Mekhloufi, un footballeur français dans la guerre d'Algérie

12/04/2023
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Plus grand joueur de l'histoire de l'ASSE avec Salif Keita, Rachid Mekhloufi (86 ans) nous avait raconté en 2007 son passionnant parcours. Maître de conférences à l’UFR STAPS de l’Université d’Artois et auteur de l'ouvrage Le Football des immigrés France-Algérie, l'Histoire en partage (ed. Artois Presse Université, 2021), Stanislas Frenkiel a donné il y a deux semaines au Musée des Verts une conférence sur l'ancien maître à jouer de l'ASSE et du FLN. Nous avons retranscrit ci-dessous les principaux extraits de cette conférence organisée par les Archives Municipales de Saint-Etienne et à écouter dans son intégralité sur la chaîne youtube Temps de sport.

"Il reste trois survivants de cette équipe du FLN, ils sont nés en 1936 : Mohamed Maouche, qui a joué à Reims et qui préside actuellement la fondation du FLN en Algérie. Abderrahmane Defnoun qui a joué notamment à Alger. Et bien sûr Rachid Mekhloufi. Né à Sétif, c’est le benjamin d’une famille de huit enfants. Son papa était un petit fonctionnaire qui a fini sa carrière comme inspecteur de police. Rachid Mekhloufi a commencé à jouer au foot à Sétif. Il a été convoité par Toulouse, un avocat basé à Sétif a essayé de le faire aller là-bas. Les clubs métropolitains de l’époque ratissent, ils ont des filières. L’avocat Setboun qui a repéré Robert Herbin à Nice, c’est le même qui a repéré le petit Rachid à Sétif.

Finalement Mekhloufi va céder aux sirènes de l’ASSE. Il y a des réticences très fortes de ses parents, qui considèrent le football comme un sport de voyous. Rachid sait qu’il faut quitter l’Algérie qui sent encore la poudre. Il raconte que c’était devenu infernal : « les Français d’Algérie nous agressent en permanence ». A Sétif, il se sentait à l’écart de la vie. Trois jours après son arrivée à Saint-Etienne, son essai est concluant : 6-0 contre Grenoble. Il va faire une rencontre déterminante avec un grand Monsieur, Jean Snella. L’un des plus grands entraîneurs français. Ses conseils protecteurs et paternalistes vont le suivre toute sa carrière.

Mekhloufi est arrivé à Saint-Etienne à l’âge de 18 ans, Snella va jouer le rôle de père de substitution. Il y a à cette époque une bienveillance qui est de mise vis-à-vis de ces joueurs. L’accueil qui est réservé à Rachid Mekhloufi le surprend, la diversité des populations également. Une nouvelle dignité lui est accordée. C’est la première fois qu’on l’appelle Monsieur, il est surpris car ça n’arrive jamais en Algérie. Il constate qu’à Saint-Etienne les gens sont polis. Dans les années 1950, cette France est décontractée et fraternelle. Il va signer un contrat de stagiaire professionnel, passer 15 jours à l’hôtel le temps qu’un appartement lui soit mis à disposition par le club.

L’USM Sétif, son club formateur, a eu du mal à transmettre sa lettre de sortie donc Rachid Mekhloufi a été titularisé pour la première fois le 10 octobre 1954 à Nice. Il joue au poste d’inter gauche, il marque 30 buts en 2 saisons. Il est d’abord appelé en équipe de France B puis au Bataillon de Joinville. Dès 1956, il va porter à 4 reprises le maillot tricolore. Il brille en équipe de France militaire à en Argentine au championnat du monde. Le 14 juillet 1957, la France de Rachid Mekhloufi et Maryan Wisniewski triomphe 4-0 contre le pays hôte. Avant cette compétition, Rachid Mekhloufi avait remporté le premier de titre de champion de France de l’ASSE.

