Le Corriere della Sera a publié en début de semaine une intéressante interview de Michel Platini. Extraits.

"Le numéro 10 a cette magie car il est identifié, dès le début de l'histoire du football, à tous les joueurs les plus forts : Puskas, Pelé, Rivera. Les chefs d'équipe, techniques et charismatiques, avaient ce numéro. Dans le rêve des enfants de notre époque, il y avait deux étoiles : le numéro dix et le gardien de but, J'ai passé mon temps à essayer de les bousiller, les gardiens de but, donc je ne peux pas comprendre l'amour pour ce poste. Mais les gens l'aimaient... Il y avait le numéro 10 européen, qui était plutôt un meneur de jeu, et le sud-américain qui jouait presque comme deuxième attaquant. Plus un 9 et demi qu'un 10, un deuxième attaquant. Zidane, moi, Rivera, Puskas étions plus des meneurs de jeu, même si nous marquions beaucoup de buts... [Platoche en a marqué 82 avec les Verts – dont seulement 4 penalties – en 145 matches, ndp2]. Le numéro 10 n'existe plus. Désormais, le gardien ou le défenseur central est le meneur de jeu, celui qui organise le jeu.

Les footballeurs, les meilleurs footballeurs, sont comme des oiseaux migrateurs à la recherche des meilleurs endroits où vivre. Et où ils sont attendus par le peuple et donc il y a plus d'argent. Je suis venu en Italie en 1982 parce que c'était le pays qui payait le plus, c'était le cœur du football mondial. Maradona, Falcao, Zico jouaient ici. C'étaient les années de Mantovani, de Berlusconi, de l'Avvocato. Gli Azzurri ont remporté le Mondial, l'économie se portait bien, le terrorisme touchait à sa fin. Il y avait un air d'enthousiasme dans la société italienne. Et donc aussi dans le football. Aujourd'hui, les footballeurs vont là où ils gagnent le plus d'argent. Je pense que la Commission européenne a commis une erreur en adoptant pleinement Bosman sans un plan global pour le sport européen. Désormais, les riches peuvent acheter qui ils veulent. Et ces pays sont riches, très riches.

Le système est fait pour produire des dettes. Le système est le suivant : beaucoup d'argent arrive et beaucoup de gens le prennent. Voici le mécanisme de transfert. Vous prenez des joueurs en espérant que deux ans avant l'expiration du contrat ils seront vendus pour gagner de l'argent. J'ai fait grève dans les années 1970 pour permettre aux joueurs de choisir, à la fin de leur contrat, où aller jouer. Je suis allé à Saint Etienne quand j'étais libre et pareil à la Juve. Il faut que ce soit le joueur qui choisisse, c'est sa vie. Ensuite, il y a beaucoup de monde dans le milieu du football... Là où beaucoup d'argent circule, ceux qui aiment très, trop l'argent arrivent… Est-ce que les agents font partie de la maladie du football moderne ? Je ne pense pas, non.Les agents défendent enfin les joueurs qui ont été dupés pendant tant d'années.

Dans mes rêves d'enfant, il y avait Johan Cruyff. Il a joué de cette façon merveilleuse à une époque où c'était très difficile de le faire. Si vous dribbliez, il était possible que vous vous retrouviez à l'hôpital. Les défenseurs utilisaient le tacle par derrière, faisaient très mal, et il y avait peu de temps pour inventer le football. Si je pouvais par magie téléphoner au Michel enfant, quel conseil de vie je lui donnerais ? Je lui dirais la même chose que mes parents m'avaient dit : « Amuse-toi bien. Amuse-toi dans le football. Le foot est amusant." J'ai réussi à arriver là où j’en suis parce que j'ai vécu le football comme ça. Je dis toujours aux enfants : « amusez-vous et si vous êtes bon, si vous faites preuve de talent, les choses viendront à vous. ». Au lieu de cela, aujourd'hui, ils veulent d'abord devenir footballeurs professionnels, puis toucher le ballon. En France, à mon époque, on ne savait même pas que le football professionnel existait.

Je ne joue aucun rôle dans le football en ce moment. Des projets en ce sens ? Je n’en ai pas. J'ai déjà tout fait. J'ai été footballeur, entraîneur, sélectionneur. Il faudrait un projet intéressant, nouveau, étrange, vraiment révolutionnaire. Aujourd'hui j'ai 68 ans, je suis marqué par 40 ans de pression, d'exposition constante. On m’a fait plusieurs offres, mais j'ai toujours refusé. Maintenant, je profite de ma vie. Etre président de la Juventus ? «Personne ne me l'a jamais demandé...

Cette image de moi à Tokyo après qu’on m’a refusé l'un des plus beaux buts imaginables en finale de la Coupe Intercontinentale entre la Juventus et Argentinos Juniors ? Mais comment annuler un but comme celui-ci en finale d’un tel match ? Ce sont des buts qu'on marque à l'entraînement. Mais en finale.... Ce sont des buts qui parcourent le monde, qui restent dans l'histoire. Comme celui de Van Basten à l’Euro 1988. Ce jour-là je marque un si joli beau but et on l’annule pour un hors-jeu passif signalé par un juge de ligne singapourien ? Que devais-je faire : aller sur lui, lui donner deux gifles, le tuer, l'étrangler ? Je me suis allongé sur le terrain, me suis appuyé sur un coude, j’ai regardé l’arbitre. C'était un geste de protestation non violente. Ce n'était pas pour la télévision, c'était du pur désespoir."

Le Rivera que Michel Platini mentionne dans cet entretien n’est pas Maxence, même si ce dernier pourrait bien ce soir marquer le but de la première victoire des Verts de la saison. Platoche fait bien sûr référence à l’ancien joueur du Milan AC Gianni Rivera, sacré Ballon d’Or en 69. Année érotique et prolifique, l’année du derby gagné 7-1 chez les vilains 4 jours après avoir renversé le Bayern à GG....