Le si beau cinoche de Sylvain Kastendeuch

13/11/2025
bookmark bookmark
share share

Dans son autobiographie Derrière le masque parue le mois dernier aux éditions des Paraiges (une maison messine, forcément), l'ancien défenseur stéphanois Sylvain Kastendeuch (62 ans) rappelle qu'il a fait dégoupiller Eric Cantona lors d'un Nîmes-Sainté resté dans les mémoires. Extraits.

"Au Bataillon de Joinville, je fais chambre commune avec Eric Cantona. Sans être amis, l'entente entre nous est cordiale, nos caractères dissemblables trouvent matière à s'accorder dans le respect. Entre les quatre murs de la caserne, nous sommes alors loin d'imaginer que sept ans plus tard, un épisode décisif va nous réunir et changer le cours de la carrière de celui qui allait être élevé au rang de King à Manchester.

Nous sommes en décembre 1991 au Stade des Costières. Eric Cantona défend les couleurs du Nîmes Olympique, je joue ma deuxième saison à l’AS Saint-Etienne. Nos retrouvailles ont pour cadre la 21e journée de championnat. Rendez-vous d'importance pour les deux équipes puisque l'une et l'autre figurent loin de leurs ambitions initiales. La tension est à son paroxysme. C'est sans doute ce qui explique mon comportement inhabituel ce soir-là.

Après un quart d'heure, je perds mon partenaire en défense centrale, Jean-Pierre Cyprien, exclu sans autre avertissement préalable pour avoir asséné un coup de boule à un adversaire au beau milieu d'une échauffourée qui venait d'éclater sur le terrain. La victime de Cyprien ? Cantona. Saint-Etienne ouvre tout de même le score avant la mi-temps par l'intermédiaire de Fabrice Mège. Au retour des vestiaires, la tension nerveuse est toujours aussi palpable.

A 1-0, notre avantage est fragile. Le match ne tient qu'à un fil. Par instinct, je me mets en tête de faire en sorte que Nîmes, également, termine la partie à dix, histoire de rééquilibrer la balance, d'être à égalité. Et quel autre joueur qu'Eric Cantona, réputé sanguin, serait le plus à même de disjoncter dans le camp adverse ? Aussi, je commence à l'asticoter. Un geste qui traîne, un regard un brin provocateur, un peu de cinoche de ma part quand une faute lui est imputée. Cela ne me ressemble pas, j'en rajoute beaucoup.

Excédé par mon attitude autant que par les sifflets d'une partie des 12 000 spectateurs nîmois qui l'ont pris en grippe, ou par les fautes qui s'accumulent contre lui, Eric Cantona voit rouge, au sens littéral. A sept minutes de la fin, après un nouveau coup de sifflet à proximité de notre surface, le joueur s'emporte, et se retournant vers l'arbitre, le regretté Jean-Pierre Blouet, expédie le ballon dans sa direction en le visant délibérément. Je réagis aussitôt, mais M. Blouet n'attend pas mes protestations pour prendre ses responsabilités.

L'arbitre a déjà porté la main à sa poche, et sans tergiverser, expulse un Cantona hors de contrôle. Bronca mémorable. Et révolte nîmoise quasi immédiate, le défenseur de l'équipe de France William Ayache parvenant, au bout du temps réglementaire, à arracher le nul de l'égalisation en dépit de cette expulsion. Bilan de la soirée, un partout. Un résultat nul qui n'arrange aucune des deux équipes, tout ça pour ça. Sans compter que cette séquence d'extrême tension entre Cantona et moi n'est peut-être pas tout à fait terminée…

Compte tenu de mes agissements sur le terrain et du tempérament volcanique du personnage, je pressens que les choses ne vont pas en rester là. Le retour au vestiaire loin des caméras risque d'être un peu chaud pour moi. Effectivement, je ne me trompe pas. Après quelques instants, nous quittons enfin la pelouse, et comme je me l'étais figuré, Eric Cantona m'attend en embuscade au détour d'un couloir. Visiblement, sa colère n'est pas retombée d'un gramme. Il semble toujours aussi furax.

