100% Verneyre

21/05/2021
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Auteur de La Passion selon Saint-Etienne (éditions en Exergue), Christophe Verneyre était hier soir l'invité de France Bleu Saint-Etienne Loire dans l'émission "100% Verts". Vous avez raté l'intervention de Parasar et n'avez pas le temps de réécouter le podcast de l'émission ? Pas de panique, on vous a retranscrit intégralement les propos du cofondateur de Poteaux Carrés !

"Je décris quelque chose qui est de l’ordre de l’universel. La passion du supporter n’est pas propre à moi, elle n’est pas propre à ce club. L’autre aspect de mon livre c’est que c’est une vraie introspection. Je décris vraiment tous les états d’âme, toutes les émotions qui me traversent au quotidien depuis plus de quarante ans en lien avec ma passion pour les Verts. Évidemment, du coup, ça vient interférer sur ma vie de tous les jours, sur ma vie privée, sur mes relations amicales, amoureuses.

Je pense que tous les supporters qui sont passionnés vivent la même chose : on ne peut pas vivre une journée sans penser à plusieurs reprises au club. Et à un moment donné, la vie du club peut conditionner notre vie intime au sens où on va avoir envie de refuser une soirée, aussi sympathique et prometteuse soit-elle, parce qu’il y a un match des Verts programmé le même jour. Le jour où je me suis marié, je me souviens que lorsqu’on a planifié ça avec ma femme, je lui ai dit : « ce serait bien qu’on planifie ça en juin, comme ça a priori on sera à l’abri de toute problématique, de tout conflit d’agenda ! (rires)

C’est anecdotique mais ce que je décris et ce qui est absolument vrai c’est que c’est présent dans toute ma vie au quotidien donc ça peut parfois générer des petits conflits (rires). Avant qu’elle ne devienne mon épouse, j’ai emmené ma femme au stade. À L’époque j’habitais et travaillais à Paris, elle aussi. Les Verts jouaient en D2. Il y avait beaucoup de clubs dans la très grande couronne parisienne qui jouaient en Ligue 2, de Beauvais à Amiens en passant par Sedan etc. J’ai fait beaucoup de déplacements pendant cette période-là.

Le baptême du feu pour ma femme a été un bizutage assez sévère. Je l’ai emmenée dans des conditions pas très sympas, dans le vieux stade d’Amiens avant le stade de la Licorne comme dans le stade de Beauvais. Je l’ai emmenée derrière les cages, dans des tribunes qui n’en étaient pas en fait, c’était des buttes en terre. Parfois il pleuvait et par ailleurs il n’y avait pas de toit, c’était des conditions un peu spéciales mais qui en même temps mettent vraiment à nu ce qui est la passion du supporter.

Elle a largement et totalement adhéré. Je pense que ça lui a beaucoup plu. Quand on a eu des enfants elle a fait moins de déplacements, elle est moins venue voir les Verts avec moi. Ça lui manque plutôt et je sais que ça l’amuse d’aller voir les Verts avec moi de temps en temps et ça l’amusera de le faire plus longtemps quand elle sera un peu plus dispo. Ma femme sait que je peux me mettre en colère pendant un match, je peux déborder. Ensuite, je me contiens quand même toujours, ma personnalité fait que je ne me transforme pas totalement. Je n’ai jamais cassé de télé, même si j’en ai parfois eu envie, lors d’une défaite à la 93e minute lors d’un derby par exemple. Je ne suis jamais allé jusqu’à ces extrémités-là même si d’un point de vue vocal je monter assez haut.

Les Verts des matches m’ont touché en 1982. Je n’étais pas très jeune, je n’avais pas tout à fait onze ans. Auparavant j’avais conscience que Sainté était l’équipe qui dominait le foot français. Mon père allait régulièrement aux matches, mes frères ainés allaient voir les Verts. J’avais connaissance de cette actu mais ça ne me touchait pas profondément. En 1982, la finale de Coupe de France contre le PSG et la finale du championnat – on a failli être champion mais la dernière journée Monaco finit premier devant nous – je les ai ressentis un peu comme des cataclysmes intérieurs et des grands moments de tristesse. C’est ce que je décris dans le livre, mes deux premières émotions étaient intégralement négatives mais c’était vraiment des émotions fortes. J’avais déjà vu des matches à Geoffroy-Guichard deux ou trois ans auparavant mais ils ne m’avaient pas marqué.

