Fortement pressenti pour signer à l'ASSE, le milieu de terrain Mahmoud Jaber avait été longuement mis à l'honneur par Yediot Aharonot (quotidien le plus lu en Israël) en novembre dernier après sa bonne prestation au Stade de France contre les Bleus en Ligue des Nations. 

"Le talent du gardien Daniel Peretz a été au cœur de l'attention lors du match nul 0-0 contre la France au Stade de France, mais il n'était pas le seul joueur israélien à faire le spectacle. Ce match a également renforcé la valeur du milieu défensif Mahmoud Jaber (25 ans), qui a récemment prolongé son contrat avec le Maccabi Haïfa d'un an jusqu'en 2028 en échange d'une augmentation de salaire de 20 %.

Jaber, né et élevé à Tayibe, est peu enclin à la publicité et n'a jamais été interviewé, pas même sur le site officiel du club. Ses camarades de vestiaire le surnomment "le tracteur" car il laboure souvent le terrain. Il a débuté sa carrière dans l'équipe junior de l'Hapoel Kfar Saba, où il a collaboré avec Manor Solomon. À 13 ans, il a intégré l'internat de Kfar Galim. Il a joué dans l'équipe de jeunes du Maccabi Haïfa et, une fois arrivé en équipe première, il a été prêté pour deux ans à l'Hapoel Nof HaGalil, en Ligue nationale. Il a retrouvé le maillot vert il y a 3 ans et a depuis disputé 71 matchs de championnat.

Il y a 2 ans et demi, Mahmoud a été convoqué pour la première fois en équipe nationale israélienne, devenant ainsi le deuxième frère Jaber à porter le maillot national, après Abdullah (31 ans), qui a disputé 56 matches et marqué 2 buts pour l'équipe nationale palestinienne, et a même été capitaine hors saison. Il y a 11 ans, Abdullah a signé à Hilal Al-Quds, en Super League palestinienne, puis 2 ans plus tard avec Ahli Al-Khaleel. À l'été 2016, il a signé avec un club égyptien, mais le contrat a été annulé car il était enregistré comme Israélien et non Palestinien, et s'est donc retrouvé avec l'Hapoel Hadera, ce qui a entraîné son exclusion de l'équipe nationale palestinienne. Un an plus tard, il a rejoint Bnei Sakhnin et, la saison dernière, Bnei Reineh.

Bien qu'il n'ait pas été considéré comme un grand potentiel par le département des jeunes verts et qu'il n'ait pas été appelé dans les équipes de jeunes israéliennes, Mahmoud n'a pas lorgné l'équipe nationale palestinienne comme son frère. Pourtant, il doit faire face à une réalité sensible et explosive, dont le point culminant a été les événements du 7 octobre. Suite aux pressions exercées sur lui, Jaber a publié un message rare sur les réseaux sociaux : "Il ne fait aucun doute que ce qui s'est passé nous a tous pris au dépourvu. Ce que nous avons entendu et vu est bien plus grand que nous ne pouvons le contenir. Et tout comme cela a paralysé le pays, cela nous a paralysés, nous, les petits citoyens. Je suis diplômé de l'internat Kfar Galim de Haïfa, tout le monde sait qui je suis", a souligné le milieu de terrain. "Cela m'attriste profondément que ma citoyenneté et ma loyauté soient mises à l'épreuve. J'embrasse tous nos chers supporters, j'espère que nous ne connaîtrons que des jours meilleurs et que ce cauchemar prendra bientôt fin."

Contrairement à son coéquipier Dia Saba, exilé aux Émirats suite à la publication de sa femme, Jaber a continué d'être accueilli avec beaucoup d'affection par les supporters de Haïfa. Lors de la conférence de partenariat israélo-arabe organisée par la Fédération de football à Umm al-Fahm, Jaber a pris la parole pour la première et dernière fois : "Dès la cinquième, j'ai grandi parmi les Juifs. J'étais dans une école juive et je ne me suis jamais senti mis à l'écart, j'en ai toujours fait partie, et c'est un honneur pour tout joueur de jouer pour l'équipe nationale israélienne. En tant que joueur d'un grand club, il faut réfléchir à deux fois avant chaque mot et chaque tweet publié. Un mot déplacé, la communauté et les abonnés peuvent le mal comprendre et le résultat peut être mal interprété. Il suffit de transmettre un message de coexistence, et c'est tout." On comprend maintenant pourquoi Jaber a décidé de disparaître de la scène publique.