Avec le Monégasque Mustapha Zitouni, il est fortement pressenti pour être sélectionné en équipe de France pour la Coupe du Monde de 1958 en Suède. Mais tout s’accélère pour ce futur déserteur de l’armée française qui pour l’anecdote réside à Saint-Etienne dans l’annonciatrice rue de la Résistance… Bien qu’il ait reconnu plus tard qu’il n’était pas à cette époque politiquement dans le coup et militant mais pas pour autant insensible à ce qui se passait, il est contacté par deux footballeurs sétifiens, cela va beaucoup le rassurer - le Lensois Mokhtar Aribi et le Lyonnais Abdelhamid Kermali – pour former l’équipe du FLN.

Dès le mois d’avril 1958, quatre ans de clandestinité s’ouvrent. C’est une expérience politique et sportive majeure. Sa maturité en sort grandie. Il explique être devenu «un homme différent. » Il dit « je ne suis plus un chien fou, je dirige l’équipe. » C’était le chef d’orchestre de cette équipe du FLN dans le monde entier. « Je peux marquer et faire marquer. Des joueurs comme Abdelaziz Ben Tifour, Abderrahmane Boubekeur et Mustapha Zitouni m’apprennent à améliorer mon football aussi. » Ces joueurs donnent à Rachid Mekhloufi une conscience politique améliorée.

Rachid Mekhloufi déclare : « Avec les milliards que j’aurais gagné en restant professionnel, je n’aurais pas acquis tout ça, je remercie la révolution algérienne. » Pour l’anecdote, la fuite s’organise le 14 avril 1958, elle a été prévue la veille. La première vague de footballeurs, ce sont les meilleurs joueurs. Il y a des joueurs de Monaco et d’Angers qui partent en train rejoindre la Suisse pour ensuite aller à Rome pour prendre l’avion vers Tunis. Il y a un match Saint-Etienne-Béziers mais sans faire exprès Eugène Njo Lea percute la tête de Rachid Mekhloufi, qui est hospitalisé, ce qui met un petit retard à son plan. Ses copains Kermali et Aribi vont le chercher à l’hôpital, le sortent de là et ils vont passer la frontière en voiture. Le poste de douane n’est pas encore au courant de la fuite de ces joueurs. C’est rocambolesque. Il y a eu en tout quatre vagues de départ, d’avril 1958 à novembre 1960.

Après 1962 et les accords d’Evian, Rachid Mekhloufi reprend sa carrière professionnelle au Servette de Genève de Jean Snella. En décembre 1962, alors que les Verts sont bien positionnés pour remonter en première division, Jean Snella est rappelé en renfort et il emmène dans ses bagages Rachid Mekhloufi, qui a commenté son retour à Geoffroy-Guichard : « Mes anciens coéquipiers me reçoivent normalement. Mon premier match contre Limoges le 9 décembre 1962, c’est un petit miracle. Il y a habituellement 10 000 supporters en deuxième division, ce jour-là il y en a le double. Ils sont venus voir Rachid le footballeur. Je suis persuadé que les personnes qui menacent le président Roger Rocher sont dans les parages. On entame le match. Quand je rentre sur le terrain, il y a un silence impressionnant. Dès mon premier ballon je réussis un geste technique difficile et tout de suite le public m’encourage. »

Cela a été quelque part une nouvelle adoption. Il poursuit : « La majorité du peuple français comprend notre attitude puisqu’elle aussi à fait fuir les Allemands avec les maquisards. Après l’appréhension, c’est l’ovation. » Ce retour est un succès. Plus affûté, il inscrit 14 buts en 20 matches. Sa notoriété grandit, l’épopée continue. Son histoire marque celle du championnat de France des années 60. Les distinctions personnelles s’accumulent. Il reçoit l’Etoile d’Or France Football du meilleur joueur en 1964, 1966 et 1967. Il enchaîne les titres avec l’ASSE. Il est champion de France en 1964, en 1967 et en 1968, année du sacre en Coupe de France et de sa dernière sélection avec les Fennecs. Alors le meilleur buteur de l’histoire du club, il quitte Saint-Etienne avec son épouse tunisienne pour terminer sa carrière de joueur au SC Bastia de 1968 à 1970."

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