S'il a joué 40 matches (39 comme titulaire) avec les Bleus (notamment la mythique demi-finale de Coupe du Monde contre l'Allemagne à Séville le 8 juillet 1982), Gérard Janvion (72 ans) reste avant tout un Vert, comme "Doudou" l'a rappelé dans une interview diffusée la nuit dernière par Koulé Matinik. 

"Au départ, moi je voulais partir en métropole pour rentrer dans l'administration. Je voulais faire le métier de douanier. C’était mon projet, être fonctionnaire et jouer à côté de ça dans un club de bon niveau. Pelé est venu en Martinique avec le Santos FC en janvier 1971.  J’étais surclassé à Case-Pilote, j’avais déjà joué en sélection de Martinique mais j'ai eu une grosse déception, on ne m’a pas fait jouer contre mon idole Pelé. J’ai joué le match suivant contre Millonarios Bogota. C’étaient des professionnels aussi. J’ai fait mon match.

Après la rencontre, je rentre à la maison. Je suis dans la rue comme je joue toujours. C'est du béton, du goudron et on joue avec du papier mouillé, on fait une boule et on l'attache et tout. Et puis, je vois un blanc arriver. Il me dit : « C’est ici la maison de Gérard Janvion ? » Je lui réponds : « oui, c'est pourquoi ? » Il me dit « voilà un contrat de non-sollicitation avec l’AS Saint-Etienne. Faites-le lire à vos parents pour qu’ils le signent. »

Je suis issu d'une famille où il n'y a pas de papa à la maison. C'est ma maman avec 10 gamins, 11. Si j’amène un contrat de non-sollicitation pour ma mère, qu'est-ce qu'elle va comprendre ? Moi-même, je ne comprenais rien. C’est moi qui l’ai signé et c’est passé comme une lettre à la poste ! (rires) Je ne sais pas qui m’a repéré. J’ai posé la question à Pierre Garonnaire, qui a aussi fait signer Osvaldo Piazza et Ivan Curkovic. Il ne m’a jamais dit. Je ne l’ai jamais su.

Avec un autre Martiniquais, Guy Modeste, et deux Guadeloupéens, Pinson et Ludjen, on arrive à Saint-Etienne en juin 1972. On vient nous chercher à l'aéroport de Bouthéon. Robert Herbin nous accueille, dit aux 3 autres joueurs qu’il vont intégrer le centre de formation avec Robert Philippe.  Il me dit « toi, ton paquetage est dans le car des pros, tu viens avec nous, tu prépares la saison professionnelle avec nous. »

J'intègre directement l'équipe professionnelle. Ce n'est pas une blague. Je tremble. Je me dis que ne suis pas prêt. J’ai eu la chance qu’il y avait beaucoup de jeunes joueurs comme Patrick Revelli,, Christian Lopez, Jacques Santini, etc. Ils avaient gagné la Gambardella et étaient champions de la 3^e division. Ils étaient un petit peu de mon âge. Ça m'a un peu réconforté, ils étaient jeunes.

Après, je suis tombé sur les anciens, comme Jean-Michel Larqué, Georges Bereta, Ivan Curkovic. Si j'ai un problème, comment je fais ? Bon, mais en fin de compte, moi j'ai fait mon stage, ça s'est très très bien passé. Et je prépare la saison. On attaque le championnat. On revient sur Saint-Étienne deux jours avant, on part à Valenciennes jouer le premier match, avec le fameux Dropsy dans les buts.

On arrive à midi, on mange et puis on va faire la sieste. Et puis à 17h, collation suivie de la discussion d’avant match. On est là, on est dans une salle, Herbin fait son speech et tout. Et il fait la composition de l'équipe. Moi je me disais que j’étais là pour découvrir l’ambiance, pour voir comment. Mais bon dieu, Herbin dit : «avant-centre, Gérard Janvion. Tu débutes. »

Je n’ai jamais autant tremblé de ma vie. Je me dis « mais putain, le type il est fou ! »  Je me suis préparé. Heureusement, il y avait des anciens qui sont venus m’aider moralement, psychologiquement. Je joue, on gagne 1-0 et c’est moi qui inscris le but de la victoire. J’étais attaquant à l’époque, c’est plus tard qu’on m’a reconverti en défense.

Quand je suis arrivé à Saint-Etienne, l’ASSE était déjà un club connu et reconnu. De grands joueurs avaient joué chez les Verts, notamment Salif Keita. Le club avait déjà de nombreux supporters. À partir du moment où je suis arrivé, où j'ai intégré vraiment l'équipe senior, l'équipe professionnelle, pratiquement j'étais titulaire. Par la suite, j'ai eu une grave blessure

J'ai eu les adducteurs affectés, un arrachement d’os au bassin qui m'a éloigné du terrain pendant 6  mois. J'ai dû batailler pendant 6 mois parce qu'à l'époque, les pubalgies, ils ne savaient pas soigner. J'avais 19 ans. Je suis resté quand même 15 jours allongé, je ne pouvais pas bouger. Je me mets debout, je marche comme un papy. J'ai une canne pour marcher. Là, je réfléchis, je me dis que c’est foutu mais j'ai eu une chance inouïe.

J'ai entendu dans la discussion avec des médecins qu’un docteur basé à Nice soignait les pubalgies par des massages pointés. Mon club ne m'a pas envoyé chez lui, c’est moi qui ai pris un billet d’avion à mes frais pour me faire soigner à Nice. J’y suis resté 10 jours. Quand je suis revenu, je n'étais toujours pas guéri, mais ça s'était amélioré. Avec mon kiné de Saint-Étienne, on a continué la rééducation, on a continué les soins. Et là, j'ai pu stopper la pubalgie.

Ma plus belle période, les Verts ou l’équipe de France ? Ah, c’est les Verts, ce n’est pas difficile. Ma carrière, c’est les Verts. J’y suis encore, je sus toujours en relation avec l’ASSE. Mon club professionnel français préféré ? Saint-Etienne bien sûr ! Allez les Verts ! Si j’étais encore un joueur activité aujourd’hui, je choisirais le PSG. J’y ai joué, j’ai connu un échec. J’aimerais y revenir pour effacer cet échec."