Le Professeur Tchiressoua Guel alias «La Toupie» est l'un des plus célèbres voyants, et pourtant ivoirien. Grâce à ses dons et à l'efficacité de sa préparation, il résout tous vos problèmes, même les plus difficiles: infidélité, poteaux carrés, impuissance sexuelle, caisse noire, maladie inconnue, faux passeports, timidité, erreurs d'arbitrage. La Toupie résout les cas les plus désespérés (sauf le manque de réalisme offensif, faut quand même pas pousser !). Venez le consultez sur poteaux-carrés, il répond à toutes vos questions sur la Coupe d'Afrique des Nations !

Quels sont tes souvenirs les plus marquants des cinq CAN auxquelles tu as participé ?

Je suis très attaché à cette compétition, car c'est important de défendre les couleurs de mon pays. J'aime jouer en sélection nationale parce que je retrouve à cette occasion l'ambiance africaine, qui n'a rien à voir avec l'ambiance européenne en club. Avec les internationaux ivoiriens, on chante tout le temps : dans le bus, dans le stade, à l'hôtel. Quand je joue en club c'est différent : en Europe, la préparation des matches est plus silencieuse et davantage axée sur la concentration. En fait, c'est intéressant de connaître les deux approches. Avec la Côte d'Ivoire, on fait la fête tout en restant professionnel. Et quand tu disputes une compétion comme la CAN, il faut représenter convenablement ton pays. On est un peu comme des soldats qu'on appelle à la guerre pour affronter d'autres pays. Mais heureusement tu combats avec un ballon, pas avec des armes. Je garde de bons souvenirs de la CAN car ça m'a permis de jouer contre des pays étrangers. Et je trouve ça sympa et agréable de se mesurer à des pays qui jouent de façon différente et ont une autre culture que nous, je pense notamment aux pays anglophones.

De plus, je n'oublie pas que ma première participation à la CAN a été décisive pour la suite de ma carrière. C'était en Tunisie, en 1994. J'avais 18 ans et demi, et j'étais le seul international ivoirien qui n'était pas professionnel. A l'époque, je jouais à l'ASEC Abidjan. Avec la Côte d'Ivoire, on a fait une très bonne CAN : on a perdu aux tirs au but en demi-finale face au futur vainqueur, le Nigéria. des Keshi, Yekini, Amunike, Amokachi, Okocha. Après cette CAN, des clubs européens ont commencé à s'intéresser à moi. J'ai signé à l'OM après avoir disputé la CAN de 1998, au Burkina Faso.

Penses-tu que la retenue forcée en camp militaire après votre élimination prématurée de la CAN en 2000 a été à l'origine de la génération d'or actuelle ?

Non, je ne pense pas qu'il y ait un rapport, mais c'est vrai que cette expérience reste un souvenir particulier. Après notre élimination au premier tour de la CAN qui se déroulait cette année-là au Ghana et au Nigéria, le général Guei nous a fait interner au camp militaire de Zambakro, près de Yamoussoukro. C'était une drôle de situation, on s'est fait avoir ! La population était très remontée après notre élimination dès le premier tour, les Ivoiriens pensaient qu'on s'était foutu de leurs gueules en faisant honte à la Nation. Du coup, les autorités du pays ont affrêté un avion spécial à notre retour, et nous ont dit que pour notre sécurité, on devait aller dans un camp, car sinon on risquait d'avoir des problèmes avec la population furibonde. Dans ce camp, on nous a rappelés à l'ordre et on a dû suivre pendant trois jours une sorte de stage militaire : réveils à l'aube, exercices physiques, rappels à l'ordre plutôt musclés...

Tu n'as pas été retenu dans le groupe ivoirien qui dispute actuellement la CAN en Egypte. Comment as-tu réagi à l'annonce de ta non-sélection ? Espères-tu malgré tout être appelé dans l'équipe qui partira en Allemagne pour jouer la Coupe du Monde ?

