Resté vert, Pivot conclut par du Verneyre !

13/06/2021
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Resté vert à 86 ans, Bernard Pivot conclut aujourd'hui sa chronique littéraire du JDD de la plus belle des manières !

Intelligent comme ses pieds !

Il m’est difficile d’imaginer qu’on puisse ne pas aimer le football et ne pas se passionner pour l’Euro qui se terminera le dimanche11juillet au stade Wembley, à Londres. «Je plains les réticents, les snobs et les stoïques,écrit Olivier Guez, écrivain dingue de foot. Ils ne connaîtront jamais les sensations que procure la soumission à ce jeu débile où des hommes et des femmes pour-suivent un ballon et poussent des cris orgasmiques après l’avoir propulsé dans des filets.»

Le livre d’Olivier Guez (prix Renaudot 2017 pour La Disparition de Josef Mengele) s’intitule « Une passion absurde et dévorante ». Jeu débile ? Passion absurde ? Oui, en apparence, de prime abord, comme paraît insensée l’énergie dépensée pendant quatre ou cinq heures par deux types qui se renvoient une petite balle jaune par-dessus un filet. Mais qui a joué au foot, au tennis et a pratiqué d’autres sports, eux aussi visiblement idiots, sait bien qu’il est difficile d’y exceller et que la beauté du spectacle dépend des qualités des acteurs. L’universalité du football vient de ce que, gamins riches ou pauvres, nous avons tous tapé du pied dans un ballon, une boîte de conserve ou une boule de chiffons. Il n’y a pas geste plus naturel.

Certains y prennent goût, constatent qu’ils ont des pieds intelligents et découvrent le plaisir à jouer chaque week-end onze contre onze. Les plus doués en font leur métier. Les autres prolongent leur addiction en devenant spectateurs et surtout supporters fanatiques d’un club. C’est ainsi que dans le monde entier se parle une même langue qu’Olivier Guez appelle «l’esperanto du football». Les écrivains français ont longtemps méprisé cet esperanto populaire qualifié d’opium des peuples. Pour des Camus, Montherlant, Giraudoux, Roblès, anciens pratiquants – Semprun, supporter du Real Madrid –, combien d’intellectuels qui ironisaient sur un sport pour analphabètes, buveurs de bière et brailleurs du dimanche ?

Dans les années1980, pour m’être souvent assis dans les tribunes du Parc des Princes et de Geoffroy-Guichard, j’ai suscité dans la presse quelques articles où des intellos de gauche et de droite se demandaient s’il n’y avait pas incompatibilité, donc imposture, à s’entretenir avec Marguerite Yourcenar ou Claude Lévi-Strauss quand on fréquente des stades de football. La victoire de la France au championnat du monde, en 1998, c’était un peu aussi la mienne, celle d’Olivier Guez et de tous les écrivains footeux devenus subitement majoritaires.

Trois fois meilleur buteur des minimes d’Alsace-Lorraine, entre 1984 et 1986, Olivier Guez a rêvé d’une carrière qui l’aurait vu jouer dans l’équipe première de Strasbourg avant de prendre le chemin de Munich dans la voiture de Franz Beckenbauer. Il a bifurqué vers l’écriture et probablement a-t-il eu raison. Ses qualités sont peut-être les mêmes que celles qu’il affichait sur les pelouses. L’engagement, l’énergie, la ferveur, de nombreux tacles aux escrocs et «pyromanes» du football, quelques buts assassins, d’inattendus centres et déviations, et de jolies passes aux joueurs qu’il aime.

Sur le football d’Amérique latine, Olivier Guez est incollable. Ce sont les victoires de la Céleste qui ont construit l’identité de l’Uruguay. Le Brésil a inventé le dribble, les joueurs de couleur évitant ainsi tout choc, tout contact avec les rudes défenseurs blancs. Sur le football argentin, il joue les prolongations, grâce à trois joueurs exceptionnels, Di Stefano, qu’il n’a pas connu, Maradona et Messi (j’aurais aimé qu’il ajoutât Piazza, juste pour me faire plaisir). Des chapitres s’enchaînent qui racontent l’histoire et font l’éloge de Maradona. Oh, qu’il le préfère, «ce personnage baroque, bouillant et excessif en tout», au placide, «presque terne et peu charisma-tique» Messi !

Olivier Guez a assisté dans une cafeteria de Buenos Aires à la finale télévisée de la Copa Libertadores qui opposait à Lima le club argentin de River Plate au club brésilien Flamengo. Spectacle inouï d’une foule de supporters survoltés, «la cafeteria tangue, trépide et prie», c’est un tremblement de terre, c’est une fin du monde. Le Français «file lâchement aux toilettes». Ainsi faisons-nous tous quand le suspense devient insoutenable et que nous craignons pour nos cou-leurs. Lorsque Olivier Guez revient, Flamengo a marqué deux fois, River Plate est battu, les Argentins crient de détresse, pleurent, le chapelet a été jeté par terre. C’est beau comme du Victor Hugo.

P.-S. : La défaite imméritée de Saint-Étienne en finale de la Coupe d’Europe des clubs, à Glasgow, en 1976, continue d’alimenter la légende même chez ceux, trop jeunes, qui ne l’ont pas vécue. Ainsi Les Poteaux carrés de Glasgow, d’Yves Jean (Mareuil Éditions), et La Passion selon Saint-Étienne, de Christophe Verneyre (En Exergue éditions), analyse fouillée d’une fidélité absolue.

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