Bafé reconnaissant

23/02/2022
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Juste avant son renversant doublé victorieux avec Galatasaray, Bafé Gomis a accordé une remarquable interview à Colin Dicanot. Agé de 36 ans et demi, l'ancien attaquant des Verts témoigne sa reconnaissance à Frédéric Antonetti, Zoumana Camara, Hérita Ilunga mais aussi à Claude Puel. Extraits.

"Quand j’ai démarré ma carrière pro à Saint-Etienne, franchement, en toute honnêteté, je ne pensais pas que j’aurai une carrière si riche. J’étais surpris de débuter. C’est arrivé un jour où il y avait des absents. Je pense que Lilian Compan était suspendu et qu’il manquait un attaquant en équipe première. Il y avait Mickaël Dogbé. Frédéric Antonetti m’appelle. Quand il me met avec l’équipe des remplaçants, putain, je suis un phénomène ! Quand il me met avec les titulaires, j’ai les jambes qui tremblotent, je suis nul. Il ne sait pas s’il doit me faire débuter ou pas. Finalement il s’énerve, il me dit « allez, vas-y, tu sers à rien, tu vas être remplaçant ! » Il y a 2-2, c’est un soir à Geoffroy-Guichard contre Créteil. Je rentre 20 ou 30 minutes, je fais un une-deux avec Fabrice Jau et je marque. En sortant, Frédéric Antonetti me tape la tête et me dit : « C’est bien, mais il faut que ça dure 15 ans. » Aujourd’hui je suis bien content car ça fait 18 ans et je veux vraiment le remercier de m’avoir donné cette chance et surtout d’avoir été très dur, très exigeant avec moi. Quand tu débutes sous les ordres de Frédéric Antonetti, c’est vrai que les gens à la télé le voient comme un entraîneur qui n’a pas sa langue dans sa poche, qui parle beaucoup et qui crie. Mais c’est un entraîneur qui donne beaucoup d’amour et qui est très exigeant. Un peu comme nos papas à l’ancienne. Ils nous protégeaient mais ils étaient durs avec nous. Frédéric Antonetti m’a donné les ingrédients pour réussir cette longue et belle carrière.

Mon prêt à Troyes a été le vrai déclic de ma carrière. Quand je suis avec Elie Baup, dans l’euphorie de la montée, je m’aperçois que j’étais un peu tendre. Je fais quelques apparitions mais je vois que la marche est trop haute. Mais je voulais m’accroche, croire à la belle histoire. Un jour on m’appelle – je n’avais pas d’agent, c’est mon frère qui s’occupait de moi – on me dit « demain tu pars à Troyes ». Je n’avais pas le choix, je n’avais pas le choix. Ça a été un déclic. De Saint-Etienne où j’étais le petit jeune qu’on voyait arriver au vestiaire je passe à un joueur important à Troyes. Là-bas ils se disent « putain, c’est un joueur qui vient de l’ASSE, il va nous apporter. » Je ne suis pas le petit, je suis considéré comme un joueur important de l’équipe. Ça m’a donné un capital confiance assez important. En 13 matches j’ai mis 6 buts, on est monté. Jean-Marc Furlan m’a dit « je veux bien te garder mais je pense qu’il te manque quelque chose pour franchir un palier. Tu ne serais pas le titulaire en L1. » Je lui réponds : « si c’est pour être remplaçant, je préfère l’être à Saint-Etienne. Je vais rentrer à Sainté et me battre pour jouer dans un club qui est plus fort que Troyes. » À chaque fois que je jouais contre Troyes, je voulais leur montrer qu’ils avaient fait une erreur de ne pas me garder. Donc je marquais tout le temps des buts contre eux, c’était important pour moi.

Quand je suis revenu à Saint-Etienne, j’avais compris que je n’étais plus un joueur de D2. Je viens à Saint-Etienne avec la ferme intention de m’imposer. Je ne sais pas combien de temps ça va prendre mais en tout cas, je me dis que je ne jouerai plus jamais en Ligue 2 parce que je suis au-dessus quand je suis en L2. À l’entraînement je travaille dur et je vois que je suis moins tendre qu’auparavant.  Je marque des buts, je suis souvent dans l’équipe qui fait gagner les matches. Il y a des grands frères comme Herita Ilunga, Papus Camara qui me prennent sous leur aile. J’avais tendance à dribbler un peu, à être moins tueur que je ne le suis aujourd’hui. Papis parfois me mettait des tacles appuyés et après l’entraînement m’expliquait pourquoi il avait fait ça. Il me disait : « quand tu me fais un crochet, c’est bien, mais tu marques. Si tu veux t’amuser à me remettre des crochets, ça ne passera pas. Tu dois sanctionner. » Ces mots résonnent encore en moi. « Tu dois sanctionner, tu dois être méchant et c’est là que tu vas jouer ». Ça a mis un peu de temps mais c’est rentré. Hérita me donnait un peu cet amour qu’on donnait à son petit frère en m’invitant chez lui. Ça m’a permis de me sentir à l’aise, de me faire accepter et adopter par le groupe. C’est comme ça que j’ai débuté.

Quand j’étais petit, en 1999, j’étais au centre de formation et il y a un match Saint-Etienne contre Marseille. Alex marque et il fait la panthère. Moi je débute un jour un match en Coupe de la Ligue contre Marseille. Fousseni Diawara me dit : Tu te rends compte, tu vas jouer ce match. Si tu marques, qu’est-ce que tu fais ? » Je lui dis que je ne sais pas. Il me dit « si tu marques, tu fais la panthère. » Il s’avère qu’on fait un super match et que je marque. Je commence à faire la panthère. La panthère, c’est toute une histoire. C’est Salif Keita, mondialement connu à l’époque. S’il y avait toutes ces télévisons, il aurait été ballon d’or. C’est un hommage à Alex, à l’ASSE et surtout à Salif Keita. Quand tu vois un joueur africain qui a joué sous ses couleurs avec succès, tu t’identifies. C’est devenu ma marque de fabrique. Quand je vois que cette célébration est reprise même dans FIFA, c’est une fierté car tout le monde joue à ce jeu.

