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Rares sont les matchs où tout vous réussit. A fortiori dans un derby. C’est pourtant ce genre de soirée parfaite que vont connaître les Stéphanois en banlieue, entre poteaux, sauvetages sur la ligne et coup-franc d’anthologie...


La feuille de match

Samedi 25 septembre 2010 - Championnat de France de L1 - Stade Gerland
7e journée: OL 0-1 ASSE
Spectateurs: 39408 - Arbitre: A. Gautier

Buteur : Dimitri Payet (75e) pour l'ASSE

OL: H. Lloris - A. Reveillère, P. Diakhaté, D. Lovren, A. Cissokho - J. Toulalan, K. Kallstrom, Y. Gourcuff (M. Pjanic 82e), M. Bastos - B. Gomis, J. Briand (J. Pied 87e). Entraîneur: Claude Puel
ASSE: J. Janot - A. Ebondo, S. Marchal, S. Monsoreau, C. Bocanegra - L. Batlles (J. Guilavogui 72e), B. Matuidi, L. Perrin, B. Sako (G. Bergessio 69e), D. Payet (C. Landrin 88e) - E. Rivière. Entraîneur: Christophe Galtier

Expulsion: R. Vercoutre (90e) pour l'OL

L'avant-match
Les Verts débutent ce 100e Derby devant les Lyonnais au classement. Avec 4 victoires, 1 nul et 1 seule défaite (au Parc des Princes lors de la 1ère journée), les Stéphanois sont 2e au coup d’envoi de cette rencontre de la 7e journée de L1. Les Vilains, eux, sont 18e et relégables au moment de débuter la rencontre avec 5 points pris en 6 journées.
La semaine précédant ce derby, les Verts ont ravi la tête du classement pour la première fois depuis 29 ans et leur victoire sur Montpellier (3-0). Auteur d’un doublé, Dimitri Payet est devenu le meilleur buteur de la L1 avec 6 buts en 6 matchs.

La dernière victoire des stéphanois dans un Derby remonte alors au 5 avril 1994 (3-0, but de Despeyroux et doublé de Mendy). Depuis, les Verts ont enchaîné 21 matchs sans victoires face au voisin (20 en L1, 1 en Coupe de France, 11 défaites, 10 matchs nuls) étalés sur une (trop) longue période de 16 ans 5 mois et 20 jours. A Gerland, la dernière victoire remonte au 26 février 1993 (0-2, buts de Passi et Kastendeuch)

Dans le bus qui mène ses joueurs à Gerland, Christophe Galtier innove en passant une vidéo du vidéaste Jolan42. Christophe Landrin se souvient: "C’était nouveau. Le film n’était pas très long, peut-être 5 minutes. Mais cela a suffi à nous donner la chair de poule. Après avoir vu cette vidéo, on s’est senti redevable vis-à-vis de toute une région. On était tous rassemblé autour de la même cause. J’en ai encore des frissons quand j’en reparle aujourd’hui. Ça a été le jackpot. Le coach a touché tout le monde"

Le matin du match, l’Équipe titre une question qui appelait une réponse facile…

Les faits du match
Jean-Michel Aulas a mis la pression sur son entraîneur avant la rencontre, Puel est "menaçable mais pas menacé" par ses 5 points pris en 6 matchs. Le coach lyonnais, privé de Lisandro Lopez (blessé) fait confiance à Bafé Gomis en pointe et titularise à nouveau sa nouvelle recrue Yoann Gourcuff au cœur d’un 433 avec Kallström et Toulalan. En face, les Verts se présentent en 433 avec un trident Perrin-Matuidi-Batlles au milieu et Rivière en pointe.

Après un rapide round d’observation, l’OL va prendre les commandes de la partie. A la 12e minute, Cissokho est trouvé côté gauche par Bastos, son centre est repris par Gomis dont la tête s’écrase sur le poteau droit de Janot. Les Verts souffrent et après avoir vu une frappe de Briand passer au-dessus de la cage 5 minutes plus tard, ils vont à nouveau trembler sur corner à la 24e minute. Toulalan prend le dessus sur Bocanegra, décroise sa tête qui file vers la lucarne d’un Janot battu, mais c’est Dimitri Payet qui empêche le ballon de rentrer en écartant le ballon du bout du crâne. Un avant-goût de la performance XXL du feu follet stéphanois.

Payet et Gomis, coéquipiers hier, adversaires désormais (photo Progrès)

A la demi-heure de jeu, les assauts lyonnais sont de plus en plus nombreux: sur une action bien construite, Bastos se heurte au réflexe de Janot. Le portier permet aux siens d’atteindre la mi-temps sans encaisser de but.  Un quasi-exploit au vu de la domination lyonnaise.

