La défaite à Montpellier est la première cette saison qui intervient après une ouverture de score des Verts. Comment a-t-on fait pour perdre un match qui semblait pourtant à notre portée, surtout en menant 1-0 à la pause ?


Galtier a été très clair en conférence de presse avant Lorient, le système utilisé par les Verts depuis mi-janvier sera utilisé pour le reste de la saison, peu importe les joueurs disponibles, peu importe le système de l'adversaire. C'est une bonne chose, même si le rendement du système dépend bien évidemment du niveau, du profil et de l'état de forme des joueurs qui l'appliquent. Et contre Montpellier, les ingrédients nécessaires pour une bonne défense en 4-4-2 n'étaient pas réunis. Difficile à dire si c'est une question de fatigue (un match à Manchester 3 jours plus tôt), d'envie (un match contre Manchester 3 jours plus tard), mais on a pu assister à un bel exemple de ce qu'un 4-4-2 mal exécuté peu donner.
 
Le système, sans sentinelle entre les lignes, réside dans la capacité du premier rideau de 4 de couper les angles des passes, mais aussi dans la distance entre les deux lignes de 4. On parle souvent de bloc compact - plus c'est le cas, plus c'est difficile pour l'adversaire de s'y retrouver à l'intérieur. On ne peut pas en même temps défendre bas et faire un pressing haut - le bloc serait trop étiré. Et les Verts en ont été le meilleur exemple dimanche dernier.
 
 

La faille entre les lignes

 
L'espace dans le bloc stéphanois a été visible dès le début du match, comme par exemple à la 4ème minute :
 
 
On voit bien les deux lignes de 4 et le joueur qui s'est positionné entre (dans ce cas un ailier à la place du "10" qui était sur l'aile). L'espace entre les lignes n'est pas énorme, les angles de passes sont plutôt bien coupés. Alors les adversaires gardent un peu le ballon en dehors du bloc, le rideau des milieux monte pour les presser, mais le rideau des défenseurs reste bas :
 
 
Il n'y a que Malcuit qui quitte sa ligne pour monter et serrer un peu le joueur entre les lignes, mais il se fait aspirer dans le couloir par l'appel du latéral adverse, laissant ainsi un joueur complètement démarqué, loin de tout adversaire, qui reçoit naturellement le ballon. Ce genre de situation a été visible plusieurs fois pendant la première période et on est entré aux vestiaires sans encaisser de but grâce à la maladresse des joueurs de Montpellier, qui, même quand ils se trouvaient entre les lignes, n'arrivaient pas à transformer le décalage dans une situation franche.
 
 
Cette faiblesse défensive stéphanoise, ce mauvais positionnement du bloc, ont été clairement identifiés par le coach adverse qui a opéré un changement à la pause. Il a fait entrer un deuxième attaquant - au fait, un milieu relayeur qui avait comme but de se projeter très haut, sur la défense centrale. Le but? Avoir 4 attaquants sur 4 défenseurs, loin de tout milieu qui peut les aider - s'ils parvient à leur donner le ballon, la défense est en difficulté. Ça a marché, et même très bien et très vite, à la 49ème une attaque de Montpellier ne passe par sur notre côté gauche, alors ils reviennent vers leur défense :
 

 

Le positionnement à ce moment de l'action de nos deux lignes défensives est marqué par les lignes blanches. Les milieux montent pour attendre l'attaque plus haut, lors de la ligne médiane et Selnaes se retourne et demande aux défenseurs de faire pareil :

 

 
La ligne des milieux a ainsi avancé d'une bonne dizaine des mètres, mais pas celle des défenseurs, qu'on ne voit même pas à l'écran :
 


On voit 6 Stéphanois pour 6 adversaires, ce qui veut dire que c'est une situation de 4 contre 4 en défense - un long ballon peut amener le danger : 