Jouant de l'effet de surprise, le voici qui surgit devant moi, le regard noir, poing serré, prêt à dégainer. Dans la précipitation, je chute en voulant esquiver l'agression. Le coup de poing qu'il décoche termine sa course je ne sais où. Il faut l'intervention d'autres joueurs pour mettre un terme à l'altercation entre nous. Pour son geste d'humeur envers l'arbitre, puis des propos polémiques tenus devant la commission de discipline qui quelques jours plus tard étudiera son cas, Canto écope de deux mois de suspension.

Affirmant être en désaccord avec une sanction qu'il juge disproportionnée, le joueur décrète dans la foulée la fin de sa carrière sportive à même pas 26 ans. L'annonce fait la une des journaux et des flashs infos à la radio, l'enfant terrible du football français a encore frappé, mais Cantona ne restera pas longtemps sur le bord de la touche. Quelques semaines après les incidents du match Nîmes-Saint-Etienne, le club anglais de Leeds United se met sur ses rangs et se dit prêt à relancer sa carrière.

Ne craignant pas de se dédire, Eric Cantona accepte l'inattendue proposition et devient l'un des tout premiers joueurs français à franchir la Manche. Bonne pioche, en Angleterre, Eric Cantona impose aussitôt un style et une personnalité unique plébiscité par le public britannique. A la surprise générale, il conduit son équipe au titre de champion en Premier League. Cette renaissance achevée, l'ancien banni rejoint le Manchester United d'Alex Ferguson, empile buts légendaires et titres en pagaille.

Il s'est passé un temps énorme avant que l'on se recroise, le King et moi. Une bonne douzaine d'années je crois. La veille, j'ai passé une très vilaine nuit, je ne vous cache pas que j'appréhendais cette rencontre. Éric Cantona était le parrain d'une association caritative organisatrice d'un événement de foot-concert aux arènes de Metz où, depuis 2001, année de ma retraite sportive, j'étais adjoint au sport du maire Jean-Marie Rausch. Sa venue était annoncée, il était normal qu'en tant qu'élu, je l'accueille.

Qu’allait-il se passer ? Cantona m'en voudrait-il encore pour le scénario de ce Nîmes Saint-Étienne si particulier et pour cette soirée passée à se provoquer l'un l'autre avec le dénouement que l'on connaît ? Tout était envisageable, même que Canto cherche enfin à me la coller cette droite qui s'était perdue dans le vide après la rencontre dans les couloirs des Costières lorsqu'il avait voulu se faire justice. J'ai très mal dormi. J'ai eu tort, nous nous sommes fait la bise.

Ce n'était pas le Kastendeuch de Saint-Étienne et le Cantona de Nîmes qui à nouveau se retrouvaient face à face, plutôt les deux anciens appelés du Bataillon de Joinville qui avaient partagé douze mois de leur jeunesse et conservé de cette période des souvenirs heureux ainsi qu'une estime réciproque. Dans les salons de l'hôtel de ville où se déroulait la conférence de presse de présentation de l'événement, c'est à peine si lui et moi, assis côte à côte, avons exhumé le film de ce drôle de match..."

Potins
16/11 01:12
Quetigny fier d'avoir tenu tête aux Verts
16/11 00:56
Un match bizarre
16/11 00:08
L'ASSE assure dans le brouillard
16/11 00:06
Des jeunes débrouillards dans le brouillard
15/11 23:56
U15 : ça ne sourit pas contre Chambéry
15/11 20:54
Les Amazones beurrent les tartines à Grenoble
15/11 20:03
U17 : Saint-Etienne renversé à Saint-Priest
15/11 16:08
Stojkovic a battu la Géorgie
15/11 15:20
El Jamali buteur contre la Bulgarie
15/11 09:24
Des frères fiers d'affronter les Verts
Articles
14/11/2025
Guy Ipoua : "C'est le match d'une vie"
11/11/2025
Jelnivo pour prendre les Troyes points chez le leader de L2
09/11/2025
Solidaires
07/11/2025
Damien Perquis : "Sainté ne peut pas se cacher !"
06/11/2025
L'ASSE, d'une génération à l'autre
04/11/2025
Jelnivo pour perdre l'Étoilico
30/10/2025
Dylan Durivaux : "L’ambiance, à Bauer, elle est super !"
30/10/2025
Jelnivo pour faire des Pau cassés
29/10/2025
Une bonne réponse
27/10/2025
Jelnivo à l'envers pour écraser les Haut-Savoyards

Partager