J'ai pu travailler en 2022 avec une collègue qui traite du commerce. Elle est en contacte avec la CCI pour ses études. Nous avions analysé la situation commerciale de la Métropole à partir de la 10e enquête consommateurs (la 11e était en cours à l'époque, elle s'est finalisée en 2023, et doit permettre d'analyser l'évolution des pratiques post Covid).
Quelques éléments à savoir sur l'enquête consommateurs de la CCI :
L’enquête consommateurs décrypte, au travers de plus de 70 questions très précises, les comportements d’achat de plus de 2 000 foyers de la Loire. Elle constitue un outil d’analyse pour mesurer l’évolution des nouvelles tendances de consommation mais également pour quantifier l’attractivité commerciale des différentes polarités du territoire.
Réalisée par la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne tous les 5 ans, elle porte sur les achats effectivement réalisés par les ménages pour leurs achats alimentaires, non alimentaires et les prestations de services. Cette enquête est effectuée par téléphone et par Internet.
Concernant les données MyTraffic, il me semble mais je n'ai pas pu le vérifier sur internet, que c'est un outil qui utilise la géolocalisation des téléphones portable pour connaitre les allées et venues dans une zone définie (un centre commercial par exemple). Ce que je suis sûr par contre, c'est que Steel comme l'hypercentre de Saint-Etienne (en gros de Carnot à Place du Peuple) sont équipés de bornes de contrôle (filature ?
). Pensez-y quand vous avez les data et la géoloc d'activée : vous êtes suivis et ça rapporte beaucoup aux trackers.
Enfin, en terme de géographie, sans certitude non plus, mais il me semble que le "centre-ville" correspond à tout ce qui est intra boulevard circulaire urbain (donc Centre II en fait parti). La ville dispose d'un travail fin sur les commerces dans l'hypercentre (a minima un suivi annuel) mais pas au delà (plus du coup par coup en fonction des projets urbains dans la ville).
Les réflexions qui me viennent à la lecture de cet article de la ville :
1- Près de 3550 commerces dans toute la ville. La progression est positive. Mais nous ne savons pas si ce sont des "vitrines" en activité. La vacance commerciale est un problème et les élus avaient même communiqué dessus (cf article de If Saint-Etienne
https://www.if-saint-etienne.fr/economi ... de-et-taxe), en signalant qu'il y avait un gros effort fait dans l'hypercentre (mais pas forcément ailleurs).
La nécessaire restructuration de Centre II est signalé et tant mieux également si des résultats positifs se font ressentir.
2- la bonne vitalité des marchés et des Halles. Pour ces dernières, ne pas oublier qu'il y a une sélection de la clientèle par le prix, mais elles fonctionnent très bien.
Lors de la 10e enquête, il était constaté que le montant des dépenses de consommation des ménages dans SEM avait augmenté de 8% entre 2011 et 2017, plus qu'à Lyon ou Clermont par exemple, qui trouvait aussi son explication par un coût du logement plus bas chez nous et donc un potentiel de consommation plus important.
L'activité commerciale était aussi en augmentation sur la même période, surtout le chiffre d'affaire du secteur alimentaire (52% de l'ensemble du CA commercial). A l'inverse, le secteur culture et loisirs voyait son CA baisser assez fortement, en lien avec la montée des achats en ligne.
3- Privilégier Saint-Etienne par les Stéphanois. 64% des dépenses faite dans la ville ce n'est pas non plus extraordinaire quand on sait que 82% du chiffre d'affaire des commerces dans la Métropole est réalisé par les ménages de SEM. Et les apports extérieurs (reste Loire, Haute-Loire, Rhône) au bénéfice de Saint-Etienne et Firminy compensent l'évasion commerciale (principalement vers Givors pour la partie Gier).
4- Steel. Beaucoup ont déjà cité le turnover des enseignes dans ce centre commercial. Apparemment, les loyers y sont chers et pour des secteurs en difficulté (habillement, loisirs et cultures etc.) c'est compliqué. Ensuite, comme le dit Danish, dans les 69% des personnes qui vont au Steel fréquentent aussi le centre-ville, les habitants du centre-ville sont probablement comptés. Et on ne sait pas ce que vont faire les non résidents en centre-ville : ils peuvent poursuivre leurs achats, mais ils peuvent aussi en profiter pour aller visiter la ville, y faire la fête chez des résidents etc. L'enquête le précise t'elle ? Si oui, on ne le sait pas dans cet article. Donc dire que Steel ne concurrence pas le commerce du centre-ville, c'est peut-être un peu rapide comme conclusion. Si on peut imaginer que pour le commerce de restauration, ça peut avoir un apport (visiter, s'arrêter en terrasse etc.), ce n'est pas sûr pour les autres secteurs commerciaux qui sont en concurrence avec les enseignes de Steel ! Si j'osai la comparaison, les équipements publics qu'on ne trouve que dans la ville centre ont aussi leur impact. Par exemple, je suis allé au palais de justice hier, j'ai mangé au resto à Jean Jo après
(l'Alsacien, très bien d'ailleurs).
5- le coup de boost des grands évènements. Encore heureux que ce type d'évènements attirant du monde nationalement et internationalement aient un impact dans le CA des commerces de la ville (encore faut-il se rendre attractif ceci dit).
Enfin, ce que nous avions mis en avant dans notre étude 2022, c'est que les modes de consommation ont changé ces dernières années en lien avec les profils des consommateurs :
- l'émergence des "digital native" ou génération Z, nés après 2000 qui ont grandi avec internet et qui ont intégré dans leurs pratiques le commerce en ligne qui est en forte croissance
- une part de population de plus de 60 ans importante, moins mobile, en recherche de proximité
- une population modeste dont les plus précaires sont contraints de faire des arbitrages dans leur consommation, avec une augmentation des coûts énergétiques (notamment pour les déplacements) et de logements, en plus de l'obligation alimentaire qui est difficilement compressible, la part du budget dédiée aux autres postes de dépenses est plus réduite car non prioritaire. En fait, les tendances de consommation constatées tendaient vers :
-plus de simplification, "moins perte de temps" (ce qui est ressenti dans les hypermarchés notamment)
-des achats plus "responsables" (plus de proximité, de saison, plus qualitatif (profitable aux AMAP pour l'alimentation par exemple)... en fonction des moyens bien évidemment.
Tout cela tend à favoriser les petits commerces de proximité d'où la logique du développement des indépendants dans l'hypercentre et de celles du point 2 et 3 de l'article de la ville.
-des achats plus connectés avec le développement du e-commerce, du click and collect et des drives. La recherche du meilleur prix, de la rapidité de disposition du produit et de sa livraison favorisent ce type de consommation... qui défidélise les clients. Encore un coup pour les hyper ou les grandes zones d'activités commerciales comme... Steel s'il n'y a pas de stratégie d'adaptation des enseignes qui y sont présentes ?
Le monde est trop sérieux, les problèmes trop nombreux pour, en plus, rendre le football chiant. Jürgen Klopp