Les 15 minutes de pause n’ont semble-t-il pas aidé les Stéphanois à se libérer dans cette partie. Ils continuent de subir et de laisser la balle aux Lyonnais. A la 55e minute, sur une balle qui traîne dans la surface au retour d’un corner, la frappe de Lovren est contrée par Perrin, le capitaine s’interpose et touche le ballon de la main en se protégeant. L’arbitre ne siffle pas pénalty et cette douce époque sans assistance vidéo permet aux Verts de déroger au fameux "pénalty pour Lyon".

Nouveau coup du sort à la 63e minute, les Verts n’arrivent plus à se dégager et renvoient les ballons comme ils le peuvent. Sur l’un d’eux, Toulalan à 25 mètres s’essaie à une frappe fusante mais celle-ci s’écrase sur le poteau droit d’un Janot un peu court. L’ancien Nantais ne marquera pas ce soir-là (et finalement jamais) son premier but en L1 avec Lyon.
A peine le ballon relancé des pieds verts qu’il est déjà dans ceux des Lyonnais. Moins de 40 secondes après la frappe de Toulalan, le centre de Cissokho est repris par Bastos qui devance Janot et Monsoreau, mais sa tête s’écrase sur la barre transversale. "La chance a changé de camp" hurle Christophe Josse aux commentaires. Il n’a encore rien vu !

Les Verts, tellement maudits ces dernières années lors des Derbys, qui ont vu tant de frappes repoussées par les montants, de buts encaissés dans les arrêts de jeu, de pénalties litigieux sifflés pour les Gones, de buts refusés pour hors-jeu inexistant ou au contraire encaissés malgré un hors-jeu flagrant, vont en effet voir toute cette poisse expurgée lors de ce match. Illustration nouvelle à la 73e minute lorsque Kallström d’un astucieux ballon piqué lance Gomis qui marque d’une belle reprise du gauche. Mais son but est refusé pour une position de hors-jeu... bien réelle !


Janot doit sortir le grand jeu dans les airs (photo le Progrès)

Sur le dégagement de Janot, ce Derby va connaître un twist inattendu et qui fait depuis le régal des conteurs d’histoires vertes au coin du feu. Au duel avec Bergessio, Diakhaté dévie le ballon de la tête, qui est récupéré par Rivière. Sa remise en retrait tombe sur Payet qui enchaîne deux crochets et transmet à Loïc Perrin à une trentaine de mètres des buts. Le capitaine des Verts veut écarter côté droit mais s’écroule fauché par Kallström. Au ralenti, le Suédois tacle bien le ballon mais son coude vient heurter le mollet de Perrin. Après un dixième de seconde d’hésitation, M. Gautier siffle coup-franc pour les Verts qui vont enfin pouvoir souffler quelques secondes. Fou de rage, Dejan Lovren est averti mais le tireur stéphanois n’en a cure. Dimitri Payet prépare déjà son ballon. Il l’a saisi, rempli du souvenir de ce coup-franc expédié pleine lucarne une semaine plus tôt contre Montpellier. Cette fois, le coup de pied arrêté est à 26 mètres, côté droit de la surface de réparation lyonnaise, face aux Bad Gones. On s’attend plutôt à voir tirer un gaucher, Batlles peut-être ? Mais Payet marche sur l’eau depuis le début de saison. 6 matchs et 6 buts, jamais il n’a réussi un tel démarrage en vert.

Il est 22h33 à Gerland, la 75e minute commence juste et M. Gautier siffle le départ de la course d’élan du Réunionnais. On a vu à l’écran son regard concentré, fixé sur le paquet de joueurs dans la surface. A cette heure, rares sont ceux qui imaginent Payet frapper directement au but. Ni les spectateurs, ni les commentateurs. Peut-être que lui-même ne le sait pas.
Sa course d’élan est rapide, nette. Sa prise de balle sublime. Le cuir s’élève au-dessus du mur, le contourne par la droite. Le ballon s’élève haut. Très haut pour un coup-franc à cette distance. On le croit même parti trop haut mais c’est alors qu’il redescend magistralement au bon moment et - surtout - au bon endroit. Hugo Lloris est masqué par son mur et cela le condamne à un retard irrattrapable. Payet a placé son ballon trop haut, trop fort. Malgré son plongeon et un bras gauche en pleine extension, Lloris est emporté par la vitesse du boulet de canon. Comme ravagé par la frappe du Tigre dans Olive et Tom, le gardien lyonnais s’écroule, emporté dans ses propres filets tandis que le cuir a du mal à s’arrêter de tourner et ressort du but avec malice (0-1, 75e)

"Coup de tonnerre ici à Gerland ! Lyon n’a pas su profiter de ses innombrables occasions !" Christophe Josse jubile. Toute une ville jubile. La France entière jubile !
Mais tout bon supporter stéphanois aura noté qu’il reste 15 min dans le temps réglementaire et des arrêts de jeu qui s’annoncent déjà interminables.
Lyon jette toutes ses forces dans ce quart d’heure. Les corners se succèdent sur le but de Janot. A la 82e, Gourcuff en tire un sortant qui trouve la tête décroisée de Briand. Janot est battu, le ballon file vers le petit filet mais c’est une nouvelle fois le héros du soir, Dimitri Payet qui dégage cette balle sur sa ligne de son pied droit béni. Trois poteaux, deux sauvetages in-extremis, les Verts ont la baraka ce samedi soir.

