Quelques jours avant son retour très attendu à Geoffroy-Guichard, Julien Sablé a accepté de se confier longuement aux potonautes. Première partie de ce long entretien !
Julien, merci pour tout. Te souviens-tu du jour où tu as appris que l'A.S. Saint-Etienne t'avait choisi pour intégrer son centre de formation ? Quelle a été ta première réaction ? Que savais-tu du club avant ce jour là ? (Karamba)
Oui, je me souviens du jour où j’ai appris que l’ASSE m’avait choisi pour intégrer le centre de formation. En fait je ne l’ai pas appris directement mais par l’intermédiaire de mes parents, qui étaient en rapport avec le club. Sincèrement, je ne connaissais rien de Sainté avant de venir ! Je n’étais rien qu’un p’tit Marseillais qui rêvait de l’OM. En fait j’ai été repéré par les recruteurs stéphanois lors des matches que j’ai effectués en sélection de Provence. Je me souviens de mon arrivée à Saint-Etienne, c’était un mardi soir. J’ai découvert le stade Geoffroy-Guichard… Ouaaah ! J’ai réalisé très vite que c’était fabuleux de rejoindre un club comme Saint-Etienne.
Ton meilleur souvenir sous le maillot vert ? (cedric26) Si tu n'avais qu'un moment à garder de ta période verte, quel serait-il ? (Emeline)
J’ai vécu beaucoup de bonnes choses à Saint-Etienne ! Si je devais n’en retenir qu’une, ce serait sans doute mon deuxième titre de Champion de France de Ligue 2. C’était un moment fabuleux à vivre. Cette saison s’annonçait pourtant très difficile : on sortait de trois saisons éprouvantes, il y a eu des changements à la tête du club. Sur le papier, le groupe qui attaquait cette saison 2003-2004 n’était pas forcément plus fort que ceux des années précédentes. Mais il y avait un vrai esprit de groupe, les joueurs avaient tous une mentalité exemplaire. On a enchaîné les bons résultats et la saison s’est terminée en apothéose avec cette incroyable et inoubliable fin de match contre Châteauroux.
Tu as marqué douze buts, tu te souviens d'un en particulier ? (cedric26)
Je me souviens particulièrement de mon but contre Cluj, pour ce que ça représente. Alors qu’on jouait à 10 contre 11 suite à l’expulsion d’Hérita, j’avais réussi à égaliser à un but partout en début de deuxième mi-temps d’une frappe croisée des 18 mètres. J’avais vraiment la rage. Sur un plan personnel, j’étais dans une période faste. Je me souviens que j’avais failli marquer un ou deux autres buts lors de ce match. Je me sentais vraiment bien sur le terrain. Ah, je voulais tellement qu’on se qualifie ! On avait pris très au sérieux cette coupe Intertoto en faisant abstraction de nos vacances. L’Intertoto, c’était quand même le retour des matches de Coupe d’Europe à Sainté ! Comme nos supporters, j’attendais ce moment depuis longtemps. J’étais affûté et super motivé, encore plus que d’habitude. D’ailleurs, je me souviens qu’au tour précédent j’avais marqué contre Neuchâtel Xamax.
Quel aura été le meilleur joueur à avoir joué à ton côté à Sainté ? Le plus mauvais ? (Karamba)
Je ne me permettrais pas de répondre à la deuxième partie de la question, ce serait particulièrement malvenu de ma part, surtout dans la mauvaise passe que je traverse depuis plusieurs mois. Ce n’est pas dans ma nature de « tailler » des joueurs qui éprouvent des difficultés. Sincèrement, je pense que pour rejoindre l'ASSE, un joueur a forcément des qualités. C'est vrai que certains n’ont pas réussi à s’imposer car Sainté est un club à part, avec une grosse pression. Des joueurs ne sont pas parvenus à exprimer leur potentiel, ils ont peut-être été déstabilisés par le contexte stéphanois.
En ce qui concerne le meilleur joueur, j’hésite entre Alex et Feindouno. Pour moi, ce sont deux joueurs exceptionnels. Pas évident de trancher d’autant plus qu’ils évoluent dans des registres différents… Allez, on va dire Pascal. Il apporte beaucoup au jeu de l’équipe. J’avais un peu l’impression d’être son garde du corps sur le terrain. Quand tu as un joueur comme ça dans ton effectif, tu essayes de te démener pour qu’il puisse éclairer notre jeu.
