Ancien attaquant du PSG et de l'ASSE, Cyrille Pouget s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera les deux clubs ce mercredi soir à Geoffroy-Guichard.


Que deviens-tu et où vis-tu Cyrille ?

J’habite dans la région messine car je suis un vrai messin. Je travaille depuis une quinzaine d’année dans le milieu de l’ameublement. Je gère un magasin Mobilier de France entre Metz et le Luxembourg, basé à Thionville. Je gère également un restaurant au Luxembourg, La Villa Caravelle. On doit s’adapter au contexte sanitaire. L’ameublement est un secteur moins touché que la restauration même s’il y a désormais un couvre-feu dès 18h00 dans le département de la Moselle. Mais les gens préfèrent s’équiper chez eux, faire attention à leur bien-être domestique plutôt que de partir en vacances.

Mon restaurant est malheureusement fermé actuellement pour cause de confinement. Au Luxembourg, la réglementation était plus favorable qu’en France, les restaurants n’étaient pas fermés mais limités à quatre personnes par table. Mais depuis le 26 décembre il y a une fermeture administrative de tous les restaurants jusqu’au 10 janvier. Comme les chiffres de contaminations et de décès ne sont pas bons, cette période de fermeture risque fort d’être prolongée. On est un peu dans le flou actuellement, le gouvernement devrait trancher cela cette semaine.

Tu n’as plus aucune activité en rapport avec le ballon rond aujourd’hui ?

Si mais je n’ai qu’une activité très accessoire et ponctuelle dans le domaine du football. J’ai un ami qui est l’entraîneur des U19 à Trémery, un petit village entre Metz et Thionville. Il avait besoin de quelqu’un pour l’accompagner, pour l’aider au niveau des entraînements. J’ai accepté mais c’est vraiment une pige, je ne sais pas combien de temps ça va durer compte tenu de la crise sanitaire.

Je n’ai pas la possibilité d’assister à tous les matches car dans le commerce, les magasins sont ouverts le samedi. Je suis là pour rendre service, pour voir ce que ça donne et pourquoi pas continuer à l’avenir. Mais je suis quelqu’un qui gère au jour le jour. J’ai repris du service dans le foot mais sans diplôme, sans rien, juste pour faire plaisir à un ami. Compte tenu de ma situation professionnelle, il me serait impossible de prendre une équipe, même de U13 ou U14.

Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée à Sainté à l’automne 2001 ?

J’étais sous contrat avec l’Olympique de Marseille mais malheureusement je ne faisais plus partie des plans du nouvel entraîneur. Quelques semaines après avoir été nommé entraîneur à Saint-Étienne, Frédéric Antonetti est venu me chercher à Marseille au mois de novembre 2001. J’ai signé jusqu’à la fin de saison en connaissance de cause. Le club était dans une situation sportive vraiment délicate, en deuxième moitié de tableau de la D2.

Je me souviens bien de mes débuts à Sainté car deux jours avant mon premier match en vert contre Nîmes, ma femme a accouché à Aix-en-Provence. J’ai fait un aller-retour le dimanche et j’ai joué le mardi soir à Geoffroy-Guichard. On avait gagné 1-0, but de Marcin Kuzba. Pour te dire la vérité, j’étais loin de mon meilleur niveau, je n’étais pas prêt physiquement car ça faisait trois ou quatre mois que je ne jouais plus. J’ai eu la chance que Frédéric Antonetti ait cru en moi.

Ça représentait quoi pour toi le fait de rejoindre l’ASSE ?

L’ASSE, c’est un club historique, mythique. J’avais déjà eu la chance de jouer au PSG et à l’OM, j’aurai eu la chance de jouer dans de grands clubs dans ma carrière. Les Verts, ça parle à tout le monde et j’étais content et fier de porter ce maillot. On connaît tous l’épopée européenne de Saint-Etienne, les poteaux carrés, etc. J’avais un énorme plaisir de signer à Sainté, j’ai fait des efforts financiers pour que mon prêt aboutisse. L’OM et le président Alain Bompard ont fait aussi des efforts pour que le deal soit bon. J’étais content de venir. Sur un CV, Saint-Etienne, ça parle !

