« OL Groupe s'est imposé depuis sa création en 1999 comme un acteur majeur des médias et du divertissement sportif en France. Le Groupe a établi sa stratégie sur un modèle de développement économique, visant à accroître les moyens financiers du Groupe par le développement de la marque OL et la diversification de ses activités » (Jean Michel Aulas, 7 Février 2007).
«Le football est un jeu avant d'être un produit, un sport avant d'être un marché, un spectacle avant d'être un business » (Michel Platini, 27 Janvier 2007).
Clin d’œil des calendriers, au moment où Platoche posait son postérieur imposant sur le trône du football européen,
Deux philosophies contraires émergent simultanément, incarnées par deux personnages incontournables du Foot français.
A ma droite, Jean-Michel Aulas, l’homme qui dirige avec succès et sans romantisme sa petite entreprise, l’OL, qui contrairement aux grands clubs du foot français, ne connaît pas la crise. Son projet est simple, réduire à néant la glorieuse incertitude du sport (« une mécanique économique dans laquelle nous avons mis en place ce qu'il fallait pour avoir des résultats sur le plan passé et sur le plan futur » dit-il), afin de faire de son club, ad vitam, la marque n°1 du foot français.
Le moins qu’on puisse écrire est qu’il y parvient totalement depuis 6 ans, à la notable (et douloureuse pour son ego) exception des compétitions européennes. Non que son modèle ne soit transposable en dehors de nos frontières, mais en Europe, certains, avec encore plus de moyens, savent utiliser les mêmes recettes.
La recette, rappelons le, repose sur quatre piliers
- un mécène généreux : Pathé en l’occurrence qui a donné à Lyon des moyens que seuls Paris, Marseille, voire Monaco ont eu;
- une rentabilisation systématique et optimisée des actifs du club (Maurice, Giuly jadis, Essien, Diarra plus récemment),
- un lobbying méticuleux auprès des instances afin de pérenniser la réussite : des droits TV favorables aux gros, des compétitions aménagées (coupe de la ligue), et un arbitrage complaisant,
- l’affaiblissement assumé de la concurrence locale (« je préfère qu’il soit chez nous plutôt que chez un concurrent » a dit Aulas au moment du transfert de Belhadj) par l’achat des meilleurs joueurs de L1 (Toulalan, Abidal, Squillaci, Kallström, Belhadj…), et si ça ne suffit pas, une déstabilisation organisée et systématique à base de contacts directs (sans respecter les règles en vigueur) des joueurs clé des clubs qui pourraient menacer la mainmise de Lyon (Makoun, Chamakh, Ribery, Pauleta, Piquionne…).
Seul hic : à force de manœuvres limite, mais plus sûrement parce que les bailleurs de fonds du foot français (Canal+ en tête) vont s’agacer d’une telle domination par nature « audimatophage », le groupe de ceux qui ont envie ou intérêt de faire tomber Lyon pourrait finir par s’organiser pour nettoyer l’écurie d’Aulas. Cette chute, qui ne serait pas sans rappeler celle de l’OM de Tapie, facilitée il est vrai par le franchissement trop voyant de la ligne blanche par Nanard., semble cependant bien utopique aujourd’hui…
A ma gauche, Michel Platini, le mythe du foot français d’avant le 12 Juillet, celui en qui se reconnaissent massivement les tenants de la foot nostalgie, les amoureux des perdants magnifiques, les citoyens aux larmes de Séville ou Guadalajara.
Platini a fait campagne sur l’idée d’une fracture pas sociale mais économique entre le foot du G14 et celui des nations, de toutes les nations. Sitôt élu, il s’est plu à rappeler qu’il voulait « redonner ses valeurs au football » et « éviter que des gens de la famille du football aillent devant des juges, des tribunaux ». Une pierre dans le jardin du président lyonnais qui, en 2005, avait convoqué un huissier à Caen pour faire constater que le terrain n’était pas jouable. Le même qui, suite à la blessure d’Abidal contre le Costa Rica, avait décidé en Décembre 2005 de traîner
Pas besoin de fouiller longtemps dans le programme du nouveau président de l’UEFA pour y trouver des expressions (« Solidarité », « Égalité des chances », « l’âme du foot ») qui, en moins définitif font écho au « non au foot business » qui fleurit sur les banderoles des ultras. Des mots qui au-delà de nos frontières lui ont valu un tir en règle façon grosse Bertha des dirigeants du foot allemand (« le plus important c’est la loi de l’offre et de la demande » dixit Uli Hoenness).
Bref Platoche agace prodigieusement les tenants du libéralisme triomphant et il serait bien entendu simpliste de ramener à une opposition de personnes (Platini / Aulas) ce qui relève plus largement de deux philosophies contraires : le football des autoproclamés grands clubs soucieux avant tout de leur développement économique d’une part (ah la fameuse holding OL Groupe !), le football de l’immense majorité des autres clubs, des équipes nationales et bien entendu des supporters d’autre part, plus attachés au sportif et à la tradition.
N’empêche. En France, Aulas qui a salué du bout des lèvres la victoire de Platini («Je souhaite qu'il puisse réussir dans son entreprise tout en étant convaincu qu'il devra aussi faire en sorte de travailler en parfaite collaboration avec les clubs comme les nôtres pour privilégier, au niveau de l'Uefa, le développement d'une image et des ressources») va enfin voir son omnipotence mise à mal.
Celui qui dirige indirectement
Aulas a enfin trouvé à qui parler. Un contre pouvoir se dresse face à lui. Le football français ne peut que mieux s’en porter.