La guerre des goals n'aura pas lieu

18/10/2011
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Jérémie Janot et Stéphane Ruffier nous offrent un sympathique échange dans la dernière édition de France Football.

 

Comment définissez-vous tous les deux le poste de gardien ?

SR : C'est un poste… particulier. A part. Très ingrat. On se doit d'être irréprochable. On n'a pas le droit à l'erreur. C'est une position propice à la pression, psychique, psychologique, physique. On doit être performant pour l'équipe. Décisif.

JJ : C'est un poste tellement formidable… Tous les jours, je me régale. Oui, c'est ça, c'est un régal !

Avant de vous rencontrer, quelle image aviez-vous l'un de l'autre ?

SR : Quand on parlait de Saint-Etienne, on parlait de Jérémie Janot. Jérémie, pour moi, c'est un symbole de ce club mythique qui provoque un engouement énorme. Cela fait quinze ans qu'il est là. Même plus, puisqu'il a été formé ici ! Tout le monde sait qu'il a beaucoup d'amour pour ce club. Il l'a démontré par sa fidélité.

JJ : Je pourrais reprendre la formule d'Albert Rust, qui parle de Steph comme de l'Oliver Kahn français. Stéphane a cette carrure. Il a une gueule, une présence. Je lui souhaite de faire la même carrière !

Dans le vestiaire, à Geoffroy-Guichard, êtes-vous assis côte à côte ?

SR : "Non, je suis à côté de Florent Sinama-Pongolle. Avec Jérémie, on n'a pas besoin d'être assis côte à côte pour échanger. Lui et moi, on connaît le poste. On n'a presque pas besoin de se parler. J'arrive à savoir ce qu'il ressent, à certains moments, ce à quoi il pense pour sortir de certaines situations. On expérimente toutes ces situations, les bonnes et les mauvaises. On vit toujours ce poste pleinement : les moments où vous arrivez à être décisif et la joie que ça peut vous apporter, la confiance que cela vous donne. Ou, au contraire, l'erreur qui vous met dans un état où vous vous sentez fautif. Tout ça, on le sent et on le ressent, comme quand on regarde u match à la télé avec Jérémie.

Vous regardez des matches à la télé… ensemble ?

JJ : Oui. Et on les analyse. L'un des derniers exemples : c'était le but de la tête de Rémy contre Evian, le premier, celui venant d'un centre hypertendu passant dans les six mètres. Et les commentateurs disaient : "Le gardien n'est pas sorti." Parfois, tu ne peux pas sortir, tout simplement. On s'est regardés avec Steph et on s'est dit : "Mais comment le mec peut-il dire ça ?" Il y a un bon centre, un super timing de l'attaquant, bravo ! On parle de tout. De nos enfants… Steph aime bien les voitures et il m'explique un peu comment ça marche, car je ne suis pas très fort sur le sujet. Mais on en revient toujours au poste de gardien. Quand vous prenez deux gardiens, ça finira toujours par parler de gardiens.

Beaucoup annonçaient une cohabitation houleuse : l'a-elle été un moment ?

SR : Non. Ecoutez : à Monaco, j'ai connu Flavio Roma, grand gardien italien, international, ayant joué une finale de Ligue des Champions. Ça s'est toujours très bien passé. Avec Sébastein Chabbert également. Je n'ai jamais eu de conflit avec un gardien avec lequel j'ai travaillé. Cela montre combien ce poste est à part. On a tant de points communs, le même ressenti, le même quotidien qui amènent à l'échange. Et puis c'est toujours bien de travailler dans une atmosphère saine.

JJ : J'ai été surpris de lire ou d'entendre qu'on annonçait "la guerre Janot-Ruffier". C'était un peu déplacé, et c'était également mal nous connaître. Il y a des étapes dans une carrière. Au début, j'étais le p'tit jeune aux dents longues. Ensuite, je suis devenu titulaire. J'ai fait une carrière dont je suis extrêmement fier. Si je ne suis pas allé plus haut, c'est que je ne le pouvais pas. L'une de mes plus grandes fiertés est d'avoir su exploiter mes capacités à 120%. J'ai utilisé le maximum de mon potentiel. Je me suis même parfois mis dans le rouge. Quand je vois là où je suis parvenu, ce n'est que du bonheur. L'arrivée de Stéphane ne m'ennuie pas. Il est jeune, talentueux, et je souhaite lui apprendre des choses, lui apporter un plus qui le mène très haut dans sa carrière. Je pourrai alors me dire que j'ai un peu participé à ce succès. C'est le poste de gardien qui veut ça. C'est la vie. Il n'y a que les grands comme Barthez et Lama qui n'ont pas eu à laisser leur place, mais c'était d'immenses gardiens. Ulrich Ramé, Cédric Carrasso, Christophe Revault, Jérôme Alonzo, tous ont dû aussi, en leur temps, laisser leur place… Quand Stéphane réalise un bel arrêt, je suis heureux pour lui. Quand il en laisse passer un, je suis triste pour lui. C'est aussi simple que ça.

