Paganelli ne s'en est jamais guéri

13/05/2021
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Ouest-France a publié aujourd'hui un long et poignant témoignage de Laurent Paganelli. Extraits.

"A quinze ans, je me retrouve à l’entraînement avec les Rocheteau, Piazza, Lopez, Bathenay, Revelli et j’en passe… Dès que tu tournais la tête, il y avait une star. Je collais leur visage sur mon album Panini, quelques mois plus tôt. Au début, c’était un stress permanent. C’est la concurrence, le travail, tous les jours. Il n’y a pas de cadeau, pas le droit au relâchement. Avec tout ça, j’ai dû, très jeune et très vite, tirer un trait sur le foot des copains.

Je dispute mon premier match de première division, au Parc des Princes face au PSG. Après cette rencontre, je retourne avec la réserve et je ne retrouve l’équipe première que plus tard, à 17 ans. Entre-temps, j’ai appris les exigences du football professionnel. Je commence la saison 1980-1981 comme titulaire. Je marque des buts. Michel Hidalgo compte me sélectionner en équipe de France.

Robert Herbin refuse à cause d’une rencontre de Coupe d’Europe contre Ipswich. Bon, c’était le « Sphinx », l’entraîneur qui avait amené Sainté en finale de Coupe d’Europe, un monsieur quoi. Bref, arrive ce fameux match contre Ipswich. On se loupe, je me loupe et je suis le seul à payer la note. Du jour au lendemain, je perds ma place de titulaire. Herbin ne me reprend plus. Je suis au placard. En 90 minutes, je suis passé du haut de la tour Eiffel à son sous-sol.

Robert Herbin ne m’a pas expliqué son choix et je ne lui ai rien demandé parce que j’étais trop jeune. Herbin était impressionnant, dur d’accès, presque mutique. Il pouvait dire un seul mot sur une séance d’entraînement. J’aurais dû m’adapter à la personne mais je n’ai pas eu le courage de me confronter à lui.

C’est terrible. Je m’attends à rejouer chaque week-end. Mais chaque dimanche, c’est pareil : je ne joue pas. Sans un mot. C’était dur. Un no man’s land. J’ai toujours vécu émotionnellement les choses. C’est pour ça que je n’ai pas fait une carrière à la hauteur des attentes. Émotivement, je ne pouvais pas la faire. Je n’étais pas adapté au football de compétition.

Je n’en ai jamais reparlé avec Robert Herbin, après coup. Maintenant qu’il est décédé, c’est un regret. Je cherche encore les réponses. Robert Herbin était comme ça : je te mets dans la difficulté, tu dois t’en sortir. Je comprends sa philosophie, mais tu ne peux pas appliquer ça à tout le monde, surtout à un jeune joueur. Il s’est trompé dans son approche. Mais je ne lui en ai jamais voulu. Car c’est aussi ma faute.

J’avais les capacités pour faire mieux, mais j’ai manqué de lucidité pour lui en parler, ou repartir à zéro. J’étais bloqué. Je ne m’en suis jamais guéri et je ne ferai jamais le deuil. Qu’est-ce qui m’en empêche ? Parce qu’on m’en parle tout le temps ! Est-ce que ça me gêne ? Non, car ça m’aide. À chaque fois que je me replonge là-dedans, j’en parle différemment, j’ouvre une porte que je n’avais jamais ouverte.

Mon enfance a été très heureuse mais mon adolescence stéphanoise a été très compliquée. En fait, je dirais que je n’en ai pas eu. À partir de 15 ans, je n’allais plus à l’école, je ne rencontrais pas de copains ou copines, je n’allais pas en boîte de nuit. Je faisais beaucoup de conneries, de farces, pour compenser. J’avais besoin de déconner face à cette adolescence transformée. Et je n’ai jamais cessé de le faire.

J’ai souvent dit que j’ai arrêté le foot car mon corps ne suivait plus. Ce qui était vrai, car il a pris cher. Mais c’est surtout le décès de mon frère dans un accident de voiture qui m’a fait arrêter le foot. Je prenais des cachets, pfff… Je ne dormais plus. J’étais suivi par un spécialiste qui me disait que je ne pouvais plus continuer, qu’il fallait que j’évacue. Ipswich puis la blessure de mon frère, ça m’a flingué.

Je ne suis pas le gars qui déconne pour cacher sa tristesse. Quand je déconne, je suis entier. Après, la tristesse, je l’ai touchée du bout des doigts. J’ai perdu un autre frère, j’ai quatre copains qui se sont suicidés. Je sais ce qu’est la vraie tristesse. Pleurer, je n’y arrive pas. Depuis le décès de mon frère. Je n’ai pas pleuré à son enterrement, ni à celui de mon autre frère, parti plus tard, ou de mon père. Putain…

Cette tristesse, je ne l’évacue pas. Ou, parfois, quand je suis seul, dans ma voiture pour aller au match, ou revenir. Ces blessures m’appartiennent. Je ne m’en suis jamais guéri. Je ne les partage pas. Je n’ai pas envie d’emmerder mes proches avec ça. Il y a plein de moments que je n’ai pas réglé : Ipswich et ma carrière, oui, mais surtout la culpabilité liée au décès de mon frère. Je me sens toujours coupable. Ça fait 36 ans, et je n’ai jamais évacué."

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