Avant de recevoir les Verts ce dimanche après-midi, l'ancien défenseur stéphanois Alaeddine Yahia a répondu à nos questions !
Sais-tu que l'ASSE compte toujours dans ses rangs un Yahya en défense centrale ?
Ah non ! En pro ???
Non, au centre de formation. Yahya Nadrani joue avec les U19 stéphanois tout en suivant des études de médecine après avoir eu une mention très bien au bac. Si tu n'avais pas réussi à percer dans le foot, que ferais-tu aujourd'hui comme métier ?
Je n'ai pas la prétention de dire que j'aurais fait des longues études. J'aurais fait quelque chose en rapport avec le sport. Professeur d'EPS, par exemple. J'ai commencé une première année de IUT vente action marchande mais après, j'ai arrêté, étant donné que j'avais commencé tôt à m'entraîner avec les pros, à 17 ans et demi. Honnêtement, je n'étais pas trop fan des cours. La question ne s'est même pas posée. Ça m'arrangeait, en fait, de m'entraîner avec les pros ! (rires)
A 33 ans, penses-tu à ta reconversion ?
Oui. J'ai toujours été un amoureux du foot et je le suis toujours. J'aimerais faire quelque chose qui soit en rapport avec le foot. Que ce soit agent de joueur ou recruteur pour un club. Ça dépend des opportunités qui viendront à moi, à la fin de ma carrière. J'aimerais bien qu'un club me propose d'être recruteur, sinon je me vois bien rouler ma bosse en tant qu'agent de joueurs. Accompagner les jeunes joueurs durant leur carrière, ça me plairait.
Tu t'es fait les croisés en mars dernier. Vu ton âge, as-tu eu peur d'être définitivement hors circuit ?
Non, j'y ai toujours cru. Je me suis fait opérer deux fois des ligaments croisés mais ce n'est pas une amputation. D'ailleurs, il est arrivé la même chose à mon collègue et copain que j'apprécie beaucoup, Loïc Perrin. Et ce dimanche, la charnière centrale de Saint-Etienne, à eux deux, ils ont quatre ligaments croisés ! Que ce soit Paulo ou Loïc, ils ont connu ça comme moi. C'est juste un coup d'arrêt, en aucun cas on a peur. Parfois j'en parle avec Loïc, on en rigole. Après, si ça m'était arrivé à 36 ans, j'aurais arrêté mais pas à 33 ans. Au-delà de la condition physique, c'est mon amour pour le foot qui m'a fait revenir, à chaque fois.
Alors que tu avais été présélectionné pour jouer la CAN avec la Tunisie, tu as préféré resté à Caen. As-tu hésité. Ça faisait partie du deal quand t'as signé avec le Stade Malherbe ?
Non, en aucun cas. Après mon premier match en Ligue 1, lors de mon retour à la compétition avec Caen, j'ai été sélectionné avec la Tunisie. Maintenant, on ne va pas se le cacher, j'ai signé dans un club qui m'a tendu la main. J'avais resigné chez les Sang et Or mais mon contrat n'était pas homologué du fait des soucis financiers du RC Lens. Rester à Caen, c'était le meilleur moyen de leur rendre la monnaie de la pièce. J'aurais bien voulu aller à la CAN, j'ai pesé le pour et le contre… Les voyages en Afrique, on ne va pas se mentir, il n'y a que ceux qui n'ont jamais joué en Afrique qui ne comprendront pas... La chaleur et tout, ça use. J'avais besoin d'enchaîner des matches. Aujourd'hui, je ne regrette pas parce que j'enchaîne des matches avec Caen. Si c'était pour aller à la CAN avec cinq matches dans les jambes, je ne sais pas si j'aurais tenu avec la chaleur et tout ce qu'il y a autour.
Suis-tu les matches des Aigles de Carthage ? Qui va remporter la CAN ?
