Kastendeuch tacle Larqué

28/10/2025
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Dans son autobiographie Derrière le masque parue le 15 octobre aux éditions des Paraiges (une maison messine, forcément), l'ancien défenseur stéphanois Sylvain Kastendeuch (62 ans) revient sur ses vertes années (1990-1993) dans un chapitre intitulé "Vert d'espoir, vert de rage." Extraits.

"À la fin de la saison 1989-1990, quand j'aborde la question d'un départ devant lui, Carlo Molinari ne s'oppose pas à mon départ de Metz. Son boulot de dirigeant, c'est de considérer le bénéfice qu'il pourrait en tirer, à savoir la manne financière que procurerait un transfert. Ma décision prise, deux clubs font part de leur intérêt. Montpellier, récent vainqueur de la Coupe de France en finale contre le Matra Racing, est sur les rangs. Intéressant. Le président Louis Nicollin défend un projet ambitieux pour son club, présenté pour beaucoup comme une valeur ascendante de notre championnat. Vincent Guérin, Daniel Xuereb, Stéphane Paille, Eric Cantona… Dans l’Hérault, de grands noms défilent à table en ces temps-là.

Et puis, il y a Saint-Etienne. Ces Verts dont j'ai été un fan inconditionnel. Ce maillot de prestige. Et un président, André Laurent, que je ne connais alors ni d'Eve ni d'Adam, mais dont le discours me convainc lorsque nous nous rencontrons pour la première fois. Quel charisme ! Quelle élégance ! Je tombe sous le charme de l'homme comme de sa personnalité, qui vous séduit instantanément. André Laurent est un industriel de talent arrivé à la tête du club dans la foulée de l'affaire dite de la caisse noire qui fit vaciller l'institution stéphanoise à partir de 1983. Ses mots sont ardents.

Je repère aussitôt en lui un visionnaire et un dirigeant intègre, porté par des valeurs et un attachement à la notion de collectif que je partage. Nous sommes semblables. La feuille de route est simple à résumer. Après des années d'errance en coulisses et sur le terrain, où les résultats ont connu un spectaculaire déclin après l'âge d'or des seventies, André Laurent entend tout mettre en œuvre pour repositionner l’AS Saint-Étienne au sommet de la pyramide et ainsi renouer avec la fièvre des grandes bagarres européennes. Celles-là mêmes qui ont tissé la légende de l'équipe du Forez à la réputation planétaire. « Voulez-vous en être ? » me demande-t-il. Quelle question ! « Bien sûr que je veux en être ».

C'est excitant. Je me sens surmotivé. Oui, je veux être de cette aventure qui correspond en tout point à mes attentes, mes projections, ce que je suis. Sans compter qu’à Saint-Etienne je ne serai pas dépaysé. Les valeurs ouvrières du club ne sont pas sans me rappeler ce qui m’émeut tant à Metz, et dont je me sens redevable. De Saint-Etienne, c’est cela qu’il me reste. L’incandescence. Les nerfs à fleur de peau. Cette sensation que chaque match est une affaire de vie ou de mort. L’existence résumée en 90 minutes. La chaleur des tribunes. Le Chaudron qui chaudronne… Et le cœur qui tremble. Trente ans après, j’en ai encore la chair de poule.

La saison 1992-1993, une poignée de points nous fait défaut en fin de championnat pour accrocher le wagon européen. Après avoir été troisièmes à la trêve de Noël, notre septième place sur la ligne d'arrivée valide cependant la courbe ascendante qui est la nôtre depuis 1990. Autre statistique instructive, cette saison-là, nous la bouclons avec huit défaites au compteur, soit deux de plus seulement que l'Olympique de Marseille qui a survolé le championnat et qui s'apprête à remporter la première C1 d'un club français. Qu'on se le dise, « Sainté » est de retour !

Au cours de cette même saison, l'équipe se hisse dans le dernier carré de la Coupe de France, après avoir notamment écarté l'OM en quart de finale, deux semaines avant la finale européenne des Marseillais contre l’AC Milan à Munich et le coup de tête historique de Basile Boli. En demi-finale, c'est le FC Nantes qui nous est proposé. L'affiche a lieu à domicile dans un Chaudron rempli jusqu'au cintre et encore plus bouillant qu'à l'habitude, c'est dire. En dépit de cette ambiance exceptionnelle, nous butons sur une entreprenante équipe nantaise, future championne de France l'année suivante, qui nous surprend 1-0. 

Nous l'ignorons encore mais cette défaite va entraîner une fracture au sein du club. L'un des pires moments de ma carrière. Au lendemain de notre élimination contre les Canaris, l'ancien capitaine de l'AS Saint-Etienne Jean-Michel Larqué, reconverti consultant pour la chaîne TF1, profite de cette contre-performance et de la vitrine d'exposition offerte par l'émission Téléfoot pour tirer à boulets rouges sur le président André Laurent. Au micro, Larqué n'a pas de mots assez rudes pour fustiger le bilan de celui qui se trouve alors être en conflit avec le groupe Casino, principal mécène de l'ASSE.

Un putsch se prépare, ourdi à une heure de grande audience de surcroît. La manœuvre de Jean-Michel Larqué est couronnée de succès. Mis en difficulté, André Laurent est rapidement débarqué. Nommé directeur sportif dans le nouvel organigramme mis en place autour d'Yves Guichard, le successeur d'André Laurent, l'ex-international convoque un matin le capitaine que je suis devenu au sein de l'équipe afin de m'exposer son plan de bataille. Car oui, entretemps, j'ai hérité du brassard chez les Verts, un privilège que je considère immense.