Mon père avait 40 ans de plus que moi. Quand j’ai 10 ans, il en a 50 donc il n’est plus très jeune. J’ai maintenant l’âge qu’il avait quand je suis allé au stade pour la première fois avec lui. Il était très calme, il intériorisait beaucoup de choses, il ne se levait pas sur les buts des Verts. Il extériorisait très peu de sentiments ou de réactions, ce qui m’a toujours beaucoup surpris, parce que ça fait partie pour moi de ce que je recherche vraiment dans le foot. Cette émotion-là du but dans le football, elle est unique. Malgré tout, je sais qu’il adorait ça parce qu’il a suivi ça de très près, il est allé à Glasgow en 1976 voir la finale. Parce que dans sa jeunesse ayant vécu à Nice il allait voir dans les années 50 l’équipe de Nice au stade du Ray donc il adorait le foot.

Mon père adorait le sport et la compétition. Mais il vivait ça différemment de ce que moi je vis aujourd’hui. C’était sa personnalité, sur le sujet comme sur d’autres, quand il s’agissait de parler de son métier ou d’autre chose, il témoignait très peu. Sur les « malheurs » de son existence, les décès de proches, il témoignait vraiment de très peu d’émotions. C’était cohérent mais du point d vue du foot c’était surprenant. Quelqu’un qui va au stade, sauf s’il vient un peu par hasard pour suivre un ami, en général il réagit, au moins fortement sur les buts. Ça existe très peu ce genre d’absence de réaction.

La saison 1984-1985 a été marquante pour moi. C’était la première saison en D2, à une époque ou pour moi Saint-Etienne ne pouvait pas descendre en D2, c’était juste pas possible. Il se trouve qu’à 12 ans je suis allé voir le match retour de barrage qu’on perd contre le Racing devant 45 000 personnes et dans une ambiance de mort quasiment, c’est-à-dire avec un silence absolu, des joueurs effondrés sur le terrain, beaucoup de gens qui pleurent dans les tribunes comme sur le terrain. À cette tristesse absolue va succéder assez vite, même si on démarre mal la saison, une période où à partir de septembre elle se met à tout gagner. Peut-être que ce contraste entre le drame absolu de la descente et cette renaissance très forte m’a vraiment fait tomber amoureux de cette équipe.

On avait en plus un peu envie de s’identifier aux joueurs parce que sur les onze il y en avait neuf formés au club. À part le défenseur central Didier Gilles et Roger Milla, les neuf autres que je liste dans un des chapitres, c’est des Patrice Ferri, des Jean-François Daniel, des Jean-Luc Ribar. Des gens qui n’ont pas forcément fait carrière après ou en tout cas pas une carrière extraordinaire mais qui pour moi sont vraiment restés gravés dans ma mémoire. Aussi parce que j’avais le poster de cette équipe-là dans ma chambre d’ado et que ce poster est resté accroché cinq ou six ans. Je m’endormais avec ce poster en face de moi donc forcément je pense que cette image-là a contribué à ce que cette équipe reste vraiment au plus haut dans mes souvenirs. C’est aussi celle qui a tout déclenché.

Avec le recul, je pense que la période qu’on a vécue sous Galtier est sans doute celle qui réunit le plus de choses positives. Comme elle est fraîche dans ma mémoire, la nostalgie ne joue pas encore trop mais j’ai adoré cette période car j’ai adoré la personnalité de Christophe Galtier, j’ai adoré la personnalité de son équipe, le profil des joueurs qu’il avait recrutés. Même si je n’ai pas eu le poster dans ma chambre sauf que mon fils l’avait, si je regarde un par un ceux qui gagnent la Coupe de la Ligue, les Aubame, Guilavogui, Perrin évidemment, ce sont des joueurs que j’ai adorés. Je trouve que l’esprit qui se dégageait de cette équipe correspondait parfaitement à l’idée que je me fais du foot, de l’aventure collective que ça doit être.

