Paganelli du rugby à Roby

22/02/2022
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Dans un entretien accordé mercredi dernier à La Provence, Laurent Paganelli est revenu sur son passage à l'ASSE. Extraits.

"Mes frères faisaient du rugby, moi aussi mais je me suis cassé le bras, le col de l’humérus. J’ai dû jouer avec les pieds pendant un mois et demi. Un gars est venu me voir et m’a dit « t’es pas mal au foot. » Je suis venu au ballon rond comme ça. Je n’avais pas vu un match de foot jusqu’ici. Je suivais mon père sur tous les terrains de rugby de Franc et de Navarre. Je n’ai mais eu l’intention de faire une carrière de footballeur. Je jouais au foot dans la cour de récréation. Le foot c’était un loisir, un plaisir. On collait les vignettes Panini, on faisait l’école buissonnière pour jouer au foot. Même quand j’étais dans ma carrière professionnelle, je n’ai jamais pensé que c’était un métier. Je n’ai jamais assumé le fait qu’il fallait s’entraîner à fond. Je suis resté toute ma vie un Peter Pan dans la cour de récréation.

Moi j’ai commencé en pro à 15 ans et demi, ça n’arriverait pas aujourd’hui de jouer aussi jeune. Tout le monde pensait que j’avais du talent et que j’étais doué, c’est pour ça que je me suis retrouvé là un peu au hasard. Ça s’est fait en trois semaines. J’étais à la cour de récréation et en trois semaines il y a les sélections, les machins, un match télévisé, je marque trois buts. Le lendemain, tous les recruteurs débarquent à la maison. Tu n’as même pas le temps de la réflexion. Quand je signe à Saint-Etienne, je sens la pression. Il y a 3000 personnes à l’entraînement. Quand t’allais t’échauffer sur le terrain annexe, tu traversais la foule, tu signais des autographes. Je me disais « putain, sois à la hauteur de ce que demandent les gens ! »

Si j’avais eu 15 ans aujourd’hui, j’aurais été milliardaire sans jouer. On m’aurait filé un premier contrat pro de folie, l’approche aurait été différente. On aurait dit « on le prend, on est obligé d’avoir une réussite avec lui. On va l’amener, on va l’entourer, on va l’accompagner. » Moi, quand je jouais, j’avais des caries. Je mangeais n’importe quoi, j’allais au cinéma et je mais du pop-corn, des gales à huit boules. On ne verrait plus ça aujourd’hui. Quand j’ai été champion de Franc en 1981, mon salaire était de 1 500 euros. J’en dépensais 3 000 dans le mois (rires). Mais c’était une belle vie de footballeur.

Ça a été très vite pour moi. J’ai fait mes débuts à 15 ans et demi contre le PSG au Parc des Princes. J’ai remplacé Dominique Rocheteau à la mi-temps. C’était Robert Herbin l’entraîneur. Il m’a dit « viens t’asseoir près de moi. Tu vas devoir attendre avant de jouer. » J’ai appris ce jour-là qu’il fallait quand même gravir les échelons et que j’étais très loin. C’était fantastique de débuter en pro, c’était l’insouciance, c’était beau. Mais avant de rejouer en pro, j’ai mis un an et demi derrière… Le Parc était vert à l’époque. Saint-Etienne était la grande équipe du moment, tout le peuple français était vert.

Je me retrouve au milieu de joueurs dont je collais les étiquettes Panini trois mois auparavant. Dans l’avion je ne savais pas où me mettre. Je m’étais mis à côté du pilotage car il n’y avait qu’avec lui que je pouvais parler (rires). C’était quand même fabuleux pour un gosse comme moi de vivre un truc comme ça. J’ai gardé mon insouciance après ce premier match, j’ai fait beaucoup de conneries derrière. Je me suis dit : « profite ! » J’étais un déconneur. J’ai pris ma carabine et j’ai tiré sur des arbitres. J’étais un joueur qui était libre dans ma tête, j’avais toujours envie de tenter des trucs, d’essayer.

Je me rappellerai toujours cette phrase de Robert Herbin. Il ne disait pas grand-chose et tout d’un coup il me dit « il ne faut pas perdre le ballon. » Si je dois pas perdre le ballon, je ne tente plus rien. Je le prends et je le donne au mec qui est deux mètres à côté. C’est terrible cette phrase. Elle résonne car c’est le Sphinx qui la prononce. Quand une personnalité comme lui s’exprime, tu l’écoutes et c’est une onde de choc. Cette phrase de Roby m’a marqué à vie. J’ai compris alors que j’allais avoir du mal à devenir footballeur professionnel.

Pour moi le foot c’était tenter des choses, essayer de dribbler dix mecs. Après j’ai compris que ce n’était pas ça. Que c’étaient des déplacements avec, sans ballon. Le fait qu’il ne faut pas prendre des risques dans toutes les zones, ne pas perdre le ballon. Il y a de la tactique, de la technique. C’est la maitrise de tous ces paramètres qui fait la différence, c’est ça qui te fait devenir un grand voire un très grand footballeur. Il faut tout assimiler. Je n’ai pas fait la carrière qu’on me prêtait car le don ne suffit pas. Il y la rigueur, la vie de tous les jours, l’adaptation, les gens qui t’entourent. Je n’ai pas eu les personnes qu’il fallait dans les moments difficiles et je n’ai pas eu le caractère pour passer au-delà de ça.

Le facteur chance joue aussi. Souvent j’ai été blessé à des moments importants. Le choix du club aussi peut jouer. Je ne dirai pas que Saint-Etienne n’était pas le choix qu’il fallait. On va toujours dans le club parce qu’il est en haut mais il faut aussi qu’il y ait des personnes. J’aurais été à Nantes, avec Suaudeau ou Denoueix, ça aurait peut-être été une autre approche. Ça aurait sans doute été plus adapté à ma personnalité, à mon caractère, même si à Saint-Etienne j’ai appris et vécu plein de choses. C’est vrai que j’étais un diamant brut qu’il fallait polir. Il y a un devoir des clubs, il faut t’amener, comme un professeur avec ses élèves. À l’époque c’est le rôle du coach mais sa dépendait de sa personnalité.

Il y a goût d’inachevé, ça reste une souffrance. Beaucoup de personnes avaient investi sur moi. Très vite, j’ai su que j’allais raccrocher les crampons. Dès l’année du titre de champion de France. Les sept ou huit derniers matches, l’entraîneur ne me met plus. Je dois partir en équipe de France, Herbin me dit « non, il y a un match de Coupe d’Europe, la priorité c’est le club. » Michel Hidalgo m’appelle, il me dit « on s’est mis d’accord avec Herbin. » J’ai compris que ça ne dépendait pas que de moi, que quelque part ma vie ne m’appartenait pas. J’ai compris que j’allais suivre un chemin que les autres me traceraient. Je n’étais plus dans ma passion du foot. Très vite j’ai décroché. Quand j’ai rejoint Toulon, j’avais décroché. J’y suis allé car je voulais retrouver le sud, c’est tout."

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