Les dernières minutes ressemblent à un siège: les Stéphanois ne touchent presque plus le ballon et les Lyonnais n’arrivent plus à se réinventer pour égaliser. Malgré les entrées de Pjanic et Pied, rien n’y fait. Une simulation grotesque de ce dernier amène un dernier frisson sur la cage de Janot, mais le mur boitillant renvoie le ballon alors qu’il ne reste que 20 secondes à jouer dans le temps additionnel. Josuha Guilavogui souffre de la cheville, Loïc Perrin est également blessé, Laurent Batlles est groggy… les Stéphanois finissent cette rencontre décimés. A 10 secondes de la fin, Bocanegra récupère le ballon sur une touche et lance Landrin. Son ouverture pour Bergessio est millimétrée, la défense lyonnaise est aux abonnés absents. L’attaquant argentin parvient à trouver Emmanuel Rivière seul dans la surface mais le ballon piqué du Martiniquais passe à côté du but de Lloris. Le portier lyonnais aura beau se dépêcher de dégager, les 5 minutes de temps additionnel sont écoulées, M. Gautier siffle la fin du match dans un Gerland qui a sorti les banderoles "Puel démission". 

Le banc stéphanois hurle sa joie tout comme les 2000 supporters des Verts présents à Gerland. Alain Blachon profite même de cet instant pour embrasser Christophe Galtier sur la bouche. Une envie partagée par tout le peuple vert à cet instant: "J’étais tellement heureux à la fin du match que je l’ai eu par surprise !" déclarera Blache quelques années plus tard...

Le Saviez-vous ?
-  A l’issue de ce match, les Verts sont à nouveau leader de la L1, Lyon reste 18e et relégable. Mais les Stéphanois auront néanmoins du mal à se remettre de cette victoire en banlieue: ils ne remporteront plus un seul match de L1 jusqu’au 12 décembre et finiront 10e. A l’inverse, les Lyonnais enchaineront 13 matchs sans défaite en L1 et achèveront l'exercice 2010-11 à la 3e place, à 12 points du champion lillois.

- Avec cette nouvelle défaite contre l'ennemi héréditaire, Claude Puel est encore plus fragilisé sur le banc de l'OL. Les ultras lyonnais demandant son départ, Jean-Michel Aulas viendra les voir après le match et déclarera au mégaphone cette phrase restée célèbre: "Nous avons perdu contre Saint-Étienne pour la première fois depuis seize ans. Nous jouons en Ligue des champions alors que les Stéphanois la disputent sur Playstation"

- Le lendemain, L’Équipe répondra à sa question en une d’avant-match par une nouvelle couverture restée célèbre:

- Les Stéphanois retrouvent ce soir-là deux anciens de la maison verte, Pape Diakhaté qui avait participé à l’opération maintien la saison passée avec son prêt de 6 mois en provenance du Dynamo Kiev, et Bafétimbi Gomis transféré pour 15M€ à l’été 2009. Les Lyonnais retrouvent, eux, Sylvain Monsoreau qui a porté les vilaines couleurs en 2005-06, et Christophe Galtier, ex-adjoint d’Alain Perrin en 2007-08. Claude Puel, lui, entraînera l’ASSE à partir d'octobre 2019 et remportera son premier match contre … l’OL (1-0).

- En interview d’après-match, Jérémie Janot aura cette formule: "Sur 100 derbys, Sainté a plus de victoires, plus de titres, plus de victoires en Coupe donc Sainté est devant Lyon"

- Au match retour, le scenario sera bien différents: les Verts prendront le bouillon à domicile (1-4, le 12 février 2011) malgré l’ouverture du score de Carlos Bocanegra. Bafé Gomis égalisera avant que Sall (csc), Bastos et Briand n’alourdissent le score. Jean-Michel Aulas recevra ce jour-là une Playstation de la part d’un supporter stéphanois. Choqué, le président lyonnais déclarera avoir eu peur qu’il s’agisse d’une bombe: "Il y avait quelque chose qui faisait tic-tac. Je n'ai pas pensé à une Playstation. J'ai eu peur que ça explose en vol, un peu comme Saint-Étienne ce soir"