Si tu devais désigner le 11 idéal de tes 9 années passées en pro, quel serait-il ? (Karamba)
Pas facile comme question ! Bon allez, je me lance : je mets Jérôme Alonzo dans les buts. Pat’ Carteron arrière-droit, Hérita Ilunga arrière-gauche. En défense centrale, on va mettre Zoumana Camara et Gilles Leclerc. Au milieu de terrain, ben j’ai envie de jouer donc je me mets ! (rires) A mes côtés, je prends Loïc Perrin. En ce qui concerne les milieux offensifs, je choisis de mettre Pascal Feindouno à droite et Stéphane Pédron à gauche. En attaque, je mets José Aloisio et Patrick Revelles.
Lors de la descente en L2 à cause des faux passeports, comment as-tu vécu le fait de se battre contre un adversaire (la Ligue) qui retirait des points gagnés sur le terrain ? Peut-on encore être motivé en tant que joueur ? Etait ce jouable pour le maintien ? (envert94)
Malgré ce retrait de points c’était jouable mais il faut admettre que le groupe a littéralement explosé avec cette affaire. En tant que joueurs, on n’a pas été préservés. On a été confrontés à des choses qui ne nous regardaient pas. J’ai le sentiment qu’on a été un peu livrés à nous-mêmes. Et nous les joueurs, on n’a pas réussi à faire abstraction de cette affaire. Alors qu’au contraire l’année de la montée en Ligue 1, Frédéric Antonetti a su nous surprotéger pour qu’on se focalise sur le terrain et nos performances sportives. Pour en revenir à cette maudite saison 2000-2001, je pense quand même qu’il y avait largement la place pour se maintenir. Quand on nous a retiré des points, il restait encore pas mal de journées. On avait un sentiment d’injustice et j’ai longtemps espéré qu’on allait sauver la baraque. Mais même si on nous a restitué tardivement des points, on était abasourdi. Finalement, cette mauvaise digestion de l’affaire des faux passeports nous a été fatale.
Quand tu étais titulaire en Espoirs et que le club se débattait en queue de classement en L2, tu as sans doute eu des propositions de départ. Peut-être même en avais-tu envie ? Pourquoi ça ne s'est pas fait à ce moment-là ? As-tu le sentiment d'avoir perdu du temps dans ta progression de joueur à cette époque ? (Karamba)
Je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu mon temps, au contraire ! A l’ASSE on comptait sur moi et on tenait à ce que je continue de m’investir pleinement au sein du groupe stéphanois. Je ne regrette absolument pas d’être resté à Sainté. Et puis en toute franchise, je ne suis pas sûr que mes sélections en équipe de France Espoirs reflétaient mon réel niveau. Elles m’ont apporté une surexposition médiatique mais ensuite j’ai connu un passage à vide, une mauvaise période. C’est alors que j’ai eu la chance d’être couvé par Frédéric Antonetti. A l’époque où le club végétait en bas de classement de Ligue 2, j’ai été sollicité par l’OM et j’ai une proposition du LOSC. Mais l’entraîneur a mis son véto, il m’a barré. Sur le moment j’ai trouvé ça un peu douloureux mais après coup j’ai compris que c’était pour mon bien.
Les conditions du départ d'Antonetti restent à ce jour assez troubles. Qu'en sais-tu vraiment ? Qui de l'entraîneur et du président ne voulait pas travailler avec l'autre ? (Karamba)
Ni l’un ni l’autre ! Je pense vraiment qu’ils voulaient travailler ensemble. Mais Frédéric Antonetti souhaitait continuer de travailler avec son staff, il ne voulait pas qu’on rogne sur les prérogatives de Christian Villanova. Frédéric Antonetti est très franc, très honnête, il a toujours voulu s’entourer de personnes de confiance dans son travail. Vu sa façon de fonctionner, il n’aurait pas pu se regarder dans une glace s’il avait poursuivi l’aventure à Saint-Etienne en lâchant Christian Villanova. On peut le comprendre. Il a opté pour la franchise et la solidarité.
