Dix-huitième épisode des confessions d'Helder Postiga à son docteur, par Rising42. A savourer sans modération !


Allllloooooooooooo ! Docteuuuuur !

C’est moi, Helder Postiga !!!!!!

Aaaah, Docteur, si vous saviez comme je suis content ! J’ai rejoué ! Ouiiii !!! Samedi soir, le coach m’a fait entrer en jeu pour jouer seize minutes…Je sais, ce n’est pas beaucoup… Mais comme je croyais que la semaine dernière le coach était fâché après moi, j’ai été tout heureux de voir qu’il n’en est rien. C’est d’autant plus important que si je veux rester l’an prochain à Saint Etienne, il faut que je joue et que je sois bon et indispensable car c’est le coach qui décide. Seulement voilà, Docteur, il y a une arête dans la morue… Je ne sais plus quoi penser… Si le coach décide de me garder avant de partir est-ce que sa décision reste valable ? Pardon ??? Vous dites, Docteur ??? Mais ouiiiiii !!! Vous ne saviez pas ??? Le coach s’en va… C’est officiel… Tout s’est décidé cette semaine… Mais vous vivez où, Docteur ? Bon, il faut que je vous raconte ça…

Déjà, il y’avait des rumeurs… De toute manière, à Saint Etienne, quand vous marchez dans la rue, quand vous êtes dans le tram, où que vous soyez vous entendez toujours dans votre dos des chuchotements… Les fameuses rumeurs… Les rumeurs sont sournoises, Docteur… Quand elles ne chuchotent pas, elles écrivent dans les journaux, ou bien alors elles discutent à la télévision ou à la radio. Bon, revenons à notre problème… Les rumeurs donc circulaient… Le coach s’était fâché avec le petit excité à l’écharpe verte parce que ce dernier aurait fait des déclarations hypocrites à une presse non moins insidieuse… Jusque-là, c’est classique… Parce qu’il faut savoir, Docteur, que le petit excité à l’écharpe verte, après vous avoir embrassé sur la bouche, se retourne et s’essuie les lèvres avec un mouchoir pour déblatérer des inepties sur vous… C’est alors que le petit frisé au maillot vert a essayé de réconcilier tout ce beau monde… Seulement voilà, Docteur, ce qu’ils ne savaient pas, c’est que le coach est une tête de mule capricieuse… Je ne comprends d’ailleurs pas comment ils ont fait pour ne pas s’en rendre compte… Moi, depuis que je suis arrivé, j’ai tout de suite compris à qui j’avais affaire… Un type qui persiste à imposer comme avant-centre un patineur de Holiday On Ice, qui se refuse à faire jouer Mazure car il ne l’a pas choisi lui-même, puis qui décale le patineur à droite où il présente d’excellentes qualités mais oublie de lui adjoindre un numéro 9 pour réceptionner ses centres, ce type-là, Docteur, est soit dérangé, donc un client potentiel pour vous, soit un incompétent, soit un prétentieux tordu qui se venge de ne pas être admiré en ruminant des décisions absurdes et en les appliquant en dépit du bon sens.

C’est alors qu’à L’Etrat, nous eûmes droit à du théâtre antique… Mercredi matin, le coach arrivait vêtu d’une longue toge blanche et de son inévitable casquette, montait sur un tabouret et déclamait :

Adieu monde cruel
Je vais me rouler dans les orties fraîches
Préparez le goudron et les plumes
Mettez ma tête sur l’enclume...