Deux étapes marquantes ont propulsé sa carrière. À l'été dernier, il y a 3 ans, Gal Alberman avait invité les joueurs du club qui cherchaient à faire leurs preuves à l'entraînement de pré-saison, dont Jaber, candidat à un nouveau prêt au Nof HaGalil, promu entre-temps en Premier League, ou à Kiryat Shmona. Mais la blessure de Neta Lavie contre Kairat et les difficultés de négociation avec Muhammad Abu-Fani ont poussé Barak Bachar à conserver Jaber à Haïfa, qui avait impressionné à l'entraînement. Quatrième dans la hiérarchie après Lavie, Abu-Fani et Ali Muhammad, il a débuté 13 matchs en 2 ans sous les ordres de Bachar, dont seulement 4 lors de la deuxième saison.

Sous la direction de Massai Dago, Jaber est devenu un joueur plus important, notamment après les départs de Lavie et d'Abu-Fani, et surtout après le changement de poste. Avant le match contre le Maccabi Tel Aviv à Bloomfield, Dago a décidé de placer Jaber au poste de numéro 6, milieu défensif pur, où ses grandes qualités techniques et son adaptation sans compromis l'ont propulsé au niveau supérieur. Cependant, une semaine plus tard, lors d'un match contre le Maccabi Petah Tikva, Jaber s'est surmené et s'est déchiré les ischio-jambiers. Absent de janvier à avril, ce qui a été l'une des raisons de la perte du championnat, avec le départ de Charon Sherry en janvier.

Le plus grand atout de Jaber réside dans son excellente condition physique. Il devance les joueurs de Haïfa en kilomètres, sprints, freinages et accélérations, et affiche des performances dignes d'un joueur européen de haut niveau, comme en témoignent les données GPS des matchs contre Villarreal, Rennes et le Panathinaïkos la saison dernière. Lors du dernier match contre la France, il a maintenu son intensité pendant 90 minutes face à des joueurs des meilleurs clubs du monde. C'est notamment grâce à son père, Nabil, qui lui a construit un centre de fitness chez lui à Taibeh. "Le problème de Jaber, c'est qu'il se donne à 100 % sur le terrain et à 100 % à l'entraînement", explique le Maccabi Haïfa. "Sa grave blessure contre Petah Tikva est survenue à la 80e minute, à la fin du match, alors qu'il courait comme un fou après un défenseur. Il doit savoir doser son engagement à chaque instant."

Après la défaite contre le Beitar Jérusalem, Lior Refaalov a crié dans les vestiaires : "Ici, les joueurs oublient pour quelle équipe ils jouent. Regardez Jaber comme il court pour 3 joueurs, tout le monde devrait être aussi dévoué sur le terrain !" Jaber est devenu un modèle de travail acharné, le joueur le plus discret du vestiaire, très humble, mais qui vient chaque jour à Kfar Galim pour se donner à fond.

L'un des points faibles de Jaber, ce sont les statistiques : il n'a marqué que trois buts en Premier League, et ce dès sa première année. Sa complicité professionnelle avec Abu Fani semble parfaite, ce qui explique sa préférence face à la France face à Omri Gandelman et Dor Peretz. Il est le seul à avoir participé aux 5 matchs de la Ligue des Nations et à avoir été titulaire à deux reprises.

Jaber était déjà très demandé à l'étranger avant même son arrivée à Paris. Haïfa a rejeté les offres de Rubin Kazan et de Ferencvaros, qui lui offraient 1,5 million d'euros, mais le club comprend désormais qu'il ne pourra pas le conserver la saison prochaine. Quoi qu'il en soit, l'équipe nationale israélienne semble avoir trouvé un ancrage stable au milieu de terrain pour les années à venir."