Pourquoi n'êtes vous pas monté au front (avec les autres joueurs) quand Anto n'a pas voulu être reconduit ? (Sorbiers)
On a essayé de mettre la pression. Mais les dirigeants nous ont dit ouvertement qu’ils ne souhaitaient pas reconduire le ticket Antonetti-Villanova. On a été beaucoup à vouloir peser sur la balance. Plusieurs joueurs étaient en fin de contrat ou en rediscussion de contrat et on tenait à afficher notre soutien à Frédéric Antonetti. Je pense que s’il avait repris un club tout de suite après son départ de Saint-Etienne, on aurait été plusieurs à le suivre car on sait ce qu’on lui devait. Mais ça n’a pas été le cas. Il a dit à certains d’entre nous que nous devions penser à notre carrière et qu’il était risqué de lier notre sort au sien. Notre employeur c’était l’ASSE, pas Frédéric Antonetti. On a donc continué l’aventure à Sainté sans lui.
Je crois que tu avais déclaré que c'était Antonetti qui t'avait convaincu de rester chez les Verts quand il a été évincé du club. Est-ce vrai ? Le regrettes-tu ? (fofie)
Oui, je me suis posé beaucoup de questions quand j’ai appris que Frédéric Antonetti allait quitter l’ASSE. S’il avait pris les commandes d’un autre club juste après son départ de Sainté, je l’aurais certainement suivi. Mais il m’a expliqué qu’il n’avait aucun autre club en vue, que j’étais un grand garçon et que ma carrière stéphanoise primait sur son sort personnel. Je ne regrette pas de l’avoir écouté, il avait raison.
Quelles sont tes relations avec Frédéric Antonetti ? Tu étais très proche de lui, as-tu gardé des contacts avec lui ? Pourquoi ne pas rebondir à Nice, comme Vincent Hognon et David Hellebuyck ? (envert94)
J’ai un profond respect pour Frédéric Antonetti. En effet, j’étais proche de lui et je l’apprécie beaucoup. J’ai gardé des contacts avec lui, je l’ai de temps en temps au téléphone. Je l’ai eu au mercato. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas me prendre à Nice mais il m’a encouragé, il m’a demandé de m’accrocher. C’est l’un des seuls à m’appeler depuis que je suis dans le creux de la vague. Quand ça va moins bien, c’est réconfortant de voir que certains ne t’ont pas oublié. De là à dire que je pourrais rebondir un jour à Nice, c’est une toute autre histoire. Ce n’est pas d’actualité. Mais je serais bien sûr ravi si j’avais l’occasion de retravailler un jour sous la direction de Frédéric Antonetti. C’est un entraîneur qui a beaucoup compté pour moi.
Qui a été le meilleur entraîneur que tu aies connu ? (le sphinx, fofie)
Frédéric Antonetti.
J’ai beaucoup de respect pour ce que tu as accompli sous le maillot vert même si tes deux dernières saisons ont été plus difficiles. Julien, le milieu de terrain Zokora - Hellebuyck - Sablé était pour moi un des meilleurs du championnat. Est-ce aussi ton avis et quelles sont les raisons principales, selon toi, qui ont fait que la seconde saison avec Baup ait été si difficile et décevante alors que la première avait été très réussie et pleine de promesse pour l'avenir ? (Rabbi Jacob)
C’est vrai qu’avec Didier et David, on formait l’un des milieux les plus productifs de la Ligue 1. On était très complémentaires. A mon avis, plusieurs facteurs expliquent que notre deuxième saison ait été en effet difficile et décevante. Je pense que notre élimination contre Cluj en coupe Intertoto nous a fait du mal. On a eu du mal à surmonter cette déception. Notre saison a également été délicate du fait des divergences de points de vue sur le recrutement entre le staff, l’administratif et le président. Peut-être que ces tiraillements ont un peu influé sur le rendement de l’équipe. Indépendamment de ça, il faut reconnaître qu’on a été moins bon, tout simplement. Je pense que nous étions plus attendus que la première saison. Or on s’est un peu endormi, on a fait moins d’efforts. Bref, ça a été une année gâchée.
Avec quel autre joueur du milieu de terrain as-tu formé la meilleure paire de demi défensif ? (Parasar)
Dans un schéma à deux milieux défensifs, je dirais Pape Sarr et Christophe Landrin.
