Historien de l'ASSE et conservateur du Musée des Verts, Philippe Gastal a rendu un bel hommage à Franz Beckenbauer hier sur Radio Notre Dame.

"J’ai eu le grand privilège de rencontrer Franz Beckenbauer lors du championnat d’Europe en Portugal en 2004. Avec cette classe qui le caractérisait sur le terrain comme en dehors, il était avec son épouse dans un restaurant. Je lui avais dit que j’étais l’historien de l’AS Saint-Etienne. Il m’avait dit « asseyez-vous ! » et nous avions discuté des différentes confrontations entre l’ASSE et le Bayern.

En 1969, après une défaite 2-0 de l’ASSE à l’aller dans le vieux stade de Munich, l’ASSE avait renversé la situation 3-0 ici. Il m’avait dit : « on avait été dominé ! Sepp Maier avait fait un match incroyable, on aurait pu en prendre 5 ou 6. Vraiment, je voyais l’ASSE allait très loin lors de cette compétition cette saison-là » [Sainté a été éliminé dès le tour suivant en 8^e de finale par le Legia Varsovie en Coupe d’Europe des Clubs champions, ndp2]. Franz Beckenbauer avait été impressionné par l’ambiance de Geoffroy-Guichard et par les joueurs de l’ASSE.

Après nous l’avons rencontré en demi-finale de Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1975. Il m’avait expliqué qu’au match aller, ici sur un petit tapis de neige, il avait joué avec une forte fièvre, ce qu’aucun média ne reprend à l’époque. Il m’a dit « j’avais joué avec 39°C de fièvre et nous avions tenu ce match nul 0-0 au match aller. » Au match retour, il avait été lumineux. Il volait sur un terrain. Il dégageait une aisance technique. Il a donné au poste de libéro ses lettres de noblesse.

En ce sens il a révolutionné, il a modifié le jeu du football. Il était lumineux, il était aérien. Il avait commencé comme milieu et il était devenu défenseur en révolutionnant ce poste de libero. Il pouvait monter, traverser le terrain, prendre appui par exemple avec son ami Gerd Muller et marquer des buts. Il a été vraiment un défenseur attaquant. Il est le seul défenseur à avoir acquis deux Ballons d’Or.

On parle du plus grand défenseur de l’histoire du football. Il a révolutionné le jeu en lui-même avec ce poste de libéro parce qu’à l’époque le plus souvent le défenseur avait des consignes de ne pas dépasser le milieu de terrain. Lui le dépassait régulièrement avec une aisance… Je me rappelle ses extérieurs du pied droit, du pied gauche. Et puis il ne regardait jamais le ballon en jouant. Il était aérien, il était lumineux. Il demeurera le plus grand défenseur de l’histoire du football.

Alors sur cette finale de 1976 avec ses fameux poteaux carrés, il m’avait dit : « On ne méritait peut-être pas de gagner ce jour-là. » Quelque part il était un peu malheureux pour l’ASSE parce que Hampden Park était vert ce soir-là, il y avait peu de supporters du Bayern. Il voyait tout l’engouement autour de Saint-Etienne, il savait que c’était une ville de football pour y être allé déjà plusieurs fois. Il m’avait dit : « Saint-Etienne aurait mérité ce jour-là de devenir champion d’Europe. »

Petite anecdote : nous en 1980, on rencontre Hambourg en Coupe d’Europe, on va s’imposer 5-0 là-bas en Coupe UEFA. Il avait fini à Hambourg, peu de personnes le savent, lors de la saison 1980-1981. Mais il était blessé, il n’avait pas pu jouer. On aurait pu affronter à nouveau le Kaiser Franz cette saison-là à Hambourg."