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"L’ami(e) qui soigne et guérit
La folie qui m’accompagne

Et jamais ne m’a trahi…"
J. Higelin - Champagne (1979)


La fiche du match
Mardi 14 juin 1977 - Coupe de France - Stade Geoffroy-Guichard
Demi-finale retour: ASSE 5-1 Nantes (ap)
Spectateurs: 32.961 - Arbitre: M. Kitabdjian

Buteurs: P. Revelli (6e), Bathenay (32e), Santini (44e), Sarramagna (115e) et H. Revelli (119e) pour l'ASSE. Michel (93e) pour Nantes

ASSE: Curkovic - Merchadier - Piazza - Lopez - Farison - Janvion - Santini - Bathenay - Rocheteau - P. Revelli - H. Revelli. Entraîneur: Robert Herbin
NANTES: Bertrand-Demanes - Denoueix - Rio - Michel - Bossis - Muller - Tusseau - Sahnoun - Baronchelli - Pécout - Amisse. Entraîneur: Jean Vincent


Le contexte du match
Le 13 février 1977, jour post-apocalyptique où j’atteignis enfin l’âge de raison… soi-disant !
"Féliz Cumpléano, hijo quérido ! Ton cadeau pour tes 13 ans !" me lança la Mama avec des yeux emplis d’amour en me tendant un petit paquet entouré d’un ruban couleur-tendresse.

Je déchiquetai fébrilement l’emballage et fut submergé d’une joie indescriptible en découvrant ce qu’il contenait: un petit transistor rouge sang qui me permettrait non seulement de me faire ma propre éducation musicale en écoutant, tard le soir, très tard des archanges de bon goût comme Jean-Louis Foulquier & Francis Zégut … MAIS SURTOUT DE POUVOIR ENFIN SUIVRE LES MULTIPLEX FOOT sur les ondes nationales !!!!!!!!! 

Et chaque samedi soir, le même rituel: un énorme sandwich en guise de repas, un sac de piles R6, le Carnet du Supporter et mes stylos bleu & vert à portée de main.
Enfermé dans ma chambre, je suivais avec gourmandise le déroulement de chaque journée de championnat et notais scrupuleusement les noms des buteurs, les minutes et les scores des matchs…

En ce temps-là, mon cœur battait pavillon Vert-Manufrance et toute confrontation "amicale" avec les Canaris nantais me métamorphosait en affreux raminagrobis sylvestréen que la seule vue du jaune horripilait au plus haut point.
C’est comme çà ! NA !!!

Le championnat tirait à sa fin. Les Verts n’avaient plus que la Coupe de France pour sauver leur saison (trop distancés pour le titre, éliminés par "Mighty Mousse" et ses acolytes de Liverpool en Coupe d’Europe (Ah ce but de Bathenay à Anfield…).
L’ASSE était qualifiée pour les demi-finales (au même titre que Reims, Nice… et les autres, là). Et ce satané tirage au sort délivra une finale avant la lettre, celle que tout le monde espérait et attendait avec délectation pour l’appel du 18 juin au Parc des Princes: NANTES-ASSE !!!!


Au match aller, le FCN ne fait qu'une bouchée de l'ASSE

Déjà, début juin, ils m’avaient bien chauffés les Jaunes ! Une victoire nette et sans bavure de Nantes: 3-0 en championnat avec but de Rio sur penalty puis Baronchelli et Shanoun… M’énervent ceux-là…
10 jours après, match aller à Marcel-Saupin… et bis-répétita !!!!!!!! Et merde !!!!!!!
Encore 2 buts de Rio sur penalties accompagné d’un CSC de Lopez… Manquait plus que çà …

14 juin 1977: match retour à Geoffroy-Guichard, on allait voir ce qu’on allait voir, bon sang !


Le programme du match

Les faits du match
J’étais dans un état de paroxysme absolu. Chaud comme la braise… à faire venir un exorciste.
"DEFENSE ABSOLUE DE VENIR ME DERANGER" avais-je affiché sur la porte de ma chambre.
Ahhhhhhhhhhhhhhhh… dès le début du match, je crus mourir… Pécout avait marqué… mais mais… mais l’arbitre, Monsieur Kitabdjian refusa le but pour un hors-jeu de Baronchelli.
BIEN FAIT !!!!!! Gnark gnark gnark…


Dominique Rocheteau poursuivi par Henri Michel

Juste après, Patrick Revelli ouvrait la marque, vite imité par Bathenay et Santini
Incroyable mais vrai, à la mi-temps, les Verts de mon enfance avaient rattrapé leur retard.