SR :Ça me fait rire quand j'entends les journalistes dire : "Untel attend la bourde de l'autre." Non, c'est faux ! C'est de la méchanceté gratuite. On attend la boulette de personne car on sait très bien, quand ça nous arrive, combien cela peut être frustrant pour nous, joueurs, et pour l'équipe. Toute cette guerre, c'est de la foutaise. C'est mal nous juger. On est un groupe. On vit ensemble. Chaque joueur a son importance. Chacun apporte ce qu'il peut. J'apporte quelque chose, Jérémie aussi, Coulibaly aussi… Le but est le résultat. Le classement. Gagner des choses ensemble. C'est le seul truc qui compte. Après… mettre des bâtons dans les roues de l'autre, attendre qu'il fasse une boulette, je ne crois absolument pas à ça.

Quels sont vos échanges avant et après le match ?

JJ : Par rapport aux matches de Steph, on discute. Même à l'entraînement. On essaie d'échanger et de débriefer, mais pas seulement sur nous. Je peux lui dire : "T'as vu, lui, il a fait un super match… Tiens, ça il le fait bien dans telle situation; il faudrait peut-être que tu arrives à faire pareil…" A l'échauffement, avant la partie, je lui glisse toujours deux ou trois mots, trois ou quatre phrases de mise en confiance : "Ce soir Steph, c'est pour toi, tu vas nous faire gagner !" Pour lui montrer qu'on est derrière lui. Je n'en fais pas trop et je m'applique au mieux sur les centres et les frappes que je lui adresse. A la fin du match, je lui donne mon ressenti.

SR : Oui, j'échange, mais pas seulement avec Jérémie. Avec Albert, avant tout, c'est lui le coach. C'est lui "l'expérimenté", celui qui a le plus de vécu. Autrement, avant les matches, à la mi-temps, on est toujours ensemble. A l'échauffement, on parle du match à venir. On échange toujours entre gardiens, mais aussi avec les joueurs de champ, qui nous donnent leur ressenti. Quand je relance, le joueur part excentré ou en profondeur et veut le ballon dans les pieds… Ce sont les paroles d'un vestiaire.

Que vous dites-vous à la mi-temps ?

JJ : "Je ne veux pas interférer sur son jugement. Lui a peut-être un ressenti que je ne veux pas brouiller. Je n'irai donc pas voir Steph pour lui dire : "Lui, l'an passé, m'a tiré un penalty comme ça", parce que je vais l'influencer. Et moi, je veux que Steph garde son instinct. Je n'aime pas intervenir à la pause, ou alors pour le féliciter pour un arrêt, pour le conforter. Lui dire : "C'est bien", plutôt que :"Tu aurais pu faire ci ou ça." Ça peut le déstabiliser.

SR. "Ça sert à ça la mi-temps : remettre en place les choses qui n'ont pas été bonnes. Mais tout dépend du match, des échanges se font, à trois ou à deux, moi seul avec Albert ou moi et Jérémie seulement. Si lui a vu un point précis, s'il sent que j'ai capté le ballon comme ci ou comme ça, qu'il faut que je relance vite sur l'un de nos joueurs, seul à l'opposé…Il peut nous arriver de revenir sur certaines situations : comment je capte, comment je peux essayer d'avancer plus vite, ou chercher un joueur à côté, etc.

Quels sont les exercices communs que vous réalisez à l'entraînement ?

On travaille toujours ensemble. Le premier entraînement spécifique de la semaine, on arrive à rester plus longtemps avec Albert. Après, les mardi et mercredi, malheureusement, les joueurs de champ ont besoin de nous aussi. Les spécifiques ont donc plus courts, plus intenses, plus rapides, c'est-à-dire une demi-heure ou quarante-cinq minutes. Après, on rejoint le groupe.

Sur le terrain, Stéphane, êtes-vous plus à l'écoute des conseils que vous donne Jérémie ?

