André Laurent se souvient de Roger Milla
20/05/2023
Dans son autobiographie Des buts à ma vie parue ce mois de mai aux éditions Abatos, l'ancien président de l'ASSE André Laurent (84 ans) parle de Roger Milla, qui fête aujourd'hui ses 71 ans. Extraits.
"Nous avions fait un "coup" en embauchant le Camerounais Roger Milla. Son arrivée rocambolesque chez nous mérite d'être narrée. A l'intersaison, nous étions toujours à la recherche d'un attaquant capable de marquer des buts avec régularité. Lors d'une réunion à la Ligue, j'évoquais avec un ami président ce problème. "Tu devrais, me dit-il, t'intéreresser à Roger Milla. C'est un très bon attaquant, il a marqué beaucoup de buts au cours de sa période en France. Comme il n'a plus de contrat, il a décidé de rentrer dans son pays." Il me donna un numéro de téléphone et je m'attachai à tenter de retrouver sa trace.
J'appelais tous les matins, pendant deux mois. J'avais toujours la même persone au téléphone, qui invariablement me répondait. "Roger, il est pas là. Rappelle plus tard." Fin août, de guerre lasse, je cessais d'appeler. Début septembre, la saison avait démarré, et nous n'avions toujours pas trouvé l'atttaquant que nous cherchions. J'avais pris l'habitude, une ou deux fois par semaines, de faire un bon entraînement physique au club. Dès 6h30, en survêtement, je faisais quelques tours de terrain, j'enchaînais avec la gym, la musculation, les étirements sous l'oeil des kinés. Après la douche, j'enfilais un costume et prenait la direction de mon usine.
Un matin de septembre, je pris ma voiture après ma séance d'exercices pour rejoindre mon bureau. C'est alors que je vis, devant l'entrée du stade, un homme d'origine africaine, assis sur le banc. Je le saluai, il se leva, vint vers moi et se présenta : "Je suis Roger Milla. Vous êtes bien le président Laurent ? Vous me cherchiez, je suis là... Qu'allons nous faire ensemble ?" Je l'emmenai à mon bureau et après un café, la discussion s'engagea.
Je lui proposais un contrat. Il me répondit tout de suite favorablement, mais à une condition. "Je veux être le plus gros salaire du club" me dit-il. Je connaissais bien les salaires de tous les joueurs, et plus particulièrement le plus gros. Je proposai la même somme à Roger Milla, qui accepta. Nous avons signé dans la foulée un contrat qui liait Roger Milla à l'ASSE pour deux ans.
Sa première saison se passa magnifiquement bien. Il était naturellement gai, dynamique, claquait des buts quasiment à chaque rencontre (26 au total). Tout Saint-Etienne, l'entraîneur, les joueurs l'estimaient, le public l'adorait. Lors de l'annonce de la composition officielle des équipes par le speaker du stade, Edmond Teyssier, il était le premier à l'applaudimètre. "Numéro 9 : Roooooger..." scandait l'animateur. "Millaaaaa !" reprenait en coeur le stade Geoffroy-Guichard.
En 1984, j'avais fait signer Milla pour deux ans. Au terme de la première saison dispuée avec nous, il lui en restait donc une autre avant qu'il puisse envisager de partir sous d'autres cieux. Comme il s'était révélé très performant, j'envisageais de prolonger son contrat, en améliorant confortablement son salaire. Quand on a la chance de compter dans son effectif un pur-sang tel que lui, parfaitement intégré, capable de marquer des buts avec régularité, adoré des supporters, il faut tout faire pour le garder.
Alors que j'étais assez optimiste sur le dossier, l'imprévu se produisit. Début août, mon épouse et moi étions installés devant la télévision en train de regarder les informations du soir. Et subitement, nous vîmes apparaître sur l'écran Roger Milla aux côtés du président de Montpellier Louis Nicollin. Ce dernier exprimait auprès de la presse sa satisfaction d'avoir engagé dans son club un joueur d'un tel talent. J'étais bien sûr abasourdi.
Techniquement, juridiquement, Roger ne pouvait pas s'engager avec un autre club sans notre accord. Il n'y avait dès lors que deux solutions : soit Milla revenait pour effectuer sa dernière saison de contrat, soit Montpellier rachetait cette dernière à un tarif que nous aurions à débattre. Je n'ai jamais compris comment Louis Nicollin avait pu ignorer ce point... Finalement Roger est resté avec nous, nous a aidés à remonter en première division. La réussite de l'objectif fixé contribua à effacer les petites contrariétés ressenties.
Sur la lancée de la belle dynamique de la saison précédente, l'exercice 1985-1986 se passa admirablement bien. L'ambiance dans le vestiaire était conquérante. Renforcée par de bons joueurs, notamment l'attaquant serbe Tony Kurbos que Kasperczak avait connu à Metz, l'équipe tournait bien, même si Roger Milla marquait un peu moins que sa première saison, froissé par l'arrivée de Kurbos, qu'il croyait mieux payé que lui. C'était faux mais cela créa quelques tensions entre ces deux avant-centre de talent, qui s'apaisèrent peu à peu.
Roger Milla eut encore par la suite une très longue carrière et fut pendant un certain nombre d'années la star des Lions Indomptables du Cameroun. Il n'a pas eu à regretter son passage à Saint-Etienne, qui l'avait complètement relance dans le foot professionnel. Je fus quand même un peu surpris et chagriné de lire un jour dans la presse sportive qu'il regrettait le manque de considération qu j'avais eu à son égard en ne le gardant pas dans notre effectif pour notre retour en première division. C'était une totale réécriture de l'histoire. Mais oublions cela, c'est la vie des hommes. Chacun invente sa petite légende, se la raconte deux ou trois fois et cela devient leur vérité."

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