En tout et pour tout, la discussion entre Jean-Michel Larqué et moi dure une dizaine de minutes. C'est peu pour apprendre à se connaître et espérer effectuer un tour d'horizon complet. Une dizaine de minutes dont je conserve un souvenir cuisant. Je le vérifierai bientôt, tout le cours de cet entretien n'aura été que duperies et promesses mensongères. Face à moi, j'en prendrai conscience ensuite, se tient en vérité une sorte de miroir inversé d'André Laurent dont je veux, une fois encore, louer ici la parfaite intégrité.

Les yeux dans les yeux, Jean-Michel Larqué me l'assure, il compte sur moi. Juré, craché. Dans les faits, il en va très différemment. Sur son insistance, le club stéphanois recrute un certain Laurent Blanc, en provenance de Nîmes, où il avait rebondi après une expérience à l'étranger, en Italie avec Naples. Détail qui n'échappe à personne, nos profils se ressemblent. Nous avons à peu près la même allure, la même panoplie technique, la même conception du poste de libero.

Résumons, on compte sur moi, mais on recrute un autre titulaire en puissance, qui plus est, un joueur évoluant dans un registre identique au mien. Bien. J'encaisse sans broncher, la concurrence ne m’effraie guère. Elle fait partie du métier. Je n'ai jamais considéré qu'un statut était acquis et une place dans un 11 de départ allouée à tout jamais. Alors je vais me battre. Mais progressivement, je comprends que les dés sont pipés, et que je suis le dindon de la farce. Considéré comme un homme de l'ex-président André Laurent, je deviens rapidement indésirable.

Écarté du groupe professionnel, je suis renvoyé en équipe réserve, en troisième division. Comme à 18 ans. Un « lofteur » avant l'heure. Avec son lot de vexations. De la troisième division, à l'âge de 30 ans, je me rappelle les déplacements interminables en autocar, les rencontres disputées devant un public famélique, et les pelouses bosselées à des années-lumière de la puissante magie de Geoffroy-Guichard. Je ne suis plus dans une logique de progression. Clairement, la pente qui se dessine pour moi raconte un déclassement. Le coach, Jacques Santini, lui non plus, ne joue pas cartes sur table avec moi. Il me promet ceci, il me fait croire cela, mais en fait non. Désillusion.

Une telle injustice me rend malade. Elle indigne aussi mes coéquipiers. Tous me font part de leur incompréhension devant ma mise à l'écart. Dans un moment où je doute énormément, ces témoignages de sympathie me rassurent sur le fait que je n'ai rien à me reprocher dans toute cette histoire. Je me refuse malgré tout à jeter l'éponge. Ce serait donner raison à ceux qui me rejettent en ne voulant plus de moi. Je m'accroche, je bataille. À l'entraînement, je donne le meilleur de moi-même, comme le gamin que j'ai été et qui avait tout à prouver. Belle épreuve d'humilité.

Je m'acharne, insiste, persévère. Brûlent en moi chaque matin au camp d'entraînement la même flamme, la même détermination, la même motivation que si je devais être titulaire en D1 le samedi suivant. En vain. En dépit de mes efforts et de ma bonne foi manifeste dans le travail, je n'entre plus dans le jeu de la concurrence. Je n'ai plus ma place ici. Ecœuré, je me sens acculé. Comme piégé. La seule option, c'est repartir. Bien plus vite que ce que je me l'étais représenté.

Dans le même temps, les Verts retombent dans leur travers. À l'issue de la saison 1995-1996, une relégation en Division 2 sanctionnera les choix erratiques de la direction de l'époque. Un an seulement après avoir obtenu le scalp de l'homme à l'origine de ma signature dans le Forez, le nouveau président Yves Guichard et le directeur sportif Jean-Michel Larqué finiront par rendre leur tablier. Le projet sportif d'André Laurent était mort, enterré, et ma carrière compromise, suspendue à un fil. Un formidable gâchis.

Entre sentiments de révolte et de trahison, cette conclusion en eau de boudin avec Saint-Etienne continue de me laisser un goût acide. Trente ans plus tard, seuls me réconfortent les marques d'affection spontanées dont me gratifient les supporters des Verts lorsqu'ensemble, ils nous arrivent de convoquer le passé. À chacun de mes retours sur place dans le cadre de mes anciennes fonctions de coprésident de l'UNFP ou pour répondre à une invitation lancée, je suis étonné et ému par la chaleur de l'accueil qui m'est réservé. On m'arrête dans la rue, on me salue, on échange des anecdotes, des sourires, tant de simplicité, tant de respect.

Les amoureux de l'ASSE connaissent sur le bout des doigts l'histoire de leur club. Il ne se trouve personne pour être dupe de ce qui s'est tramé en coulisses dans les années 90 quand André Laurent a été contraint au départ et que d'autres, animés de desseins dont je n'ai toujours pas compris la sincérité, ont intrigué pour lui chiper sa place. Ces « vrais » supporters considèrent à juste titre avoir été floués durant cette période. À travers leurs témoignages, je leur suis infiniment reconnaissant de me remercier si souvent de n'avoir jamais triché avec eux, ayant constamment défendu leurs couleurs avec loyauté jusqu'au dernier jour, jusqu'à la dernière minute de mon contrat."

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