Avant de jouer dans le Chaudron, tu t’y étais illustré en tant qu’adversaire.

C’est vrai que c’est un stade qui m’avait réussi. J’ai marqué à Geoffroy un but victorieux avec les Grenats. Robert Pirès m'avait mis un super ballon et j'avais remporté mon duel face à Laurent Blanc avant de tromper Grégory Coupet.



Quelques années plus tard j’ai mis un but et une passe décisive pour le Havre lors d’un match nul 3-3 un peu fou.



Je me souviens d’un autre match où on avait fait match nul, Sylvain Kastendeuch avait marqué sur penalty mais n’avait pas fêté son but car les Verts étaient sur le point de descendre en D2 et qu’il avait porté le maillot vert. Sylvain, c’était vraiment un grand joueur, exemplaire. Un super libéro et un Monsieur.



Pour revenir à Geoffroy-Guichard, c’est vrai que ça a joué aussi dans ma signature chez les Verts. Je trouve que c’est un stade magnifique. Il l’est d’autant plus quand il est plein, on a tous besoin de supporters pour se sentir pousser des ailes. Moi j’aurais bien aimé connaître des grands frissons avec les supporters de Saint-Etienne mais malheureusement ça ne s’est pas passé comme on le voulait. Malheureusement à mon époque le stade était loin d’être plein mais j’étais quand même impressionné quand les deux kops derrière les buts descendaient vers les grillages sur les buts.

Le Chaudron, c’est magnifique, ça résonne, les tribunes sont assez droites et proches du terrain. C’est un super stade, j’aime beaucoup. Mais j’ai connu de meilleures ambiances quand je jouais pour l’OM au Vélodrome et pour Paris au Parc. C’est normal, il y a plus de ferveur quand il y a de gros matches de première division ou de Coupe d’Europe que lorsque tu te bats pour te maintenir en deuxième division… C'est d'ailleurs lors d'un gros match très chaud sur le terrain comme en tribunes que j'ai sans doute marqué mon plus beau but, avec l'OM contre le PSG.



Quel bilan fais-tu de ton passage stéphanois ?

La saison a été très compliquée, pour les Verts comme pour moi. On a fini à la 13e place et je n’ai jamais retrouvé mon niveau, du coup l’entraîneur m’a plus ou moins écarté de l’équipe. J’étais plutôt en fin de carrière, cela faisait quelques mois que je n’avais plus eu de temps de jeu. Pour retrouver des sensations, c’était compliqué. Je n’ai pas su rebondir alors que le challenge à Saint-Etienne avec la ville, les supporters, le stade, était magnifique.

On ne va pas se mentir, ça s’est soldé par un échec, je n’ai pas été performant. Quand ça ne marche pas, il ne faut pas se chercher d’excuse, le premier responsable est le joueur. Je n’avais pas retrouvé physiquement le niveau qui permet de répéter les appels de balle, les sprints, etc. Tu sais, un attaquant qui n’est pas au mieux physiquement perd 50% de ses capacités. En plus je suis arrivé dans une équipe qui n’était pas la meilleure de D2, c’était compliqué de se mettre en évidence. Mais il n’y a rien à regretter, le principal fautif c’est moi. Je n’ai pas été au niveau.

Tu auras joué 12 matches en équipe première sous le maillot vert dont 6 en tant que titulaire et tu auras claqué 2 buts. T’en souviens-tu ?

Oui, j’ai mis le premier contre Gap en Coupe de France.



J'ai mis le second à Geoffroy-Guichard contre Amiens en championnat.



Deux buts seulement, ce n’est vraiment pas terrible mais ce n’est pas l’essentiel. Au-delà de cette stat, je n’ai pas répondu aux attentes, je n’ai pas été très bon, tout simplement. J’ai joué plus de matches comme titulaire en équipe réserve, qui était entraînée à l’époque par Bertrand Reuzeau, l’actuel directeur du centre de formation de l’AS Monaco.

Au-delà des résultats très moyens et de tes piètres performances, quels souvenirs gardes-tu de ta saison verte ?