Quel est ton meilleur poste : demi "strictement" défensif, ou avec plus de libertés offensives ? (Parasar)
Je n’ai pas vraiment de préférence, tout dépend des joueurs qui m’entourent. La saison dernière, par exemple, mon travail était moins visible mais ça ne me déplaisait pas de faire briller Christophe Landrin. Mais j’aimais bien également ce que j’apportais offensivement sous la direction de Frédéric Antonetti puis d’Elie Baup. Quoi qu’il en soit, je suis plus un milieu défensif qu’offensif.
Lors d'un déplacement au Mans l'an dernier après l'élimination de Lyon par Rome en Ligue des champignons, il m'a semblé te voir porter à l'échauffement des chaussettes de la Roma, tu confirmes ? (Parasar)
Non, c’est quoi cette histoire de chaussettes ? (rires)
Le départ de Piquionne était-il l'an dernier le véritable tournant de la saison dernière, et si oui pourquoi a-t-il tant tenu à partir alors qu'il pouvait marquer l'histoire de l'ASSE en contribuant à la ramener sur la scène européenne ? (Parasar)
Son départ est en effet le point qui a déclenché notre mauvaise période. Je sais que les supporters stéphanois lui en veulent mais personnellement je ne tiens pas à l’accabler. Pour Piquionne, Lyon ça ne se refusait pas. Il a été sensible à l’intérêt que lui portait l’OL à une période où il ne se sentait peut-être pas suffisamment valorisé à l’ASSE. A mon avis, on a minimisé au sein du club le fait qu’il était l’un des joueurs les plus productifs et probablement le plus important de notre équipe. Piquionne avait des relations un peu tendues avec les supporters. Je pense qu’il a mal vécu cette cote de désamour. Il fallait qu’il en fasse trois tonnes pour avoir la reconnaissance du public alors que des joueurs moins en vue étaient mieux considérés par les supporters. Il a sans doute senti également ce manque de reconnaissance à l’intérieur du club. Quand on vous témoigne ailleurs plus d’intérêt que dans le club club pour lequel vous vous défoncez, ça ne me choque pas que vous ayez envie de voir ailleurs. Je sais de quoi je parle, même si le contexte de mon départ est un peu différent.
Que penses-tu de la domination de l'OL sur le foot français ? (envert94)
On ne peut que dire bravo. Il n’y a plus d’effet de surprise. L’OL va gagner son septième titre de champion consécutif. Ce n’est pas le fruit du hasard, ça vient récompenser deux décennies de boulot. Cette domination peut agacer, surtout à Saint-Etienne mais je pense que l’ASSE pourrait prendre exemple sur Lyon. Attention, je ne dis pas qu’il faut faire un copier-coller. Les deux clubs n’ont pas les mêmes valeurs mais Sainté pourrait s’inspirer en partie de Lyon pour rattraper son retard.
Merci cap'tain pour tout ce que tu as fais pour ce maillot qui nous est cher et bonne chance pour ta fin de saison en ch'nord. Si les voisins outre A47 t'avaient proposé un bon contrat durant tes saisons à l'ASSE, aurais-tu accepté ? (sapeurvert ex online)
Non, ça aurait été hors de question par rapport à mon amour de Saint-Etienne. J’ai des valeurs et j’aurai eu du mal à me regarder dans une glace en quittant les Verts pour l’Olympique Lyonnais.
La saison dernière a été en quelque sorte celle de la destruction finale du passage de Frédéric Antonetti au club avec le départ volontaire ou forcée des cadres encore là pour la remontée. Comment le groupe a-t-il vécu la fin de cette époque ? Est-ce cela qui a causé la cassure entre les joueurs que l'on a évoqué alors ? (Karamba)
Oui, c’est un peu ça. Le football marche par cycles et la saison dernière a correspondu à la fin d’un cycle. Les dirigeants du club ont souhaité reconstruire et prendre un nouveau départ. C’est vrai que ça a été difficile à vivre, non seulement pour moi mais aussi pour des joueurs comme Vincent Hognon et Papus Camara. On va dire que c’est l’évolution du foot d’aujourd’hui. On ne tient pas toujours compte de ce que vous avez mis. Je n’ai pas d’amertume, je ne veux pas mettre la faute sur tel ou tel mais voilà, je n’ai pas pu mener mon projet à terme. Pourtant, je comptais vraiment faire toute ma carrière à Saint-Etienne.
