Quelques minutes avant d'être victime d'une rupture du tendon d'achille qui nécessitera une opération lundi, l'ancien défenseur des Verts et des Sang et Or Alaeddine Yahia nous a parlé de sa reconversion.

"Depuis que j'ai raccroché les crampons il y a deux ans, je regarde les matches, je me fais plaisir, je m’occupe de ma famille. Je poursuis ma formation pour devenir agent. Étant donné qu’il faut une licence pour exercer, je bosse pour obtenir cette licence. Je fais ça en e-learning, à distance. C’est compliqué car c’est une lourde charge de travail. C’est surtout du droit, il faut avoir un solide bagage juridique. Je n’avais aucune prédisposition dans ce domaine. Tout ce qui est relationnel et conseil sportif aux joueurs, je sais faire. Mais en droit je pars d’une feuille blanche. Ce n’est pas évident mais à force de travail et de ténacité, on peut y arriver. Ça porte sur les contrats, l’assurance, la fiscalité, le droit du travail, le droit du sport, le droit des sociétés, des associations…

Cela nécessite de l’organisation mais avant ça il faut surtout une volonté. Personnellement cette envie de devenir agent est née quand je suis arrivé chez les Verts. Ce métier m’attire, j’aime bien le rapprochement et le lien entre le joueur et l’agent. Petite confidence : avant de signer à Sainté, j’étais dans les travées de Geoffroy-Guichard avec mon agent Karim Djaziri. Il y avait un petit jeune qui venait souvent à Geoffroy-Guichard regarder les matches. Il s’appelait Karim Benzema. Il était jeune et vraiment frêle à l’époque. Karim Djaziri m’avait dit : « Tu vois ce petit ? Lui il finira meilleur joueur français. » Je pense qu’il n’a pas trop eu tort. Ce que j’aime dans ce métier, c’est la capacité à se projeter dix ans plus tard et surtout la capacité de se remettre en question. Dans le foot, tout est remis à zéro chaque week-end. C’est ça que j’apprécie.

Je regarde beaucoup de matches. Je travaille mon œil, je prends des notes. On apprend tous les jours. Je me souviens d’avoir vu le premier match de Ligue 1 de William Saliba, c’était le match à Toulouse. J’avais appelé Arnaud Nordin, je lui avais dit : « C’est qui ce phénomène ? » Il m’a dit : « Il n’a que 17 ans, c’est effectivement un phénomène. » Par contre je ne m’attendais pas à ce que Wesley Fofana explose comme ça. C’est ce que j’aime aussi dans ce métier. Regardez comme il a progressé ! Dans ce métier-là, il ne faut pas regarder la performance. Tu peux marquer trois buts un week-end et les six week-ends suivant tu ne vas pas marquer.

Il faut regarder le potentiel. Tu peux prendre n’importe quel mec dans la rue qui a joué un peu au foot, tu peux le mettre dans un match de Ligue 1 et il peut marquer. Mais est-ce qu’il va marquer régulièrement ? Si t'as l'oeil, tu peux dégoter des joueurs à potentiel évoluant dans des championnats "anonymes". Il y a d'aileurs un exemple épatant à Sainté cette saison : Yvan Neyou. Le gars vient de la réserve de Braga. Regarde l’adaptation facile qu’il a ! Et à côté de ça parfois t’achètes des mecs 15 M€ et ils ne vont rien faire. C’est ça que je trouve beau dans le football. C’est surtout la volonté du joueur et de son agent qui peuvent permettre au joueur de se libérer, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu.

C’est obligatoire pour moi de me déplacer au moins un jour dans la semaine. Si je n’ai pas regardé au moins deux ou trois matches de visu, ce n’est pas un bon week-end. Il faut que je regarde, il faut que je me fasse l’œil. Il faut que je regarde l’attitude du joueur. Quand tu regardes un match à la TV, tu ne vois que ce que la caméra veut bien te montrer. Quand tu vas voir un match, t’arrives avant, tu observes l’échauffement, l’attitude du joueur, son langage corporel. Tu vas voir le sérieux… Y’a plein de trucs que tu ne peux pas voir à la télé ! Et ça moi j’aime beaucoup !

J’ai la chance d’habiter dans une région, le Nord, où il y a le plus de matches de foot en France. Il y a bien sûr Lens, Lille, Valenciennes, Dunkerque, Boulogne-sur-Mer et je ne suis pas loin d’Amiens, Chambly voire Paris. Je suis également à quarante minutes de la Belgique. Et si j’ai envie de me faire un petit plaisir pour voir la Ligue des Champions, je suis à 1h30 de Londres. Bref, je ne suis pas à plaindre ! (rires) Quel que soit le niveau et le championnat, ça me passionne d’observer des matches. J'emmagasine patiemment. Il y en a beaucoup qui vont vite nulle part, moi je préfère aller doucement mais quelque part."