Paga pas gai

06/01/2015
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Dur dur d'être un bébé du foot ! Laurent Paganelli se dévoile comme jamais dans un entretien paru aujourd'hui dans France Football. Extraits.

 

"J'ai été repéré à treize ans et demi, j'étais à la MJC Avignon. Je suis allé faire les sélections du Sud Est, lesquelles m'ont permis d'intégrer l'équipe de France qui disputait le Tournoi de Montaigu, dont la finale était retransmise à la télé. On a gagné 6-1 et j'ai marqué trois ou quatre buts. Dès le lendemain, un gars du PSG est venu à la maison pour faire une proposition à mes parents. Puis d'autres clubs le surlendemain. J'ai choisi Sainté plutôt que Nantes parce que c'était l'équipe du moment et que c'était plus proche de chez moi.

 

Je me souviens très bien de mon arrivée à Sainté. J'avais débarqué durant l'été 1978. Il y a eu une cascade de blessés dans l'équipe première et je me suis retrouvé aussitôt à l'entraînement avec les pros. C'est pour ça que j'ai joué tout de suite. Trois mois plus tôt, je collais les étiquettes Panini des mecs que j'avais en face de moi. Ça me dépassait totalement. Je n'étais pas du tout préparé à ce qui a suivi.

 

Je suis passé de deux entraînements par semaine à deux entraînements par jour. Le foot, pour moi, c'était un loisir. Je prenais mon ballon et j'allais taper contre un mur pendant trois heures. Je ne travaillais pas, ni techniquement, ni tactiquement. Je n'étais pas prêt non plus à quitter mon environnement, ni à me confronter avec de vrais pros. J'allais passer en classe de seconde, et j'ai arrêté mes études tout d'un coup pour me retrouver dans une chambre qui surplombait la tribune principale de Geoffroy-Guichard. J'ai vécu ça dans une insouciance totale.

 

Mon premier salaire, c'est l'équivalent de 200 euros par mois. Quand je suis champion de France l'année suivante à 17 ans, je touche 1 500 euros par mois. Il n'y avait pas de rapport à l'argent. Quand les clubs sont venus me voir, on n'a jamais parlé de ça. Tu venais pour zéro ! Et sur place, tu te démerdais. A Saint-Etienne, je resquillais pour prendre le tram.

 

Avec les pros qui avaient vécu une finale de Coupe d'Europe, c'était dur. J'étais le gamin qui devait fermer sa gueule. Les mecs avaient un vrai vécu et du caractère. Ils te bougeaient le cul. Tu étais dans la compétition tout le temps. Quand j'entends aujourd'hui qu'on parle de la rigueur de Bielsa avec ses gars… Nous on baignait là-dedans en permanence. Pour moi, ça a été un calvaire. Quand j'entre au Parc pour remplacer Rocheteau à la mi-temps, pour mon premier match, je suis en dessous de tout.

 

J'ai eu la pression tout de suite. Enorme. A l'époque, quand tu jouais, c'est que tu devais jouer. On ne calculait pas ta marge de progression et on se foutait de ton âge. On ne te protégeait pas. Quand Herbin m'a sorti contre Ipswich en Coupe d'Europe et m'a collé sur le banc pour le reste de la saison, ça a été un no man's land. Je n'ai pas compris, et il ne m'a jamais expliqué pourquoi. Herbin était un père pour moi. J'ai eu le sentiment d'avoir été abandonné. Toute mon insouciance s'est envolée, et je ne m'en suis jamais remis. Je n'avais pas la capacité mentale pour ça. Je n'étais pas préparé à monter aussi vite ni à descendre aussi vite.

 

Ma carrière a alors dérapé. Aux problèmes psychologiques, se sont bien sûr greffés des problèmes physiques. Avec le recul, et en regardant les jeunes de quinze ans aujourd'hui, je comprends pourquoi. A cet âge-là, même en étant doué, on n'est pas certain de réussir. Il y a trop de paramètres qu'on ne maîtrise pas. Moi, je n'ai pas eu le temps de grandir. C'est déstabilisant d'être starisé à quinze ans. J'étais devenu fier, arrogant. On ne peut réagir normalement quand on te monte si haut et qu'on te donne tous les surnoms de la terre. Je suis passé du "petit Mozart" à rien du tout. Etre le plus jeune joueur de l'histoire de la L1 ne m'a pas rendu service.

 

Le petit Allan Saint-Maximin me fait penser à moi. Je le vois débuter, mais je le sens déjà pressé de s'imposer. C'est souvent le cas à cet âge-là. On a des qualités, on est bon, on veut le montrer. Mais, de match en match, tu te rends compte qu'il y a encore de la distance. Le temps de la progression est toujours plus long que ce que tu crois. Chez un jeune joueur, les problèmes viennent de là. Quand tu veux faire vite, tu ne comprends pas qu'il y ait une résistance. Pourquoi je ne peux pas marquer ? Parce que tu as envie de t'imposer, tu dénatures ton jeu. Deux autres noms me viennent à l'esprit, ce sont ceux de Le Tallec et Sinama-Pongolle, dont on attendait tellement quand ils sont devenus champions du monde des U17. Mais il y a un cap à passer entre les attentes des autres et ce que tu peux vraiment donner. La maturité physique se travaille. Intellectuellement, il faut être dans la maîtrise et l'équilibre. A un moment, il faut être responsable. Mais c'est difficilement compatible avec la jeunesse.

 

Ce que j'ai vécu comme footballeur, je le traîne encore. J'avais un vrai équilibre quand je jouais. Quand on m'a tiré dessus, je n'ai pas compris. Et la cicatrice ne s'est jamais refermée. Encore aujourd'hui, mon comportement au quotidien est conditionné par cet échec.  Ça s'est joué à 19 ans. Ça fait donc 33 ans que je porte ça comme un boulet, que je traîne en moi cette absence de maîtrise. Je n'ai pas dénoué mon problème de non-réussite, parce que je n'ai jamais pu en parler avec personne. Je suis dans l'incompréhension totale. Comme un mec qui se fait larguer par sa nana sans savoir pourquoi…

 

Si j'avais vécu ça aujourd'hui, j'y aurais été mieux préparé. Désormais, on donne aux jeunes tous les atouts. On leur permet de s'acclimater, de manger sainement, de comprendre tactiquement, d'évoluer, d'aller doucement au contact des pros… Il y a des  gens qui t'entourent. On est dans la réflexion. Les éducateurs sont formés. Il y a presque un entraîneur par mec.  J'ambitionne d'être le plus vieux joueur de la L1 ! (rires) Je me suis renseigné auprès des dirigeants. Je veux faire ça avec Saint-Etienne, entrer trois minutes sur un match sans enjeu. Pour boucler la boucle. C'est peut-être le seul moyen de me délivrer du poids que je traîne."

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