Quelles étaient les relations exactes entre Ivan Hasek et Laurent Roussey ? (envert94)
Ils entretenaient des relations d’entraîneur à adjoint, sachant qu’Ivan Hasek n’a pas choisi Laurent Roussey comme adjoint. Cet attelage a été monté de toutes pièces. Mais ce n’est pas pour autant que Laurent Roussey a savonné la planche d’Ivan Hasek comme on a pu l’entendre ou le lire ici et là. On ne trouvait rien à redire à ce duo lorsque l’équipe a obtenu de bons résultats lors de la première moitié de saison. Mais dès que la situation sportive se dégrade, on essaye de trouver des coupables. Personnellement je n’ai rien vu au quotidien qui accrédite la thèse d’un adjoint qui aurait savonné la planche de l’entraîneur. Si Laurent avait eu de telles intentions, je pense qu’il aurait tenté de faire une coalition avec moi contre Hasek, avec qui j’ai eu des relations un peu difficiles. Mais ça n’a jamais été le cas.
Que penses-tu sincèrement de Laurent Roussey ? (Sorbiers)
Je ne le connais pas en tant qu’entraîneur mais j’ai apprécié ses qualités d’adjoint. J’ai pas mal bossé avec lui individuellement. Je pense qu’il a de bonnes idées. On entretenait de bonnes relations, il a toujours été positif avec moi même quand ça allait moins bien.
On a beaucoup évoqué une bisbille, voire une jalousie entre Jérémie Janot et toi l'an dernier, qu'en était-il ? (Parasar)
Il n’en est rien ! Avec Jérémie on se connaît depuis longtemps, on a partagé beaucoup de choses à Saint-Etienne, des bons et des mauvais moments. Des propos malencontreux, des incompréhensions ont été montés en épingle. C’est sans doute parti d'une personne à l’intérieur du club pour déstabiliser le club. Ce n’est pas la première fois que ça se produit à Saint-Etienne et c’est vraiment désolant. Avec Jérémie, on n’a pas été d’accord sur tout mais ce n’est pas pour autant qu’on ne pouvait pas se voir et qu'on se jalousait !
Tu t'es plusieurs fois épanché dans le presse et perso, je pense qu'un joueur pro, de plus capitaine, ne doit pas avoir d'états d'âme (enfin dans la presse). La vie d'un groupe se gère de l'intérieur, dans l'intimité du vestiaire, dans le bureau du coach ou des présidents. Penses-tu que ces déclarations dans la presse t'aient rendu service? Ne crois-tu pas qu'un capitaine doit se monter hermétique et toujours défendre le groupe ? (hcatteau)
Je suis d’accord, je n’aurai pas dû tenir de tels propos lors de mes deux dernières interviews. J’en avais gros sur la patate mais ce n’est pas une excuse. Oui, j’ai commis une erreur. Mais ça m’embêterait qu’on ne retienne que cet épisode malheureux. J’ai remarqué que les gens ont souvent tendance à se souvenir du négatif et oublient rapidement le positif. Pendant longtemps, j’ai été positif, je me suis efforcé d’être exemplaire et je me suis beaucoup investi pour le groupe. La saison dernière, à un moment, j’ai pensé plus à ma gueule qu’aux autres. Je me suis servi de la presse pour régler mes comptes mais ce n’était pas moi. J’ai un peu craqué car j’avais le sentiment d’être le bouc émissaire tout trouvé d'une nouvelle saison décevante pour le club.