J’ai fait une erreur. J’ai fait une magnifique saison avec 16 buts, je ramène l’ASSE en Coupe d’Europe après 20 ou 30 ans d’absence. Je fais l’erreur de rester alors que je suis en équipe de France et que je fais l’Euro 2008. Je décide de prolonger car ils me donnent un bon contrat mais surtout parce que je suis avec mes copains, Blaise Matuidi, Yohan Benalouane, Mamadou Dabo, Dimitri Payet, Pscal Feindouno. On est une belle bande de copains mais je fais cette erreur-là que je n’ai plus jamais refaite. Quand je vais à Marseille, que j’ai fait le boulot et que je vois qu’ils cherchent un autre attaquant, hop, je m’en vais. À Saint-Etienne, on ne pouvait pas faire mieux, ils n’ont pas le budget des gros clubs. D’ailleurs, jusqu’à preuve du contraire, ils n’ont jamais fait de Ligue des Champions. Je fais l’erreur de rester par l’amour pour les Verts, par l’amour de mes coéquipiers, aussi parce que j’ai un peu de reconnaissance. À l’époque, je suis pourtant sollicité par Chelsea, Manchester United, l’OM, le PSG. Mais je dis « je reste. » Il s’avère que 3 ou 4 mois après, Pascal Feindouno est transféré. Mon entraîneur de l’époque, Laurent Roussey, à qui je devais beaucoup et dont j’étais proche, s’en va. Ça devient une saison catastrophe, il a fallu que je marque un doublé lors de la dernière journée pour maintenir le club. On a fait une belle campagne européenne mais en championnat… le club n’était pas prêt.

Ça a été difficile mais j’ai appris. C’est pour ça que lorsque Lyon se manifeste, je ne regarde pas si ça pose problème que je sois un ancien stéphanois. C’est une opportunité. Un avant, j’avais des grands clubs comme Manchester et Chelsea, là je n’ai que Lyon mais c’est une opportunité. C’est juste la communication… Comme l’ASSE a fait une mauvaise saison, les dirigeants stéphanois n’avaient pas budgétisé une 16e ou une 17e place. Il y avait un trou énorme, ils étaient contents de pouvoir me vendre et de faire un gris transfert. Ils se sont mis d’accord avant moi avec Lyon. Pour aller à l’OL, j’ai dû même baisser mes revenus. Il faut dire aussi que Saint-Etienne m’avait donné un très gros contrat. L’ASSE était un bon club, c’était un tremplin. Ensuite des clubs comme l’OL et l’OM m’ont permis de franchir des paliers.

Claude Puel me fait venir pour me développer car c’est un coach qui sait développer les jeunes joueurs. Il me dit : « je compte sur moi, il y aura de la concurrence avec Lisandro Lopez mais il y a beaucoup de matches, je crois en toi, tu vas jouer. » Je joue quelques matches, la première année je marque 10 buts mais je ne suis pas content. Je viens le voir à la fin de la saison. Je lui ai dit : « Je ne suis pas satisfait, 10 buts ce n’est pas assez, je n’ai pas assez joué. Je suis trop souvent remplaçant. Je n’ai rien dit mais ça ne me plaît pas. » Il me répond : « Pour une première année, tu venais de Saint-Etienne, c’est bien. T’as montré du caractère, c’est bien. Poursuis ton travail et la saison prochaine ça va aller. »

L’OL traverse alors une période difficile, le club reçoit une offre de Fenerbahce pour moi et tombe d’accord avec eux. On me dit « tu peux partir si tu veux. » Je vais voir le coach, je lui dis « il y a deux mois vous m’avez dit que vous comptiez sur moi, dites-le moi en face si quelque chose a changé. » Claude Puel me répond : « c’est vrai que les deux clubs sont tombés d’accord mais ça ne change rien à ce que je t’ai dit, je souhaite que tu restes. Il y aura de la concurrence mais si t’es le meilleur tu joueras. » Son discours me rassure donc je décide de rester à Lyon. Je commence remplaçant mais au bout de deux mois et demi, je gagne ma place de titulaire car je fais ce qu’il attend de moi : garder les ballons, être puissant, marquer des buts, être un bon pivot pour l’équipe, remonter le bloc.

C’est pour ça que j’ai toujours eu un grand respect pour Claude Puel. Tout le monde sait que c’est un grand technicien. Il a été champion de France avec Monaco, on voit tout le travail qu’il fait dans des clubs comme Lille et Nice. Même à Lyon, contrairement à ce que les gens peuvent dire, il a été en demi-finale de Ligue des Champions. Après, on l’aime ou on ne l’aime pas, il a sa façon de voir le management. Mais en tout cas avec moi il a tenu parole contrairement à des entraîneurs qui seraient allés dans le sens du club, lui il a tenu à me développer. Si aujourd’hui j’ai fait cette carrière, c’est aussi parce qu’il m’a donné des forces mentales. Avec lui il faut être un joueur qui se bat, il tire le meilleur de ses joueurs au niveau du caractère de la personnalité. C’est ce qu’il faut pour le haut niveau. Vraiment, avec Claude Puel, j’ai franchi un palier."

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