Coordinateur sportif de SC Bastia, qui affrontera l'ASSE cette saison en L2, l'ancien entraîneur stéphanois Frédéric Antonetti s'est longuement confié hier à Corse ViaStella. Extraits.

"On a un peu révolutionné les choses au niveau de la politique sportive, en misant sur un entraîneur formateur, pour mettre en valeur des joueurs, en allant chercher des joueurs dans les catégories inférieures, à qui on a donné la chance de pouvoir s'exprimer dans le monde professionnel. Et pratiquement tous ceux qui sont arrivés ont apporté quelque chose, et pris une valeur marchande.  Entre 5 et 7 joueurs intéressent des clubs. On a des offres venues d'Autriche, des pays de l'Est, du Portugal, de Belgique...

L'année dernière, tout le monde le sait, on avait fait un budget qui intégrait 4 M€ de droits TV. En septembre 2024 on nous a dit qu'on n'en toucherait plus que 2. Et cette saison, on nous a déjà prévenus qu'on n’aurait rien. Ces millions en moins, il va bien falloir qu'on les trouve. L’équation est assez simple : 40 % de notre budget, c'est la billetterie, le sponsoring, le merchandising. 30 %, c'est les droits TV, et les 30 % restant, ce sont les ventes de joueurs. Les droits TV n'existent plus, donc il faut faire monter les ventes. C'est automatique.

Mais dans le même temps, il faut qu'on reste compétitifs. On pourrait perdre un à trois de nos joueurs titulaires, je pense. Mais mon rôle, lorsqu'un joueur est vendu, c'est d'avoir envisagé 3 ou 4 remplaçants possibles, moins chers et compétitifs. Benoît Tavernost gère parfaitement le présent, et moi, je suis là pour préparer l'avenir, à moyen terme. Boutrah, Cissé, Janneh, Ariss, tous ces joueurs sont demandés, et s'il y a une offre conséquente, on réfléchira. Nul joueur n'est intransférable, ce n'est pas vrai. Mais peut-être qu'on vendra deux joueurs, et on n'aura plus besoin de vendre. Alors on dira non. Je dois veiller à ce que le côté sportif ne soit pas affaibli par rapport aux finances. Un club fort, c'est quand le sportif est fort. 

Pour moi, la place de Bastia, aujourd'hui, se situe entre la dixième place de L1 et la dixième place de L2. Comme tout le monde, je veux monter en Ligue 1. Et j'ai toujours dit qu'on allait réussir, mais j'ai toujours dit également que je ne savais pas quand. Un an, deux ans, trois ans ? J'en sais rien. Pour y arriver, il faut progresser tous les ans. On n'est pas prêts, aujourd'hui ! Au niveau des infrastructures, de la cellule de recrutement... La réussite fait partie de la compétition, et il ne faut pas refuser une réussite. Jamais. J’espère d'ailleurs qu’elle arrivera le plus tôt possible. 

La priorité, c'est un avant-centre mais Cissé, au bout de six mois, il faisait un très bon avant-centre, non ? Je me demande d'ailleurs s'il n'est pas meilleur devant que sur les côtés. C'est le rôle de Benoît Tavenot, de révéler un joueur à un poste qui n'est pas le sien. Chez nous, il va toujours manquer quelque chose, ou quelqu'un. Et il faut qu'on compense ce manque au niveau du staff, et du recrutement. On va continuer de chercher dans les divisions inférieures.

De toute manière, un joueur de L2, on ne peut pas l'avoir. Et même certains joueurs de National, on ne peut pas... Bernardeau, je le voulais depuis le mois de septembre dernier, et il vient de signer à Nice. C’est comme ça, le football a changé, alors on prospecte dans les divisions inférieures en Europe, on va en Afrique, en Amérique latine. On essaie de structurer la cellule de recrutement, il faut qu'on s'améliore encore, il nous manque peut-être deux ou trois observateurs, malgré les moyens logistiques dont claude Ferrandi l'a dotée. 

Le jeu du Sporting est un football moderne, d'initiative. Vous pouvez avoir d'excellents résultats en étant en position d'attente, et contrer. Mais vous pouvez aussi proposer autre chose, en provoquant l'erreur, et en tirer profit. Si vous arrivez à faire les deux... C'est le cas désormais du PSG. Avant, ils axaient tout sur la possession. Mais désormais ils acceptent de jouer bas de temps en temps, et de souffrir. C'est ce qu'ils ont fait en Champion's League, à Liverpool, et à Arsenal. Aujourd'hui, ils varient leur jeu. Et nous, à notre niveau, c'est ce qu'on essaie de faire, et Benoît le fait très bien.  

Je n'ai pas réfléchi longtemps avant de revenir au Sporting. Réfléchir, c'est rationaliser Si j'avais réfléchi longtemps, je ne serais jamais revenu. C'est le cœur qui a parlé. Revenir, c'était compliquer ma vie personnelle. Ça signifiait moins de temps pour vivre, moins de temps pour s'occuper de soi, moins de temps pour sa famille, moins de temps pour tout ! Mais je n'ai pas regretté une seconde. J'ai voulu mettre mon expérience au service du club de mon cœur. C'est tout. Le SCB a deux forces : son histoire, et la passion qui l'entoure. Mais est-ce que ça suffit à exister dans le football moderne, la passion ?

Un club professionnel à Bastia, c'est un miracle permanent. C'est utopique. Et c'est pareil pour nos voisins ajacciens. On le sait, tout ça. Le bassin de population, le tissu économique, l'insularité... Mais c'est cette passion qui fait qu'on est toujours là, et qu'on peut exister dans ce football mondialisé. Je vais vous donner un exemple: la saison dernière on a perdu 2 millions de droits TV. Et Claude Ferrandi et ses frères ont assuré la trésorerie, avec leurs propres deniers. C'est ça, la passion. Ce n'est pas un état souverain qui donne de l'argent. Ce n'est pas un fonds de pension qui donne de l'argent.

Ce sont des gens qui transpirent, qui travaillent, qui ont une entreprise, qui permettent au Sporting de continuer. Les gens qui doivent nous rejoindre sont des passionnés. Passionnés de la Corse, passionnés de football, passionnés de Bastia. Notre modèle économique est différent de ce qui se fait ailleurs. De toute façon on ne peut pas faire autrement. On n'a pas de milliardaire, en Corse, qui peut se permettre d'investir énormément dans le club."