une somme deux fois plus élevée au club. Dumas est KO debout. Il tente alors une dernière offensive : "Méfiez-vous, Darmon ne paie pas, tout le monde le sait." Le jour du match, Dumas et ses sbires manquent de foutre en l'air mon dispositif en installant les photographes en rangs serrés devant les panneaux publicitaires. Un coup à déclencher un contentieux de tous les diables avec mes annonceurs. Heureusement, mon directeur technique, Marc Levest, a vu la menace. Il a le temps de placer des cales sous les panneaux afin de les surélever.

 

Ce 28 novembre 1979, l'ASSE bat l'Aris Salonique 4 buts à 1. Le soir de la rencontre, le président Rocher est doublement content. Le club a gagné et les recettes ont dépassé ses espérances. Pour le remercier de m'avoir fait confiance, je décide d'acheter les droits sur les panneaux du match retour, à Thessalonique, et d'offrir au club la moitié des bénéfices de l'opération.

 

J'en profite également pour faire une petite opération de relations publiques. J'invite quelques personnes à assister au match. Je le répète souvent à mes collaborateurs : soigner ses clients, avoir pour eux des attentions que les autres n'ont pas et offrir le meilleur service, c'est la base d'une stratégie commerciale gagnante. Pas à tous les coups. Mais au moins, si l'on perd un contrat, on se dit que l'on a fait le maximum.

 

Mes compagnons d'équipée ne sont pas près d'oublier ce fameux match. Moi non plus, mais pour d'autres raisons. Car à partir de ce moment-là, le président Rocher me fait confiance. Ensemble, nous allons monter plusieurs opérations de promotion de son club. Je ne manque jamais de déjeuner avec lui, lorsque je viens à Saint-Etienne pour voir les matches, et je le croise toujours avec plaisir lors des visites à Paris.

 

En 1982, Roger Rocher "tombera" après la découverte d'une caisse noire qui aura arrosé beaucoup de monde. Ce qui ne changera rien à nos relations. Je lui écrirai d'ailleurs pour le soutenir lors de son incarcération. Je ne renie jamais mon amitié."

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