Latornade a écrit : ↑08 avr. 2020, 21:23
Extrait d’une tribune de Jean-Louis Thiériot est notamment l’auteur de Stauffenberg (Perrin, 2009). Il est également avocatet député LR de Seine-et-Marne.
C’est pas pour enflammer le débat mais je m’étais sacrément fait envoyer sur les roses quand j’avais émis l’idée que le problème n’était pas forcément que financier.
Il y a peut-être des pistes évidentes à prendre chez nos voisins.
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L’Allemagne ne consacre pas plus d’argent public à son système de santé que la France. Si le coronavirus a fait cinq fois moins de victimes chez nos voisins à ce jour, c’est grâce à une organisation plus souple et pragmatique.
Avant la crise, le pays disposait de 28.000 lits de réanimation, contre 5000 en France. Aujourd’hui, il a été capable de porter sa capacité à 40.000, alors que nous essayons péniblement d’atteindre les 14.000. Il ne manque pas de masques et parvient à réaliser 70.000 tests par jour (contre 12.000 en France).
La qualité du système de santé allemand ne résulte pas de dépenses de santé supérieures. D’après l’OCDE, la part du PIB allemand consacré à la santé est de 11,25% contre 11,3% en France. La ressource étant comparable, c’est dans l’organisation qu’il faut rechercher les causes.
La principale raison est la gestion du système de santé et de la carte hospitalière parles Länder. Le ministère fédéral est en charge des règles générales régissant l’assurance maladie et des grandes orientations de santé publique. Mais c’est au niveau local, du ministre-président du Land et de son ministre des affaires sociales que se prennent les décisions concrètes d’investissement et d’allocations des moyens. L’ouverture ou la fermeture d’un établissement hospitalier est directement du ressort de l’échelon de proximité.
La décentralisation effective avec sanction électorale à la clef est le facteur déterminant de l’efficacité allemande.
Ce circuit décisionnel court a le mérite de réduire le poids de la technostructure. En Allemagne, il n’y a que 24,3% des personnels hospitaliers à assumer des missions administratives, contre 35,2% en France. Sur une fonction publique hospitalière française, forte de 1,2 million d’agents, ces 9 points de différence représenterait 100.000 soignants de plus…
La réforme Aubry aurait dû s’accompagner de la création de 37.000 postes. Faute de moyens budgétaires, 10.000 d’entre eux n’ont pas été pourvus et l’AP-HP croule sous les RTT qui déstructurent les services. En Allemagne, les salariés sont sous un régime de droit privé, travaillent 40 heures, mais bénéficient de salaires nettement plus élevés, au moins 20% de plus. Marque s’il en est de la considération apportée à ces fonctions humaines si essentielles, la rémunération des infirmières est de 13% supérieur au salaire moyen, alors qu’il est en France inférieur de 5%.
la démographie médicale y est infiniment meilleure,avec 4,3 médecins pour 1000 habitants (3,4 en France). C’est d’autant plus efficace que la culture du partenariat public-privé, du Sozialpartnerschaft, fait des médecins libéraux des acteurs à part entière des politiques de santé.
Enfin, pour répondre au défi spécifique de la crise du coronavirus, l’Allemagne peut s’appuyer sur sa base industrielle et technologique, sur les PME et les ETI qui sont au cœur de son dynamisme. Elle dispose encore d’une industrie chimique puissante, capable de produire en masse des réactifs. Sa plasturgie a modifié ses chaînes pour assurer un approvisionnement efficace en charlottes et surblouses. La société Dräger sera capable de livrer en deux semaines 10.000 respirateurs. Autant d’éléments stratégiques globaux qui permettent de regarder avec une certaine sérénité la vague qui monte.
on peut d’ores et déjà en tirer des leçons. Les maîtres mots devront être décentralisation et débureaucratisation.
La chasse aux doublons, aux organigrammes compliqués devra être impitoyable, avec priorité absolue donnée aux soignants.
L’exemple allemand est la preuve que l’efficience d’un système ne dépend pas seulement des moyens. Il dépend d’abord d’une organisation, d’un état d’esprit et d’une autorité bien calibrée, au bon niveau. Sans nos héros en blouse blanche qui sont montés courageusement au front, même mal équipés, notre système de santé, prétendument «le meilleur du monde», aurait totalement failli.