Quand le petit fada à l’écharpe verte tendait le bras droit vers lui et le suppliait :

Ne me quitte pas
Il faut oublier
Tout peut s'oublier
Qui s'enfuit déjà
Oublier le temps
Des malentendus
Et le temps perdu
A savoir comment
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
Le cœur du bonheur
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas


Là, Docteur, je résume, parce que pendant un quart d’heure au moins on n’eut droit qu’à des Ne me quitte pas, comme un vieux disque rayé. Il fallut l’intervention de Jérémie Janot qui poussa un cri bestial pour débloquer la situation. Vint alors le temps des promesses. Le génie des carpettes à l’écharpe verte entama ainsi son programme :

Moi je t'offrirai
Des chasseurs de buts
Venus de pays
Où ils ne marquent plus
Je creuserai la terre
Jusqu'après ma mort
Pour couvrir ton corps
D'or et de lumière
Je ferai un club
Où je serai toi
Où tu seras moi
Où tu seras roi
Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Fouillaaaa !!!


Naturellement à chaque promesse, Piquionne remuait énergiquement la tête de haut en bas pour dire oui, et à chaque Ne me quitte pas il la remuait dans l’autre sens dans un bruit de chasse d’eau pour faire non.

Ne me quitte pas
Je t'inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras pas


( Omar : Whouaaaah… Whouaaah… Whouaaaah )

Je te parlerai
De ces clubs-là
Qui ont vu dix fois
Leurs cœurs s'embraser
Je te raconterai
L'histoire de ce roi
Mort de n'avoir pas
Pu te rencontrer
Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas…


C’est alors que, sur ces paroles, intervient Sablé, notre capitaine emblématique qui a sacrifié, tout sacrifié pour Saint Etienne… Un martyr… Le premier martyr du vingt et unième siècle… Il avance titubant, coiffé d’une couronne d’épines, vêtu d’un maillot blanc tâché de sang Adidas vert fluo, et portant une croix rousse sur l’épaule… Aaaah, vous ne saviez pas, Docteur, que notre capitaine était un héros incompris ? Si, si… Et même que avant de jouer la crucifixion, il noyait son chagrin de sacrifié dans des lieux dissolus… Pardon ? Non, je ne sais pas du tout dans quoi il a dissolu son chagrin… Pas la Badoit en tout cas… On dit pas dissolu, Docteur ? On dit quoi alors ? Dissout !!! Bon enfin, je me comprends… Vous avez de ces questions, Docteur… Bon, revenons à notre futur crucifié… Il dépose sa croix rousse à terre et demande à Sébastien Mazure, le bricoleur du groupe d’aller chercher un marteau et des clous pour l’aider à réaliser son funeste destin, puis se tournant vers le coach, comme le Christ sur la Croix, il crie :

Eliiiie… Eliiiiiiieeeee… Pourquoi veux tu m’abandonneeeeeeeeeeeeeeeer !

Moi je trouve quand même que Sablé a eu une sacré chance de s’être sacrifié pour son club… Bon c’est vrai qu’il est maigre et que quand il court ses os font un bruit de xylophone… Mais moi j’aurais bien voulu me sacrifier pour mon club de toujours : le F.C. Porto… Enfin, chacun choisit son calvaire, n’est-ce pas, Docteur ?...

Les larmes giclent des yeux de Piquionne comme la Loire en crue… Le niveau de l’eau monte… Feindouno monte sur un escabeau pour tenter de sauver son verre de gin… et le petit excité à l’écharpe verte et au nez qui s’allonge continue à chanter… Que dis-je, Docteur, à supplier :

On a vu souvent
Rejaillir le feu
D'un ancien volcan
Qu'on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu'un meilleur avril
Et quand vient le soir
Pour qu'un ciel flamboie
Elie et Nanard
Ne s'épousent-ils pas
Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas…


( Le coach : Be Baup euh houlaaaaaa !!! Je voulais Pedretti !!! Be Baup euh houlaaaaaaa, je voulais Pauleta !!! )

Ne me quitte pas
Je ne vais plus pleurer
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
A te regarder
Danser et sourire
Et à t'écouter
Chanter et puis rire
Laisse-moi devenir
L'ombre de ton ombre
L'ombre de ta main
L'ombre de ton chien
Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas… Ne me quitte pas…