SR : Non. Quand je suis dans la cage, je ne regarde pas trop sur le banc. Sauf si on m'appelle, bien sûr. Si le coach à un message à me faire passer concernant le plan de jeu ou la relance, je tends l'oreille. Mais autrement, non. On se doit d'être concentré pendant tout le match. L'erreur est si vite arrivée ! Et ça va de plus en plus vite !

Que représente à vos yeux la notion de gardien numéro 1 et de numéro 2, et comment la vivez-vous ?

SR : Le poste de gardien de but, c'est simple : il y a le numéro 1, le numéro 2 et le numéro 3. Dans toutes les équipes c'est comme ça : la hiérarchie.

JJ : Je ne me suis jamais senti en concurrence avec untel ou untel. J'ai toujours vu leur présence comme une aide. Je me disais que Jody, Ronan, Vincent Planté, Dominique Casagrande pouvaient m'apporter quelque chose, qu'ils pouvaient m'aider. On apprend tous les jours. J'ai toujours eu cette soif et je n'ai jamais eu la prétention de penser que ce que je faisais était parfait et que le numéro 2 restait numéro 2. Non. Parfois, entre le 1 et le 2, il y a l'épaisseur d'une feuille de cigarette, mais le numéro 1 a besoin de confiance. J'ai toujours pensé qu'un numéro 3 était là pour apprendre et pour nous passer devant, aussi ! A lui de bousculer la hiérarchie. Il aura sa chance un jour. A lui de la saisir. Pour en revenir aux numéros 1 et 2, aujourd'hui, je n'ai pas le rôle d'une baby-sitter. Mais je suis là pour pousser Steph à ne pas s'endormir sur ses lauriers, même s'il ne le fait pas. Il faut quand même qu'il sente qu'au moindre relâchement, je suis là, et c'est bien pour lui et pour l'équipe !

Que prenez-vous et qu'utilisez-vous chez votre coéquipier ?

SR : Sa vision, grâce à son expérience. Jérémie, je m'en nourris, comme de Flavio Roma, qui avait vécu des rencontres avec la sélection italienne. Il m'a appris beaucoup de choses, de même que Sébastien Chabbert l'an passé, Yohann Thuram étant, lui, plus jeune. Mais ils m'ont également apporté leur vision.

JJ : Stéphane m'a apporté sa vision du poste, mais aussi celle de ceux avec lesquels il a travaillé. De ses années avec Jean-Luc Ettori et André Amitrano… C'est enrichissant pour mon présent et pour mon avenir. Cela me paraît un peu prétentieux de dire cela car Stéphane est international, mais, en partie, je me reconnais en lui. Quand j'étais jeune, j'étais un peu tête brûlée et brut de décoffrage, comme il l'est. C'est sûr que lui, c'est une montagne comparé à moi, mais j'ai l'impression de me voir. Je ne sais pas si c'est le crâne rasé… De me revoir dix ans en arrière : le mec qui ne doute de rien, qui dit : "Je suis le meilleur !" C'est ça que j'aime chez lui. On se ressemble dans le sens où on a été éduqués de la même façon. Là, je parle d'éducation familiale et footballistique.

Votre passage de témoin ressemble-t-il finalement à celui entre Ivan Curkovic et Jean Castaneda ?

SR : "Au début des années 80, je n'étais même pas né ! Mais je suppose que l'un est le vieux et l'autre est le jeune ! (rires) Eh bien voilà, Jérémie a trente-quatre ans, j'en ai dix de moins. On va dire qu'il est davantage vers la fin de sa carrière. Moi, j'en suis un peu au début. Lui a connu une période quinze ou vingt ans. Moi, je vais en connaître vingt autres. Un jour, je serai à la place de "Jé". Je crois qu'il ne regrette rien. Quand Flavio est parti de Monaco à trente-cinq ans, il m'a dit que ce n'était plus que du plaisir, que sa carrière était derrière lui. Pour "Jé" aussi, c'est du plaisir. Il y a toujours un vieux et un jeune qui arrive. Et moi, ensuite, je serai vieux et un jeune arrivera. Mais lui a encore les cannes, il va continuer et donner… tout ce qu'il peut.

JJ : "C'est ça, le cycle de la vie. C'est ça, le plaisir. J'essaie de récolter toutes les données pour devenir un jour un bon entraîneur de gardiens. Mais avant, nous tous ici, avec moi, on va l'emmener en équipe de France, Stéphane !

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