J'ai joué neuf des dix matches lors des éliminatoires communs Coupe du Monde / CAN. Donc je suis forcément déçu de n'avoir pas été sélectionné pour jouer la CAN. Tu sais, cette compétion me tient à coeur. Mais en même temps je comprends la décision d'Henri Michel, le sélectionneur. Pendant six mois, je me suis retrouvé sans club : ça n'a pas joué en ma faveur car même si je continuais de m'entraîner sérieusement, rien ne remplace le rythme des matches. C'était d'autant plus difficile de me convoquer pour la CAN que la Côte d'Ivoire compte de très bons joueurs au milieu de terrain.

Maintenant, j'ai retrouvé un club et je sais que j'ai encore de réelles chances d'être retenu pour la coupe du Monde si j'aligne les bonnes performances avec Lorient. Pour l'instant, ça se passe plutôt bien, d'autant plus que le club est dans la course pour monter en première division. Si je réalise une bonne fin de saison, peut-être que je retrouverai la sélection nationale.

La sélection ivoirienne compte deux joueurs stéphanois : Didier Zokora et Siaka Tiéné. Que penses-tu des performances du Maestro ?

Je connais Maestro depuis longtemps, je l'avais vu jouer gamin à l'Académie de Jean-Marc Guillou quand j'évoluais à l'ASEC Abidjan. Il était déjà très doué à l'époque, et je ne suis pas surpris de le voir réaliser de bonnes performances aujourd'hui. Et j'étais persuadé que Saint-Etienne était le club idéal pour lui permettre de franchir un échelon. Je pense avoir laissé une bonne trace dans ce club, et je savais que Didier serait bien accueilli par les Stéphanois. La saison dernière, il a été excellent et s'il continue de monter en puissance, je pense qu'il ira ensuite dans un grand club européen. En tout cas, je crois que les Verts ont fait une belle affaire en le recrutant car c'est devenu un joueur de très haut niveau.

Que penses-tu de Chico et comment expliques-tu ses problèmes d'adaptation à Sainté ? (Sorbiers)

Chico est un bon joueur, que je connais également depuis un bon bout de temps. Je crois qu'il faut être patient avec lui. Il faut lui laisser le temps de s'adapter petit à petit au championnat de France. N'oublie pas qu'auparavant il jouait en Afrique du Sud : ça n'a rien à voir, tant du point de vue du climat que du point de vue du niveau de jeu. La situation n'est pas évidente pour Chico, car il est arrivé en cours de saison dans une équipe qui tournait bien sans lui. De plus, Elie Baup est un entraîneur qui ne fait pas énormément tourner son équipe. Les résultats sont plutôt bons, du coup il renouvelle sa confiance aux titulaires. Mais si Chico sait se montrer patient, je pense que son heure viendra et qu'il pourra mettre en évidence ses qualités. Tu sais, il a conscience de sa situation : il sait qu'il doit travailler, cravacher à l'entraînement et attendre qu'une opportunité se présente à lui.

La Côte d'Ivoire s'est qualifiée en quart de finale de la CAN mais les victoires contre le Maroc et la Libye n'ont pas rassuré tous les observateurs. Es-tu optimiste pour la suite de la compétition ?

J'ai vu le match contre le Maroc, en revanche je n'ai pas pu voir celui contre la Libye car je m'entraînais avec les Merlus. Contre les Marocains, on a assuré l'essentiel en empochant les trois points. Bien sûr, notre niveau de jeu reste perfectible mais il n'est jamais évident de débuter une compétition. J'ai trouvé que l'équipe était bien en place. Plusieurs joueurs ivoiriens jouent leur première CAN, et ces deux succès vont leur donner confiance. Je pense que l'équipe va parvenir à hisser son niveau de jeu à partir des quarts de finale et je suis résolument optimiste pour le suite de la compétition.

