Tabanou sans tabou

01/06/2023
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Dans un entretien accordé à Ouest-France avec son ancien coéquipier gay Ouissem Belgacem, l'ancien latéral stéphanois Franck Tabanou (34 ans) évoque la question taboue de l’homosexualité dans le foot et appelle à une éducation bien plus importante de ses acteurs. Extraits.

"Je n’aurais pas misé un euro sur l'homosexualité de Ouissem, il la cachait bien quand je jouais avec lui au TFC. Je pensais le connaître. Pas du tout, en fait. Ouissem, c’est un peu comme Batman qui met son déguisement et le retire dans sa chambre. Si quelqu’un avait su, à ce moment-là, pfff… Compliqué, pour Ouissem. Impossible, même. Le football est cruel. Dans un centre, tu es épié de A à Z. Tout le monde observe le moindre moment de faiblesse de l’autre. Une faille, et tu es cuit. Les petits n’ont pas la maturité pour accueillir ce genre de nouvelles. Ils n’ont pas l’éducation, non plus.

Lors d'une des interventions de Ouissem à Toulouse l’année dernière, un entraîneur de jeunes lui a dit qu’il avait l’habitude de parfois dire à ses joueurs de "se bouger le cul, car ils jouaient comme des PD" pour les motiver. C’est un manque de psychologie évident. Si un mec dans le vestiaire est gay et entend ça… D’où l’importance qu’il y ait des interventions dans les centres de formation, comme celles que fait Ouissem depuis un an. Parce que même moi, qui m’en tape de l’orientation sexuelle de chacun depuis très jeune, il m’est arrivé de dire "sale pédé" ou "on joue comme des pédés". Pourtant, dans mon esprit, ce n’était pas une attaque envers les homosexuels. C’est difficile de l’expliquer…

C’est banal comme discours. C’est un code dans un vestiaire. C’est ça le problème. Aussi, je le disais car j’étais persuadé que ni Ouissem ni aucun de mes coéquipiers n’était homosexuel. L’image qu’on avait d’un homosexuel à l’époque était très cliché. C’était le cliché de l’efféminé, de la folle. Il n’y en avait pas dans le vestiaire. Alors qu'il y a des gays bien plus virils que moi. Mais à l’époque, on n’était pas éduqué sur ces questions. Ouissem a fait son coming-out dans ma maison. C’était il y a 4-5 ans. Ouissem devait déménager à Barcelone à l’époque. Un jour, il vient me voir et me dit qu’en fin de compte, il n’y va pas parce qu’il est avec quelqu’un. J’étais content pour lui, je le félicite. Là, il me dit que ce quelqu’un n’est pas une fille.

J’étais très surpris. Ça faisait plus de dix ans qu’on se connaissait. Mais ça s’est vite effacé et a laissé place à la fierté qu’il se confie à moi. C’était gratifiant, surtout que ça faisait des années qu’il vivait avec ce secret et ce mal-être. J’avais l’impression qu’il était soulagé de l’annoncer. Il pouvait enfin vivre sa vie, réellement. Parce que s’inventer des meufs, ce n’est pas une vie. La différence ne me dérange pas. Moi, c’est simple : je m’en tape. Tu fais ce que tu veux, tant que tu es bien avec toi-même. 

Quand Ouissem m'a parlé de son projet d’écrire sa vie dans un livre, jai trouvé que c’était une super idée. Je lui ai tout de suite dit qu’il s’embarquait dans un combat avec ce livre. J’ai été parmi les premiers à le lire. J’étais choqué. Je ne pensais pas qu’il avait mis un tel stratagème en place pour cacher son homosexualité. Le mal-être qu’il a dû ressentir pendant toutes ces années… Incroyable.

Plusieurs joueur ont refusé d'arborer le maillot floqué de couleur arc en ciel et de jouer récemment lors de la 35e journée. Ce sont des attitudes que je ne comprendrais jamais. On ne leur a pas demandé d’aller sur un char à la Gay Pride ou de zouker avec des mecs. On leur demande de soutenir des gens qui se font violenter car ils sont homosexuels. Ces comportements, et leur justification sur un prétendu droit à la liberté d’expression ou à la croyance personnelle, c’est du n’importe quoi. Les mecs confondent tout et se trompent de combat. Imaginez qu’il y avait une journée avec un maillot dédié aux musulmans victimes de violence et que je dise : "Ah non, croyance personnelle, je ne le mets pas." Aucun rapport, mon frère.

Il ne faut surtout pas généraliser. Le foot est un milieu très viril, machiste, où il faut montrer qu’on est fort, ne pas exposer ses failles, oui. Mais il n’est pas homophobe. Le problème, c’est qu’on met en avant cette minorité qui fait du bruit. On relaye ses bêtises. Quand des membres de centres de formation voient ce que pensent ces joueurs professionnels, qu’ils considèrent souvent comme des exemples, c’est encore plus compliqué après… Les médias ont donné trop d’échos à ces propos. Il y a aussi des footballeurs qui sont ouverts d’esprit, conscients de ce sujet.

Les joueurs ont peur de se mouiller. C’est vraiment dommage. Si les grands joueurs internationaux prenaient position, ils auraient tellement plus d’impact que les 5-6 joueurs de Ligue 1 qui n’ont pas voulu mettre le maillot. Pourquoi ils ne se mouillent pas ? Quel est le risque ? Pour les internationaux, il n’y en a pas ! C’est pour ça que c’est dommage. Les mecs sont titulaires, installés. Ils ne vont pas perdre leur place. Si on pousse le vice, c’est même bien de parler de ça en termes d’image ! Mais ils ne prennent pas de risque. Chacun ses priorités…

Lors de ces fameuses journées contre l’homophobie, certains portent le maillot pour ne pas avoir de problèmes, mais finalement, ne sont pas sensibilisés et s’en fichent du combat. C’est sûr et certain. C’est le cas de la majorité des joueurs. Moi qui ai participé à plusieurs journées de lutte contre l’homophobie, en France, en Angleterre et en Espagne, on ne m'expliquait jamais concrètement pourquoi. On nous donnait un maillot arc-en-ciel, ou des lacets arc-en-ciel, à mettre durant 90 minutes, et basta. C’est une fois par an pour l’image. Ça fait bien. Derrière, il n’y a rien du tout. En France, la FFF et la LFP s’en foutent de la lutte contre l’homophobie ! Si Ouissem n’intervient pas dans les centres sur cette question, personne ne le fera. Ces maillots arc-en-ciel, c’est une initiative déguisée.

Quinze ans après mon  passage en centre de formation, c'est-ce toujours impossible pour moi aujourd’hui d’imaginer un coming out d’un jeune ou d’un joueur professionnel. La société a évolué, mais le monde du foot est encore trop cruel. Quand tu arrives dans un centre de formation à 15 ans, tu ne connais rien de la vie. Tu écoutes juste ce qu’on te dit à la maison et au centre. Il faut donc éduquer à la racine. C’est la priorité. En revanche, chez les pros, je pense qu’il y aurait moins de problèmes. S’il y en a un qui le dit, ce sera un sacré message pour les autres. Mais, mentalement, il devra être très fort."

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