LE match de l’année est là devant nous, quelques heures nous séparent du rendez vous tant attendu, celui de tous nos fantasmes, de tous nos délires, de cette impression rare et vertigineuse que quatre vingt dix minutes peuvent nous faire monter au 7e ciel comme nous envoyer en enfer.

Pas de demi-mesure, pas d’émotion au rabais. Le septième ciel de l’orgueil raffermi, de la fierté affirmée ou l’enfer d’une supériorité tristement implacable et des quolibets qui l’accompagnent.

Dans la foulée d’un mois d’octobre aux petits (vincent) oignons, du haut de la troisième marche du podium, à défaut de siècles, le général Baupaparte et ses troupes remontées contemplaient avidement les quelques points qui nous séparaient de notre ennemi intime. La fièvre verte était remontée aussi rapidement et aussi peu lucidement qu’un ex-ailier droit peroxydé déboulant précipitemment au-delà de la ligne de touche. Gagnés par une euphorie bien légitime, tel ce bon Nicolas Marin, on en a un peu oublié de lever la tête et on a dépassé la ligne blanche.

Un mois plus tard, nous voilà cotonneusement installés dans le ventre mou du championnat. Nos rêves de parer l’habit du challenger face au tenant se sont évanouis, perdus dans un triangle des bermudes, dont un côté se nommerait Blessures (Piquionne, Mazure, Hellbuyck), un autre Frilosité (cette manie de ne pas tout faire pour enfoncer le clou quand on mène) et le troisième Méforme (celle de certains cadres supposés tenir la baraque, Camara à Monaco, Zokora à Lens…).

N’en jetez plus la coupe est pleine, à parcourir le forum débordant de rancoeurs, reproches et regrets, nos illusions donneraient désormais sur la cour…

Et pourtant … en cherchant le sommeil hier, faute de moutons, me prit l’envie de compter mes souvenirs heureux de derbies à GG, du fond de mon plumard renaissaient Wolfarth et son tacle improbable, Pédron et sa frappe d’extraterrestre, Séchet et son ciseau héroïque, Potillon et sa tête rageuse, Gros et son tir millimétré, Feindouno et sa tête chercheuse… Le vacarme est assourdissant, la foule est en délire, ma nuit délicieusement écourtée et mes draps s’en souviendraient presque.

L’Histoire du derby est là pour nous en convaincre : tout est possible, du plus classique (la tête de Féfé ou Gnongnon sur corner, la frappe de Piniok) au plus délirant (un premier but historique de Zoko, un coup franc pleine lunette de Hell, une reprise de volée de Fouss). Le derby défie la raison, alors dégustons ces instants si précieux qui précèdent le jour J.

Place au rêve.