En seconde, chaque équipe joua prudemment, ne voulant surtout pas s’exposer aux contres meurtriers de son adversaire. 
La prolongation arrive. Mon état empire de plus en plus. Mon cœur bat la chamade. Mon rythme cardiaque s’accélère. Dernière balise avant mutation. Et je devins l’homme abstrait à cheval sur Neptune…


Bertrand-Demanes est mis sous pression par Hervé Revelli

D’entrée, je mourus ! 
Henri Michel marqua sur coup-franc. Ce but me pétrifia, me cloua littéralement au sol. 
Bref, je disparut de la surface de la terre avant même de connaître mes premiers émois amoureux… Chienne de vie… Fait chier…

Seule cette voix (Pierre Loctin ?? Guy Kédia ??) radiophonique sortant de mon petit transistor me ramena au réel pour m’annoncer l’entrée en jeu immédiate de Sarramagna en lieu et place de Santini.


Felix Lacuesta s'infiltre dans le camp nantais

On s’achemine vers la fin des prolongations lorsque le commentateur hurle que Sarra’ vient d’ajouter un 4e but pour les Verts.
Cela ne déclenche aucune réaction de ma part… si ce n’est un "Ouais, bon, une belle victoire pour l’honneur, ce ne sera pas suffisant, putain de but à l’extérieur etc…etc…"
L’envie me prend d’aller pisser. Je quitte mon antre. Je satisfais à mes besoins physiologiques.

Je retourne dans mon monde… et là, j’entend hurler cette voix enrouée, électrifiée, cassée venant de ce petit objet rouge posé nonchalamment sur mon lit: "Et c’est le cinquième but, marqué par Hervé Revelli d’une tête arrière dans la lucarne de Bertrand-Demanes… St-Étienne vient de réussir le coup de Split… Les Nantais sont abasourdis… L’arbitre siffle la fin du match … Les Verts sont qualifiés pour la finale de Coupe de France…"

Un trop plein de testostérone m’envahit et je pousse un cri primal d’adolescent pré pubère.
" - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - "
A toi, cher lecteur de mes inepties translucides d’apposer le cri guttural qui te sied le mieux à la place des pointillés…

Sur ce, mes parents surgirent à ce moment-là dans ma chambre, juste au moment, où fou de joie (doux euphémisme), je projetai le petit transistor rouge au plafond maculé d’affiches de Téléphone et autres Burning Spear…
Une pluie fine de pièces miniatures métalliques composant le dit objet retomba au sol sous le regard effaré de mes géniteurs consternifiés à souhait par ma conduite marqué du sceau triangulaire du triple 6 de l’hérétique de service que j’étais alors…

A compter de ce moment, je pris conscience de ce qu’allait être mon futur.
Et pour la nuit des temps, je devins fou…

José Mendizabal
http://footnostalgie.free.fr/


Un autre résumé du match est disponible sur le site de l'INA

Le Saviez-vous ?
- En finale, les Verts retrouveront le Stade de Reims, vainqueur de Nice et double vainqueur de la Coupe. Ils s'imposeront 2-1 (buts de Bathenay et Merchadier) au terme d'un autre match épique et remporteront leur 6e et dernière Coupe de France

- Pour en arriver là, les Verts avaient dû se débarrasser d'Alès (D3), d'Auxerre (D2), de Rouen (D2), et de Sochaux (D1), à chaque fois en deux matches (sauf contre Alès).

- Le FC Nantes, grand rival de l'ASSE à cette époque, a l'habitude des raclées en Coupe de France. Déjà battus 5-0 en finale en 1970, les Canaris subissent un second gros revers inattendu ce soir-là. Ils sont néanmoins champions de France au moment de pénétrer sur la pelouse, le championnat s'étant terminé la semaine précédente.

- Le grand Max Bossis est titulaire en défense du côté du FC Nantes. Il entraînera brièvement l'ASSE durant un intérim d'un seul match en 1996 face à l'OL avant de céder sa place à Dominique Bathenay.

- Le gardien nantais Bertrand-Demanes n'est autre, à cette époque, que le gardien de l'équipe de France, ce qui ajoute encore plus à l'exploit de lui inscrire 5 buts. Parmi les joueurs du FC Nantes, on retrouve également deux futurs entraîneurs: Reynald Denoueix et Loïc Amisse. Henri Michel, bien que très voyageur, n'a quant à lui jamais coaché son ancien club.