Seul joueur encore en activité (à Lyon Duchère, en N1) à avoir remporté ses trois derniers derbys sous le maillot vert, Moustapha Bayal Sall s'est confié avant le choc qui clôturera la 27e journée de L1 ce dimanche soir dans la banlieue.


Tu as remporté les trois derniers derbys que tu as disputés, quels souvenirs gardes-tu des six précédents que tu as disputés ?
Mon premier derby, c’était ma première apparition en L1. C’était mon deuxième match avec les pros. Un mois plus tôt, j’étais entré en jeu à la place de Julien Sablé, en Coupe de la Ligue à Sète. A Gerland, Ivan Hasek m’a fait entrer en jeu alors qu’il y avait 1-1. Yohan Hautcoeur avait égalisé en milieu de deuxième mi-temps mais Lamine Diatta s’est fait injustement expulser. Jérémie Janot a arrêté le péno et j’ai remplacé Geoffrey Dernis juste après. Mais Juninho a marqué à la dernière minute. Avant de faire mon entrée en jeu, j’étais déjà mentalement dans le derby. Cela faisait déjà un moment qu’on m’avait fait comprendre ce que représente ce match. J’étais déjà imprégné de cette forte rivalité entre Saint-Etienne et Lyon. Je connaissais cette histoire, je me suis intégré direct !



Tu as attendu presque deux ans pour disputer ton deuxième derby, le premier en tant que titulaire, toujours en banlieue.
Oui, je m’en souviens, Alain Perrin m’avait titularisé aux côtés de Yohan Benalouane. Kévin Mirallas avait ouvert le score mais Lyon avait égalisé, on avait fait match nul. On avait vraiment malmené les Lyonnais, ça nous tenait vraiment à cœur de gagner ce match-là et on n’avait été pas loin d’y parvenir. Je me souviens qu’on avait joué une bonne partie de la seconde mi-temps en supériorité numérique car Frédéric Piquionne s’était fait expulser.



Tu as dû attendre à nouveau deux ans pour jouer ton troisième derby, cette fois-ci à domicile. Un cauchemar…
C’est le pire derby de ma vie. Sans doute mon plus mauvais souvenir sous le maillot vert avec notre élimination à Bâle alors que je pensais avoir marqué le but de la qualif. On avait pourtant bien démarré ce derby, Carlos Bocanegra avait ouvert le score. On dominait ce début de match mais ils ont égalisé car j’ai mal dégagé un ballon qui est revenu sur Bafé. Ensuite ils ont pris l’avantage sur corner, Cris a mis une tête, ça a rebondi sur mon épaule et ça a fini dans le but… J’ai également détourné le ballon sur leur troisième but marqué par Bastos. J’ai vraiment vécu une sale soirée !

Tu as une fois de plus été contraint de patienter près de deux ans pour disputer ton quatrième derby et ça s’est encore mal terminé.
Tu peux me rafraîchir la mémoire ?

Dans le Chaudron, Michel Bastos avait marqué l’unique but de la rencontre sur coup franc.

Ah oui, ça me revient ! C’est rageant car il avait marqué alors qu’on jouait pourtant à 11 contre 10 suite à l’expulsion de Mouhamadou Dabo. Mais en fait cette saison-là je me rappelle surtout le match retour à Gerland. Ce match s’était déroulé l’après-midi, à un horaire inhabituel pour un derby. J’étais associé à Kurt Zouma et c’est lui qui avait ouvert le score de la tête. Les Lyonnais avaient égalisé en deuxième mi-temps mais on sentait qu’on était proche de prendre l’ascendant sur Lyon lors du derby, ça s’est confirmé par la suite. J’étais content car à l’époque où je suis arrivé à Sainté, c’était difficile à vivre. C’était l’époque de la suprématie lyonnaise, ils avaient le pouvoir de gagner tous les matches. Heureusement au fil des ans la donne a fini par s’inverser.



Le premier acte de cette inversion avait eu lieu le 25 septembre 2010, lors du 100e derby de l’histoire. Comment avais--tu vécu cette rencontre depuis le banc ?
Cela reste bien sûr un souvenir excellent et inoubliable. J’étais sur le banc car Christophe Galtier avait fait jouer en charnière les deux Sylvain, Marchal et Monsoreau. Mais j’étais très content qu’on gagne enfin ce derby. Que tu sois titulaire ou remplaçant, peu importe, c’est tout le club qui a gagné. On était tous très heureux, vraiment contents ! Cela faisait tellement longtemps que Sainté n’avait pas battu Lyon… On l’a fait ! On a tous bondi sur le super coup franc de Dim. On a vécu un moment extraordinaire !