J’ai un mauvais souvenir car j’ai joué à l’époque avec Olivier Baudry, or il est décédé il y a trois ou quatre ans. C’est le gros point noir car c’est l’un de mes premiers partenaires qui a disparu. Ça fait un choc quand tu apprends qu’un de tes anciens coéquipiers décède. Il n’avait même pas 45 ans quand la maladie l’a emporté. C’était quelqu’un que j'appréciais. J’ai surtout joué avec lui en équipe réserve.

Ce que je retiens de mon passage chez les Verts, c’est que ce club et cette ville de foot sont importants dans le paysage français. Je garde le souvenir des installations de très bonne qualité à L’Etrat. Mais ça ne reste pas la meilleure période de ma carrière ni celle du club d’ailleurs, qui venait de descendre et avait du mal à tirer son épingle du jeu en D2. Heureusement l’ASSE n’est pas descendue et a retrouvé l’élite deux saisons plus tard.

Lors de tes sept mois stéphanois, quels joueurs t’auront marqué ?

Je me souviens surtout de Jérémie Janot, qui était à l’époque la doublure de Dominique Casagrande. On était souvent en même temps sur le banc de touche avec les pros et sur le terrain, ça crée des liens. Les saisons d’après il a su s’imposer comme titulaire, il aura fait une longue et belle carrière à Saint-Etienne avant d’être détrôné par Stéphane Ruffier. Je me rappelle également Alex Di Rocco, attaquant comme moi. Il y avait aussi des gars comme Marcin Kuzba et Patrick Guillou. Il y avait une belle ambiance, une bonne petite équipe mais les résultats étaient très moyens.

Une bonne ambiance mais des résultats très moyens, c’est aussi ce qui caractérise les Verts cette saison en L1. Ce mercredi, ils reçoivent un club dont tu as défendu les couleurs.

Tout à fait, j’ai porté le maillot du PSG lors de la saison 1996-1997. J’ai joué dans une équipe composée de stars comme Leonardo, Rai, Le Guen, Lama, N’Gotty. J’étais dans une équipe qui venait de gagner la saison d’avant la Coupe des Coupes. J’ai côtoyé le très, très haut niveau. J'ai participé à la nouvelle et belle campagne européenne du club. J’ai fait une passe décisive à Jérôme Leroy quand on a battu 3-0 au Parc le Liverpool de Steve McManaman et Robbie Fowler au Parc en demi-finale de Coupe d’Europe.

Et j’ai joué le dernier quart d’heure de la finale qu’on a perdue contre le Barça. Il y avait du lourd en face : Ronaldo, le Brésilien bien sûr, qui a marqué sur péno l’unique but de la rencontre, Pep Guardiola, Luis Enrique, Luis Figo, etc…

J’ai connu des sensations extraordinaires avec Paris. Le petit regret, c’est qu’on a fini deuxième du championnat derrière Monaco, mais les Monégasques avaient aussi une sacrée équipe avec de futurs champions du monde (Fabien Barthez, Emmanuel Petit, Thierry Henry, David Trezeguet) mais aussi des milieux de terrain comme Ali Benarbia et Enzo Scifo. J’aurai quand même vécu au PSG une expérience fantastique !

Continues-tu de suivre l’actualité du foot et de tes anciens clubs, notamment Sainté ?

Moi je suis un vrai Messin, le club que je supporte et que je suis de très près, c’est le FC Metz. Je vais régulièrement à Saint-Syphorien, j’emmène mon gamin qui aime bien le foot aussi donc ça permet de partager un peu des sensations. Je suis bien sûr la Ligue 1, mais Saint-Etienne, je vais être franc avec toi, je le suis beaucoup moins que Paris. Le PSG a une grosse équipe, joue la Coupe d’Europe donc ça attire plus, ça fait plus de bruit.

J’ai noté que l’ASSE dernièrement a pris une toute autre direction en mettant Claude Puel entraîneur de l’équipe. Je pense que c’est un changement radical. Il faut que ce club fasse attention. Je pense qu’il est malheureusement sur une pente descendante. On le voit à travers les résultats. Je ne porte aucun jugement mais dans une équipe, on a besoin de joueurs d’expérience, des joueurs comme Khazri, Hamouma, Ruffier.