 
La ligne des milieux avait avancé, maintenant elle doit reculer pour revenir au moins à la hauteur initiale. Celle des défenseurs n'est pas montée, elle a même reculé un peu. L'espace dans le bloc est tellement grand que l'avant-centre adverse se permet de faire un mauvais contrôle sur plusieurs mètres et récupérer le ballon sans être gêné. Il s'appuie sur un milieu central qui envoie le jeu à notre gauche : 
 
 
 
Tous les adversaires se projettent vers l'avant, mais nos milieux ont encore du retard, ils partent de trop loin. Ce qui laisse notre défense en déséquilibre, il n'y a pas de surnombre : deux ailiers qui combinent dans le couloir, pris par Pogba et Lacroix, un avant-centre et un milieu relayeur très offensif pour KTC et Malcuit. 
 
 
Sauf que l'avant-centre fait le bon appel, prenant KTC et Malcuit sur lui et laissant le milieu bien démarqué pour une passe en retrait et une égalisation logique. Les milieux n'ont tout simplement pas pu aider la défense...
 
Une petite explication du rôle du milieu relayeur adverse. En ce qui concerne la dynamique verticale de la ligne des défenseurs, il y a plusieurs possibilités. Un avant-centre qui décroche, si la défense le suit, la ligne défensive monte. Un "10" entre les lignes ne cherche pas à faire monter ou descendre la ligne, juste à trouver de l'espace. Mais un relayeur qui se projette haut fait reculer la ligne défensive - vu d'où il part, il n'est pas hors jeu et il doit être suivi par la défense. Dans notre cas, même si la défense veut monter pour suivre le milieu, en mettant éventuellement hors jeu les attaquants, l'appel en profondeur du milieu l'oblige à reculer. C'est donc à la ligne des milieux de s'adapter et ne pas monter trop haut dans ce cas. Ce manque de communication entre les lignes nous a été fatal lors de cette deuxième période à Montpellier. Dans l'exemple précédent, on voit le milieu adverse dans le rond central dans la première image et dans le dos de Malcuit 13 secondes plus tard (4ème image) - son appel a créé l'espace entre les lignes et on n'a pas su s'adapter.
 
 
 

La suite

 
Seulement 3 minutes plus tard Jorginho est sévèrement expulsé et avec un homme en moins, un match intense 3 jours plus tôt dans les jambes et un autre pareil 3 jours plus tard dans les têtes, c'était mission impossible. Les Stéphanois ont essayé de tenir en 4-4-1 (Saivet glissant en excentré et Roux tout seul devant), mais ils n'ont pas réussi à le faire longtemps. Menés 2-1, un changement offensif avec les entrées de Hamouma et Beric et un passage en 4-3-2 aurait pu être une solution, mais les deux entrants n'ont pas trop touché le ballon :
 
 
Les points bleus sont les endroits où Hamouma et Beric (réunis) ont touché le ballon pendant les 19 minutes (temps additionnel compris) qu'ils ont passé sur le terrain - en attaquant de droite à gauche, selon whoscored.com. Peu, très peu, pour espérer de revenir au score.
 
Ce match a été perdu tactiquement, pas forcément par un mauvais choix tactique, mais plus par une mauvaise application par les joueurs présents. Le coach adverse a vu la faille et en a profité - il est probable que Galtier l'a vu aussi et a demandé aux joueurs de la corriger, mais en vain. Lors de la première période à Old Trafford, Manchester United a joué exactement comme Montpellier l'a fait en début de la deuxième période, avec un milieu relayeur très haut, sur notre défense (Fellani). Et on a bien défendu, en étant souvent à la récupération, sur les deuxièmes ballons, grâce à des milieux près de leurs défenseurs. En changeant seulement 3 joueurs entre les deux matchs, un par ligne (Lacroix pour Perrin, Selnaes pour Pajot et Roux pour Hamouma), malgré la différence de niveau de l'adversaire, on a rendu une copie défensive complètement différente. Ce qui n'est pas très rassurant pour la suite de la saison, même si avec des matchs plus espacés, le besoin d'une rotation de joueurs sera moins présent.
 
 
 
 
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