Le sixième derby que tu as joué, le 10 novembre 2013 à GG, aurait dû tourner à l’avantage des Verts. Mais les vilains se sont imposés dans les ultimes secondes du temps additionnel.
Ah oui, je m’en souviens aussi de ce derby ! C’est Jimmy Briand qui nous avait crucifié de la tête alors qu’on avait fait un bon match et qu’on aurait sans doute mérité de l’emporter. Loïc avait eu la balle du 2-1 mais hélas sa reprise de la tête avait été repoussée par la transversale. La fin de match avait été vraiment cruelle. Mais on sentait qu’on n’allait pas tarder à prendre le dessus sur Lyon. On l’a fait dès le match retour.



Quelles images te reviennent de ce match remporté 2-1 chez les banlieusards ?
Je me remémore l’ouverture du score de Mevlut Erding mais surtout le but victorieux de Max Gradel. La veille de la rencontre, j’avais eu une prémonition. J’avais dit à Max : « demain tu rentres, et tu marques ! » On n’a pas volé notre victoire.



La fin de match avait été un peu houleuse, les vilains ne sont pas des bons perdants…
On a gagné, on a savouré notre victoire. Un supporter de l’OL est entré sur le terrain pour nous faire quelque chose. On est venu devant lui pour lui montrer qui c’est les plus forts. Il y a eu aussi des embrouilles entre les joueurs mais c’est toujours comme ça. Le derby on aime que ça se passe comme ça. Il ne faut pas avoir peur, il faut tout donner. S’il y a une bagarre, des embrouilles, c’est comme ça, il faut faire avec. C’est ça le derby !

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T’es resté en contact avec ce vilain supporter ?
(Rires) Non, on ne l’a plus revu depuis qu’il a rebroussé chemin. Il était venu pour nous parler mais apparemment il s’est ravisé quand il nous a vu arriver avec Kurt, Brandao, Josuha, etc. Dès qu’il a vu qu’il avait des golgoths devant lui, je ne sais pas pourquoi, il a reculé ! (rires)

Huit mois plus tard, le jour de tes 30 ans, tu as encore battu les vilains, nettement et à la maison.
Ce 3-0 reste mon plus beau souvenir de derby, le meilleur souvenir de ma carrière. En plus j’ai ouvert le score. On avait pourtant joué trois jours plus tôt en Europa League, où on avait concédé un décevant match nul contre Qarabag. Mais Christophe Galtier nous avait bien motivés pour ce derby. Ce jour-là on a été nettement au-dessus des Lyonnais. On les a battus avec la manière, en mettant beaucoup d’envie. Cela faisait très longtemps que les Verts n’avaient pas gagné un derby à la maison. Nos supporters attendaient ce moment avec impatience. C’était trop bon. Cette défaite a fait mal aux Lyonnais, ils y repensent tous les jours (rires).



Ton derby suivant a été le dernier…
Et oui, ça fait déjà quatre ans ! On avait gagné 1-0 à Geoffroy, but d’Alexander Söderlund. Cette victoire étant d’autant plus méritoire qu’on avait beaucoup de blessés, on avait un effectif vraiment diminué. Mais on avait su s’arracher pour gagner. Comme quoi quel que soit le classement des deux équipes et l’état des forces en présence, tout est toujours possible dans un derby !



Les Verts n’ont pas encore gagné au Cochonou Stadium. Tu iras demain les supporter pour les aider à gagner ?
J’y serais bien allé mais je préfère rester à la maison pour voir ce match-là. Si je me pointe là-bas, il y en a qui vont être vraiment fâchés à Lyon. Je suis un supporter des Verts et j’ai cru comprendre que les supporters stéphanois ne sont pas les bienvenus. Il y a encore eu un arrêté leur interdisant d’assister à ce match. Ça m’agace, je trouve ça dommage. Un derby sans la présence des supporters visiteurs, ça perd une partie de son charme. On devrait autoriser les supporters à venir soutenir leur équipe au stade. Un vrai derby, ça doit se dérouler en présence des supporters des deux camps. Les supporters stéphanois vont encore devoir se contenter de motiver les joueurs en se rendant à l’Etrat pour le départ du car. Je trouve ça rageant qu’ils ne puissent pas assister au match très important de demain…

Loïc est encore forfait pour ce match. Au cas où Wesley Fofana ou William Saliba serait touché par le coronavirus, tu serais prêt à jouer le derby demain soir ? Ce serait l’occasion pour toi de remporter un quatrième derby consécutif !
(Rires) J’espère quand même que le coronavirus ne va pas tomber sur les Verts ! Je ne pense pas être sur le terrain demain soir mais je suis toujours stéphanois et mon cœur est toujours vert ! L’ASSE, c’est le club qui m’a tout donné. C’est mon club de cœur et c’est mon club de sang. Mon sang est vert, ça ne changera jamais !