À ce propos ça m’attriste que l’ASSE ait viré ce dernier ce lundi après tout ce qu’il a apporté au club. Je pense que ça donne une très mauvaise image de Saint-Etienne en France. Virer comme ça quelqu’un qui a porté les couleurs de Saint-Etienne pendant près de dix ans, qui s’est battu comme un lion, qui a été très bon… C'est moche ! Il arrivait en fin de carrière, il était peut-être un peu moins bon mais on aurait pu le respecter un peu mieux. Vu de Metz, j’ai l’impression que le club va dans la mauvaise direction.

Maintenant, c’est vrai que Claude Puel a une grosse expérience, il a réussi des choses intéressantes dans plusieurs clubs et il a entraîné à l’étranger. C’est un fin connaisseur du football. Je pense que lui sait où il veut aller mais est-ce qu’il a les moyens, l’effectif ? Est-ce que c’est la bonne période ? Est-ce que c’est bien de se priver de certains joueurs d’expérience ? Seuls les résultats dans le futur pourront donner raison à un projet ou à un autre.

Aujourd’hui, il faut absolument lutter pour maintenir le club dans l'élite car tomber en Ligue 2 voire en National… Le FC Metz l’a fait il n’y pas très longtemps, je peux te dire que c’est très, très dur et qu’il faut absolument un président qui soit costaud. On a cette chance à Metz en la personne de Bernard Serin. On a une mauvaise image des présidents à Saint-Étienne, qui veulent vendre, pas vendre, qui sont d’accord, pas d’accord. On entend beaucoup de bruit, je pense qu’il faudrait de la sérénité au sein du club de l'ASSE, Claude Puel en a certainement énormément besoin.

Il y a dans ce club des jeunes intéressants. J’ai remarqué notamment Charles Abi car il joue à mon poste. Aujourd’hui on l’a lancé dans le grand bain de la Ligue 1 sans réellement d’expérience. Il a gagné la Gambardella mais il y a un monde entre les U19 et la L1. Il y a des jeunes joueurs qu’il faudrait utiliser avec parcimonie ou faire mûrir à l’échelon inférieur mais aujourd’hui certains sont propulsés en première ligne. Je ne suis pas convaincu que ça leur rende service.

Comment vois-tu le match de ce mercredi entre Sainté et Paris ?

On sait tous que Saint-Étienne va vendre chèrement sa peau. Les Verts ont deux suspendus mais quasiment plus aucun blessé. Ils ont repris l’entraînement le 30 décembre alors que Paris n’a repris que dimanche. A l’image de leur entraîneur, les Verts vont se battre bec et ongles. Mais même avec plusieurs jours de moins d’entraînement, des absents de marque comme Kimpembe et très probablement Neymar, même avec un changement tardif d’entraîneur, Paris pourra aligner une équipe de haut niveau avec des stars comme Mbappé.

Je pense que le premier but de la rencontre sera déterminant, hyper important. J’espère qu’on verra un match équilibré, comme la dernière fois que les deux clubs se sont affrontés. Je trouve que les Verts avaient fait un super match en finale de Coupe de France, c’est dommage que Loïc Perrin se soit fait expulser. Ce n’était pas la première fois que Saint-Etienne se retrouvait rapidement en infériorité numérique contre Paris, il faudra éviter ça mercredi.

Contre Paris, c’est déjà compliqué à onze. À dix, ça devient quasiment mission impossible même si j’avais trouvé les Verts énormes au Stade de France. Il ne faut pas oublier que les Verts étaient dans une dynamique différente d’aujourd’hui. Ils avaient axé leur préparation pour être au top pour cette finale alors que le PSG préparait des échéances européennes plus importantes.

Les Verts auront à cœur de démarrer 2021 sur de bonnes bases, si Paris est dans un jour moyen les Stéphanois ont une chance de faire un bon résultat. Je vois Paris l’emporter mais difficilement, 2-1. Je ne vois pas les Parisiens perdre. J’espère que les Verts vont faire un bon match nul. J’ai vu que Khazri est forfait mais j’ignore quels attaquants vont jouer. Je ne sais pas s’il va jouer mais j’aimerais bien que Charles Abi marque. Il va ouvrir son compteur buts et tu lui donneras mon adresse pour qu’il m’envoie son maillot !

 

Merci à Cyrille pour sa disponibilité