Eh bien, tout ce cirque n’a servi à rien, Docteur, puisque le coach nous quitte. Mais, ce qui est rassurant, c’est qu’après de tels déchirements, lui et le fada restent comme deux frères… Alors le reste de la semaine s’est passé entre cris de douleurs et jérémiades, sous un soleil gris et au milieu de supporters toujours aussi nombreux malgré les crises… Ceux-là je n’arriverai jamais à les comprendre. Peut-être avec le temps… Enfin, si on m’en laisse… Parce que maintenant, il faut que je séduise le nouveau coach… Comment ?… Non, on ne connaît pas le nom du nouveau coach. Il paraît que ce ne sera pas un nom ronflant… J’ai peur que ce soit Luis Fernandez… Vous imaginez, Docteur, un Espagnol et de surcroît Lyonnais, à ce qu’on m’a dit… Vous savez ce qu’on dit chez nous des Espagnols, Docteur ???… On dit : Autant les Portugais sont gais, autant les Espagnols sont gnols… Je sais, Docteur, ça ne veut rien dire, mais moi ça me fait marrer… Un Espagnol, ça fait toujours la gueule. Remarquez bien qu'il connait quand même le football et que ce serait peut-être une chance pour moi... Sinon, on parle aussi d’un benêt absent… Pardon, un abonné absent que j’ai vu à Auxerre… Il paraît même que le petit excité à l’écharpe verte ferait un échange standard avec coach Elie… Moi il me semblait qu’un échange standard c’était quand on remplaçait une pièce par une pièce équivalente, mais là il faut bien reconnaître que l’Auxerrois est quand même resté au stade de l’Ostrogoth, tandis que notre ex et toujours coach est plutôt du genre Cathare évolué… Enfin, Docteur, on verra bien…

Bon, Docteur, si on parlait de ce dernier match…

Fouilla, d’un monde !!! Le stade était quasiment plein. Les supporters sont très gentils… Ils accrochent de plus en plus de banderoles pour m’aider dans ma compréhension du français. Je ne savais plus d’où donner de la tête… À droite… À gauche… Mais jamais au centre… Ils ne doivent pas savoir lire à cet endroit… Il me semblait, mais peut-être que je me trompe, que les supporters n’étaient pas très contents… Sauf pour le coach… Ils ont salué sa très bonne décision de démissionner… Les gens sont quand même raisonnables… Pourquoi continuer à vivre une histoire d’amour qui torture plus qu’elle n’enrichit. Sinon, il paraîtrait qu’un dénommé Caïazzo serait incompétent… Moi je ne peux pas vous dire, Docteur, je ne sais pas qui est ce Caïazzo. Omar doit savoir car chaque fois que Janot lui botte le cul, il démarre comme une torpille en hurlant : Bip… Bip… Baup… Baup… Kaï… Kaï… Kaï… Caïazzo… Bon, en tout cas, c’est un incompétent, donc n’en parlons plus. Qu’il se casse, comme ils disent… Alors après qu’est-ce que j’ai encore lu ???… Euuuh… Aaah, voilà… Il paraîtrait que Piquionne aime tuer les oiseaux… Je suis perplexe… Il est une chose certaine c’est qu’il ne tue pas les araignées dans les lucarnes… Mais quand je vois tous les pigeons qui garnissent les tribunes, si Piquionne tuait les oiseaux, ils ne continueraient pas à venir au stade… Comment ??? Les pigeons… Eh bien oui, Docteur… Vous ne trouvez pas que de venir à tous les matches à Geoffroy Guichard même quand ils sont annulés ou que nous jouons comme des chèvres sont des actes dignes de gens qui aiment se faire pigeonner ??? Bon enfin, Fred est trop gentil… Il ne ferait même pas de mal à une mouche… Et puis d’abord, Docteur, vous avez déjà essayé de tuer une mouche ou un oiseau d’un coup de tête… Docteuuuuuuuuur !!! J’ai gardé le meilleur pour la fin… Numéro 14 s’est fait engueuler par les supporters… Il paraît qu’il va s’en aller et que son départ va provoquer la banqueroute de tous les bars et boîtes de nuit de Saint Etienne et de la communauté urbaine, sans parler de Lyon et de sa proche région, mais là on s’en fout totalement. Il paraît même que le maire de Saint-Etienne envisage de faire une grève de la faim pour que Numéro 14 ne nous quitte pas et ainsi préserver l’emploi… Je ne vous dis pas, Docteur, si notre capitaine part lui aussi, à Nice, ça va être une tragédie économique… Alors, pour convaincre Numéro 14 de rester avec nous, nous avons ouvert un site web exclusivement réservé pour lui adresser des messages de soutiens et de supplications. Si vous voulez bien faire un petit geste, Docteur, au moins pour me faire plaisir, envoyez un petit message à l’adresse suivante : http://www.barapute.com/ … Aaah, c’est sympa, Docteur, vraiment… Je savais bien que je pouvais compter sur vous. D’autant plus que si Numéro 14 s’en va, Piquionne ne pourra plus aller avec lui à Lyon… Il n’est pas question que je le laisse sortir seul le soir dans les rues sombres et mal fréquentées… Et s’il ne peut plus aller à Lyon, il va dépérir… Beauseigne…