Beaucoup de respect pour toi Julien et pour tout ce que tu as apporté au club. Ne penses tu pas avoir manqué d'humilité lors des dernières saisons en déclarant notamment que tu n'avais jamais été aussi fort, alors que l'on voyait bien sur le terrain que ce n'était pas le cas ? (Sorbiers)
C’était effectivement présomptueux de ma part. C’est une période ou j’étais de plus en plus critiqué. Comme on ne se bousculait pas au sein du club pour me défendre ou me soutenir, j’ai voulu me défendre par moi-même et j’ai tenu des propos malheureux. Quand j’ai dit que je n’avais jamais été aussi fort, c’était des conneries. J’ai mal réagi car j’estimais que certaines critiques étaient injustes. Je continue d’ailleurs de le penser. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui estiment que ma dernière saison a été mauvaise. Je revendique une saison correcte. J’ai été plus discret mais je me suis mis au service de l’équipe en appliquant les instructions d’Ivan Hasek. J’ai été consciencieux mais à un moment donné j’ai un peu perdu le fil. Ma saison en demi-teinte s’explique par plein de paramètres. On m’a notamment demandé de faire évoluer mon physique, de faire des grosses séances de musculation. J’ai eu du mal à encaisser tout ça. Dans ce contexte là, j’attendais plus des instances de mon club. J’aurais aimé être défendu mais j’ai senti qu’à l’intérieur du club on se posait de plus en plus de questions à mon sujet…
Tu as été au centre du vestiaire pendant cinq saisons, que peux-tu dire de l'atmosphère générale (dirigeants, anciens joueurs, médias, supporters) autour de ce club ? Est-t-elle compatible avec la stabilité qui s'impose pour envisager, un jour, revenir au sommet du football français ? Comment les joueurs réagissent à cet état de crise quasi permanent qui règne depuis plus de 20 ans ? (Karamba)
Il n’y a pas de recette miracle. Pour avoir un club stable, il faudrait un leader à chaque échelon pour assumer en toute sérénité quand ça ne va pas et garder la tête froide, ne pas s'emballer quand ça va. Le problème stéphanois, c’est qu’on fixe des objectifs, des axes et au moindre coup de vent on change de cap. Quand on met beaucoup d’argent sur un joueur et qu’il ne répond pas rapidement aux attentes placées en lui, on a tendance a conclure un peu rapidement qu’il s’agit d’un échec. Saint-Etienne est un club fabuleux mais usant. On aimerait parfois qu’il y ait plus de calme dans ce club mais c’est difficile. Jouer à Sainté, c’est extra à vivre mais les soubresauts du club sont parfois fatigants.
Crois-tu que le club peut arriver à ses fins avec cette organisation à deux têtes ? (Sorbiers)
Il n’y pas de fumée sans feu : même si les médias en ont peut-être rajouté, je pense qu’il y a des problèmes d’organisation au sein du club. La co-présidence n’est pas forcément un problème en soi, je pense qu’elle peut-être viable. Mais c’est dessous que l’organigramme doit sans doute être revu et clarifié. On a voulu donner les clés du sportif à Laurent Roussey, c’est une bonne chose d’identifier clairement un leader dans ce domaine. Mais dans ce cas il faut se tenir à cette ligne de conduite et ne pas être tenté de remettre en cause l’organisation et le leader du sportif en cours de saison sous prétexte que l’équipe enchaîne quelques mauvais résultats. C’est à la fin du championnat qu’on fait le bilan, pas en cours de saison.
Avec le recul et ta découverte de Lens et de son microcosme, l'environnement stéphanois est-il à ce point plus compliqué qu'un autre ? (Parasar)
Il n’est pas plus compliqué qu’ailleurs. La seule différence notable, c’est qu’à Lens, on lave son linge sale en famille, on fait le ménage en interne. Il y a un homme fort, Gervais Martel. Il y a à Lens un leader qui assume. Il n’y a pas de taupes au sein du club, pas de gens qui parlent sous couvert d’anonymat comme ça existe hélas à l’ASSE.
Ne regrettes-tu pas d'être resté si longtemps à Sainté, surtout sans avoir gagné de titre ? (Rudy)
Non, pas du tout, même quand j’ai rempilé lors de la dernière intersaison. Hormis deux championnats de Ligue 2, je n’ai pas gagné de titre sous le maillot vert mais je suis fier de ma carrière stéphanoise, même si elle s'est mal terminée. Il est évident que j’aurais aimé quitter le club sur une toute autre note. A Milan, on sait mettre les joueurs en valeur quand ils sont critiqués. A l’ASSE, j’ai eu le sentiment qu’un joueur qu’on critique est bon à mettre aux chiens. Ma dernière saison, je me suis senti esseulé. Du coup j’ai été moins performant, et on m’a encore plus critiqué. Le chien se mordait la queue…
Si tu pouvais revenir dans le passé, que changerais-tu dans ton parcours pro ? (Le Sphinx)
Je changerais mon intersaison quand j’ai visité les installations à Toulouse en juin 2006. A ce moment là, j’avais le cul entre deux chaises et je n’ai pas été honnête envers moi-même. Mais voilà, dans la vie rien n’arrive par hasard. J’ai été pris dans un tourbillon mais je n’ai eu que ce que je méritais. Je suis resté à Sainté mais je n’étais plus serein.