On a gagné un titre et il y aussi cette idée de fidélité parce que beaucoup de ces joueurs sont restés longtemps. Il en reste encore un ou deux dont j’adorerais qu’ils puissent continuer d’ailleurs. Si un jour Claude Puel entend cette interview, j’aimerais bien que Romain Hamouma reste. J’ai aussi adoré Antonetti, notamment pour le personnage et pour la remontée, et puis j’avais adoré l’équipe d’Herbin en 1987-1988, l’équipe de Garande-Tibeuf. Mais celle qui est pour l’instant le plus haut c’est celle de Christophe Galtier.

La radio, c’était un peu ma messe du week-end. C’était le multiplex qui à l’époque avait l’intérêt de diffuser dix matches de D1 en même temps. C’était une grand-messe car c’était une fois par semaine, à un horaire qui ne changeait jamais, à 20H30 le samedi. C’était une dramaturgie. Quand on n’avait pas les moyens ou qu’on ne voulait pas pour une raison X ou Y aller au stade, c’était vraiment l’unique moyen de suivre son équipe. Il y avait une dramaturgie quelle que soit la qualité des gens qui animaient le truc. La simple diffusion de dix matches qui se déroulent en même temps est un scénario qui se suffit à lui-même.

Il y a désormais un multiplex à la télé les deux dernières journées de L1 mais typiquement j’ai regardé le match des Verts sur Canal Plus Sport au lieu de regarder le multiplex. Le média radio, qui peut paraître plus pauvre car évidemment il manque l’image et dans un spectacle comme le foot c’est un peu ennuyeux, ça développe l’imagination. En termes de dramaturgie ça renforce toutes les émotions sentiments qu’on peut traverser, toutes les émotions qu’on peut vivre pendant 90 minutes. La force de l’explosion est sans commune mesure quand on entend « but à Saint-Etienne » à la radio avec la joie qu’on a au stade où devant la télé car on voit souvent arriver le but à quelques exceptions près ou en tout on commence à être excité car on sent qu’il y a du danger sur le but adverse. Ce qui était exceptionnel quand on jouait à Geoffroy-Guichard, c’est que lorsque l’envoyé spécial appuyait sur le bouton pour prendre l’antenne, il y avait deux secondes avant qu’il annonce « but à Saint-Etienne » et on entendait la clameur du stade. On comprenait au bruit, au son que ça produisait, que le but était pour les Verts juste avant qu’il soit annoncé. Cette sensation-là était délicieuse. C’est une émotion très forte spécifique à la radio.

Mon Geoffroy-Guichard à moi ? C’est y venir une demi-heure avant pour pouvoir savourer le plaisir de progressivement laisser de côté toute autre pensée que celle du match qui arrive, tout ce qui peut polluer son quotidien. C’est déguster le remplissage progressif des tribunes, voir l’échauffement et ne surtout pas arriver que deux minutes avant le début du match. Mon Geoffroy-Guichard à moi c’est ces quatre tribunes même si aujourd’hui elles ont été finalement raccrochées les unes aux autres. Elles sont proches du terrain, c’est important. C’est un public qui vibre ensemble avec tout le panel des émotions qu’on imagine. Ça me manque. J’y suis allé en début de saison contre Lorient mais il y avait 4000 personnes avant qu’on ferme tout.

La dernière grosse émotion c’était la demi-finale contre Rennes. C’est ça que j’ai envie de retrouver évidemment car cette communion a quelque chose d’unique. C’est aussi un peu pour ça que j’ai appelé mon livre la Passion selon Saint-Etienne. Il y a cette idée de religion derrière cette passion pour ce club. Il y a cette communion de tout ce public composé de personnes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres et qui ne se croiseront jamais ailleurs, socialement, en termes d’âge ou autres. Je trouve que cette idée de communion est belle et très concrète quand on vient dans ce stade."

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