Bien sûr, je suis les matches. Je vais dire la Tunisie parce que c'est mon pays, déjà [ndp2 : entretien réalisé juste avant l'élimination de la Tunisie par la Guinée Equtoriale après prolongation]. Et après, en tant que frère maghrébin, je dirais l'Algérie.
Jouer contre Sainté à Caen, c'est tripant ?
Oui, franchement. Je garde un bon souvenir de Sainté même si je n'ai pas beaucoup joué là-bas. Je n'ai pas fait un an et demi formidable. On était une bonne bande de copains, avec l'insouciance, la jeunesse, Au-delà d'être mon ancien club, Saint-Etienne, c'est un grand club du championnat français. De plus, le peuple vert, quand il se déplace, il ne fait pas les choses à moitié. On va encore s'en rendre compte ce dimanche à d'Ornano.
Tu as joué 22 matches sous le maillot vert : 5 victoires, 10 défaites, 7 nuls. Pas terribles ces stats !
C'est vrai, le bilan est mitigé. Il y avait une très bonne charnière qui fonctionnait devant moi : Vincent Hognon et Papus Camara étaient au top, et je ne pouvais pas réclamer du temps de jeu. Elie Baup m'a souvent fait jouer latéral, mais mon poste de prédilection était dans l'axe. Je n'étais pas à l'aise dans ma tête, je me mettais une pression. J’étais déçu de jouer sur les côtés. Mais, au-delà de tout ça, ce que je retiens surtout, c'est l'aventure humaine, magnifique. C'est le club où je me suis fait le plus d'amis. Mon meilleur ami, c'était Nicolas Marin, mais je suis aussi resté en contact avec beaucoup de joueurs : Papus, Jérémie, Hérita, Fouss, Loïc... Franchement, je garde un très bon souvenir de mon passage à Sainté.
Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée à Sainté ?
J'étais à Southampton et j'ai signé à Sainté le 22 ou 23 janvier 2005. Mon premier match de Ligue 1, je l'ai joué contre Elie Baup lorsqu'il était à Bordeaux [np2 : Guingamp-Bordeaux le 13 avril 2002]. J'avais fait un super match : j'avais Dugarry au marquage. Et voilà, Elie m'a pris. De plus, le Directeur sportif était Vincent Tong-Cuong, que j'avais connu à Guingamp. J'ai donc signé fin janvier, juste avant la fin du mercato : j'étais prêté. Ma première demi-saison à l'ASSE s'était bien passée. J'avais fait un premier match contre Nantes où on avait fait 0-0. A chaque fois qu'on a fait appel à moi, j'ai répondu présent. J'ai ensuite signé pour trois ans derrière. Mais j'avais besoin de temps de jeu, et, au bout de 18 mois, j'ai signé à Sedan. Manque de pot, je me fais les croisés en juillet 2006, dès la reprise de l'entraînement. Mais dès que j'ai repris, j'ai enchaîné du temps de jeu, et maintenant je suis content : cela fait neuf ans que je joue.
Ton avis sur Elie Baup ?
C'est un bon entraîneur. Il sait surtout gérer un groupe. Même s'il n'y a pas beaucoup de turn-over avec lui, chose qui est normale lorsqu'une équipe marche bien, il sait bien s'occuper d'un groupe : c'est un meneur d'hommes.
Quels joueurs t'ont le plus impressionné à Sainté ?
Pascal Feindouno et Maestro. Pascal, balle aux pieds, c'était un magicien et Maestro, il savait tout faire : défendre, courir, dribbler sauf peut-être marquer. D'autres m'ont impressionné, dans un autre registre, à l'image de David Hellebuyck, Loïc Perrin. Avec Jérémie Janot, on se disait que Loïc deviendrait grand. Il joue maintenant défenseur central, mais au milieu de terrain, quel boulot il faisait ! En plus, franchement, il est gentil, c'est un bon mec : ça joue énormément pour moi.