Et comme ton club de cœur tu as battu le Bastia Borgo de Pierrick Cros hier en Corse. Sans Laurent Roussey, débarqué quelques jours plus tôt…
Son départ m’attriste, forcément, car c’est comme un père pour moi ! C’est le premier entraîneur qui m’a donné ma chance. Quelque part c’est grâce à lui que je suis resté à Saint-Etienne près de dix ans. Ça fait un peu mal de ne pas finir la saison avec lui mais le football est comme ça et on va continuer de se battre. On est sixièmes à trois points du barragiste, on n’a pas dit notre dernier mot. Je me sens bien physiquement et mentalement, je joue. Le National 1 n’est pas comme la Ligue 1. C’est un championnat difficile, physique, ça court de partout et je réponds à tout ça. Je m’entraîne tous les jours à fond comme je le faisais à Saint-Etienne. Je suis resté professionnel dans mon travail et j’ai encore un bon niveau.

Au point de caresser l’espoir de rejouer en vert d’ici la fin de ta carrière ?
Si le président le décide… Moi j’aimerais bien revenir à Saint-Etienne et finir ma carrière là-bas puis ensuite avoir une reconversion dans ce club, pourquoi pas ?

Le problème c’est que t’as peut-être 40 voire 50 ans maintenant, vu ce que Guirane N’Daw a récemment déclaré…
(Rires) J’ai pris connaissance des déclarations de Guirane N’Daw. Il a dit quelque chose qu’il ne devait pas dire. Ses propos font mal aux Africains. Pas que les Sénagalais. Tous les Africains, qu’ils soient ivoiriens, sénégalais, congolais, burkinabés… Peut être que Guirane a triché mais les Africains ne sont pas tous pareils. Là, il a sali tous les noms des Africains. On ne peut pas dire des choses comme ça ! Maintenant les Européens et tous les clubs vont penser que tous les Africains ont coupé leur âge. Franchement, c’est catastrophique ce qu’il a dit !

Même si sa généralisation est pour le moins malvenue, y a-t-il une part de vérité dans ses propos ?
Pour moi, il est complètement à côté de la plaque ! C’est de la jalousie et de la méchanceté. Les propos de Guirane sont graves car les Européens vont regarder les Africains avec suspicion. En voyant jouer les Sadio Mané, les Idrissa Gueye et les nombreux autres internationaux, ils vont se demander s’ils n’ont pas coupé leur âge alors que ce n’est pas le cas. Guirane a triché mais il n’a pas le droit d’en déduire que tous les autres Africains sont comme lui ! Il a commis une faute en tenant de tels propos. C’est une honte !

Quel est ton pronostic pour le derby de demain ?
Pour dire vrai, ce match ne va pas être facile. Il va être très compliqué. Les Lyonnais seront plus en confiance car ils viennent de faire un gros match en battant la Juve. Nous on n’a pris que quatre points sur les dix dernières journées. Aux Verts de faire abstraction de leur mauvais classement. Qu’ils abordent ce match comme s’ils étaient dans les trois premiers. Il faudra être motivé à 200%. Un derby, c’est un derby. On ne le joue pas, on le gagne. On ne sera pas favori mais on peut gagner, comme à l’aller ! Et si on y arrive ça peut nous relancer pour la fin de saison. Moi je vois un match nul 1-1. But de Bouanga pour les Verts et d’Aouar pour les Lyonnais.

Comment vois-tu cette fin de saison ? Tu sens les Verts capables de se maintenir sereinement et de soulever la Coupe de France pour la 7e fois de l’histoire du club ?
Notre classement en Ligue 1 n’est pas bon, c’est inquiétant. Mais on n’est pas dans la zone rouge et il reste douze matches. Je crois en Sainté. Les Verts vont se maintenir. Ils ont de bons joueurs et un bon coach. J’ai foi en eux. Ils peuvent aussi gagner la Coupe car ils ont remporté presque tous les matches précédents avec la manière dans cette coméptition. Ils sont dans le dernier carré, ils seront à fond. Ils auront toutes leurs chances jeudi en demi-finale contre Rennes à la maison. Et si par bonheur ils parviennent en finale, tout peut se passer au Stade de France !

 

Merci à Mouss pour sa disponibilité

 

Crédit photo : Jeff Pachoud, AFP