Quelle sera l'équipe surprise des quarts de finale selon toi ? (Parasar)

Je ne pense pas qu'il y ait une véritable équipe surprise en quart de finale. Les grosses équipes sont au rendez-vous, certaines se sont qualifiées comme nous dès le deuxième match : le Cameroun, la Tunisie. La Guinée me surprend un peu, car elle a également gagné ses deux premiers matches. Mais ce n'est pas une vraie surprise, dans le sens où elle compte des joueurs talentueux comme Pascal Feindouno. Le Nigéria, la République Démocratique du Congo et l'Egypte vont sans doute se qualifier. Par contre un « gros » risque de rester sur le carreau après le match Sénégal-Ghana...

Tchiressoua, penses-tu que le jeu de Zoro est affecté par les évenements racistes qui ont eu lieu lors de Messine-Inter ? As-tu déjà fait l'objet d'attaques racistes ? (Osvaldopiazzolla)

Zoro a eu une réaction compréhensible, mais je ne pense pas que son jeu soit affecté par ces évènements. Zoro est un grand garçon, solide et professionnel. Pour ma part, je n'ai jamais fait l'objet de telles attaques même si j'ai bien conscience que ça pourrait m'arriver. Mais je pense qu'il ne faut pas se laisser déstabiliser par les racistes. On ne peut pas contrôler les mauvais penchants de certains être humains. Ignorons leur bêtise et focalisons-nous sur nos performances sur le terrain.

Que pense-tu du fait que les clubs européens se plaignent de la période (janvier-février) de la CAN ? (Rudy)

C'est un sujet délicat. En fait, je comprends les clubs. Ils ont raison de se plaindre car la saison d'un club peut se jouer lors de cette période cruciale : tel que le calendrier est constitué, il y a beaucoup de matches pendant la CAN. Les résultats de ces matches peuvent conditionner un maintien en ligue 1 ou une qualification en coupe d'Europe. Certains clubs comme Saint-Etienne ont cinq ou six joueurs absents du fait de la CAN : ce n'est pas rien tout de même ! Je pense qu'à l'avenir les instances du football vont essayer de trouver une formule qui permettent de mieux concilier les intérêts des clubs et ceux des sélections nationales.

Que penserais-tu d'une CAN tous les quatre ans comme le championnat d'Europe des Nations ? (Sorbiers)

Je n'ai pas d'avis tranché sur la question. A mon sens, chaque continent est libre de déterminer la périodicité des compétitions : les Européens ont choisi de disputer cette Coupe tous les quatre ans, les Africains préfèrent une Coupe tous les deux ans. Chacun fait ce qui lui plait, mais peut-être qu'à terme les instances du foot harmoniseront tout ça.

Quels sont pour toi les jeunes talents africains que tu conseillerais de suivre plus particulierement ? (Melkyor)

Pas évident comme question ! Je préfère parler de ceux que je connais le mieux, c'est-à-dire les joueurs ivoiriens. Je pense que des garçons comme Dindane, Boka et Kalou ont le niveau pour jouer bientôt dans de grands clubs européens.

On voit que le foot africain est en net progrès depuis quelques années grâce à l'émergence de pays "neufs" au plus haut-niveau (Senegal, hier ; Côte d'Ivoire, Angola, Togo, Ghana aujourd'hui ; RDC et Guinée demain sans doute) et le maintien des nations fortes du continent (Tunisie, Maroc, Cameroun, Nigeria). En parallèle, les joueurs africains de tout pays deviennent plus que jamais des éléments clés des meilleurs équipes européennes (Eto'o, Drogba, Essien, Diarra, etc...). Penses-tu qu'il soit juste que l'Afrique ne compte que cinq représentants pour la Coupe du Monde, compte tenu de ces données sportives et de la taille du continent ? (Karamba)

Question très intéressante ! Il est en effet logique que la montée en puissance du football africain se traduise par une représentation consistante à l'échelon mondial. Cinq places, c'est déjà pas mal, pendant longtemps les Africains n'ont eu que deux représentants en Coupe du Monde. Dans le futur, il serait bien que l'Afrique puisse avoir six ou sept représentants. Mais pour obtenir une telle hausse du nombre de places, il faut d'une part que le football africain continue à se développer, et d'autre part que les équipes qualifiées à la Coupe du Monde 2006 obtiennent de bons résultats en Allemagne.