En tout cas, les Rennais, en bons Bretons sont des gens délicats et sympathiques. Pour rappeler à Piquionne qu’il a joué chez eux et le bon souvenir qu’il a laissé là-bas, ils lui chantèrent cette douce chanson inspiré de La Paimpolaise :

J’aime Piquionne, c’est un balèze
Qui, de la tête, défonce les dents ;
J’aime surtout sa Lyonnaise
Qui l’attend le soir à Gerland…


Ce pauvre Fred a été bouleversé par tant de chaleur… Il en a loupé son match… Enfin, non, il a joué comme d’habitude, en courant après on ne sait trop quoi, la gloire sans doute, mais comme la pelouse avait été roulée en diagonale, il persistait à suivre les rayures et tirait ainsi à côté des cages. En fait, si Fred loupe les cages, il a des circonstances éternuantes : le jardinier qui est incompétent et qui devrait rouler la pelouse dans le sens longitudinal en traçant un flèche réversible à la mi-temps pour indiquer la cage adverse, et le coach qui persiste à le faire jouer ailier en oubliant de placer un avant-centre capable de reprendre ses centres. Il est clair que pour Piquionne aujourd’hui, il est aussi difficile de jouer que moi-même auparavant lorsqu’il m’ignorait soigneusement avec son compère Numéro 14. À part cela, que dire encore, si ce n’est que notre martyr voulait absolument mettre un but pour célébrer le départ du coach, au détriment du collectif, que la défense centrale faisait son travail proprement comme d’habitude, que Dabo, plein de culot, a bien joué et laisse envisager de bien belles saisons avec un peu plus d’assise, et que Janot devrait voir son nom donné à une avenue de la ville pour récompenser sa mentalité, son état d’esprit et son travail… C’est juste dommage qu’il n’aime pas ma musique. Le match s’est terminé sur un score nul et a été nul sur toute la ligne… Tout le monde a été nul, sauf le public qui s’amuse comme il peut. Quand on a rien à lui proposer, il faut bien qu’il se charge d’assurer le spectacle.

Docteur, il faut que je vous dise que si je dois partir de Saint-Etienne vous allez beaucoup me manquer. Encore un match à jouer la semaine prochaine et je vous appellerai peut-être pour la dernière fois… Quoi qu’il en soit, je ne vous oublierai pas… Dès que j’aurai réussi à démarrer une carrière et que j’aurai été compris par des connaisseurs qui me feront confiance, je vous ferai signe et je vous recommanderai comme psychiatre de mon futur club… Tiens au Real Madrid par exemple, ils en ont besoin là-bas…

En attendant, mon Cher Docteur, portez-vous bien !!!

Auteur : Rising42