Es-tu resté supporter des Verts ou pas plus que ça, toi qui as joué à Guingamp, Lens ?
Bien sûr, je suis les résultats de tous mes anciens clubs. Même Sedan, qui est en CFA, je les suis, par curiosité. Je sais qu'ils sont premiers en CFA. Les Verts, évidemment, je suis leurs résultats, ça fait toujours plaisir. D'ailleurs, quelqu'un que j'apprécie beaucoup chez les Verts, ce n'est pas un joueur, c'est Roland Romeyer : c'est vraiment un bon mec, et, à chaque fois qu'on se voit c'est avec grand plaisir, comme avec le chef de la sécurité, Nadir, le kiné Hubert, le masseur Laurent. Ce sont des gens avec lesquels je suis resté en contact et que j'apprécie.
Penses-tu prendre les Verts au bon moment ? Caen est en net regain de forme, Sainté est décimé par les blessures…
Le problème dans le football, c'est que ça n'existe pas les bons moments ! (rires) Le bon moment c'est seulement à la fin si t'as gagné. Même si les Verts sont décimés, ça reste vraiment une belle équipe, attention ! Quand tu regardes l'attaque, il y a Romain Hamouma, Yohan Mollo, Ricky Van Wolfswinkel, Mevlut Erding… Même si en ce moment il y a peut-être un coup de moins bien, ça reste de très bons joueurs, ils l'ont prouvé.
Penses-tu que l'ASSE a encore de bonnes chances de finir sur le podium ?
On ne va pas se mentir, ça va être difficile. Paris a encore gagné hier, Lyon marche fort, Marseille a battu Evian ce soir. Et il y a Monaco qui revient en boulet de canon. Pour finir sur le podium, Sainté n'a presque plus le droit à l'erreur, il ne reste plus beaucoup de marge de manœuvre. Les Verts finiront dans les cinq premiers.
Vois-tu les Verts soulever la Coupe de France en mai prochain ?
Ah ce serait bien ! Une petite PSG-Sainté, ce serait sympa. Tout le monde signe, je pense !
Le vilain Vercoutre est-il un jean-foutre ? Le sens-tu plus motivé qu'à l'accoutumée ?
Non. Il n'est plus à Lyon, il est à Caen. Je le chambre parfois. Je lui dis qu'il n'y a rien à voir entre le public de Lyon et celui de Sainté. Mais alors vraiment rien à voir ! Je lui dis : "putain, il y a des Lyonnais qui sont supporters des Verts, mais je n'ai jamais vu un Stéphanois supporter de Lyon !"
Et il te répond quoi ?
Il ne répond rien. Il se tait et il m'écoute ! (rires) Il ne peut rien répondre !
L'ASSE n'a que la 12e attaque du championnat alors que vous avez la 4e. C'est dû à quoi selon toi ?
Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que je préférerais avoir la même défense que Saint-Etienne ! Même s'ils n'ont pas une grosse attaque, les Verts gagnent souvent des matches. Gagner, ça leur suffit ! Nous, en tant que sportifs, on veut les trois points. Avoir la meilleure attaque ou la meilleure défense, c'est secondaire. Mais si t'encaisses très peu de buts comme Sainté, ça veut dire que tu ne perds pas beaucoup. Nous on a un jeu porté vers l'avant, ça a toujours été notre marque de fabrique. Mais il ne faut pas oublier qu'on est 18e au classement avec la 18e défense. En tant que défenseur, je n'apprécie pas trop !
En cette fin de mercato, quel joueur caennais recommanderais-tu à la cellule de recrutement stéphanoise ?
N'Golo Kanté. C'est un phénomène ! Je le verrais bien sous le maillot vert. En courant !
Quel joueur stéphanois souhaiterais-tu enrôler au SM Caen ?
Loïc Perrin. Je l'apprécie beaucoup, on s'entend bien, et c'est un très bon défenseur. S'il prend ma place, ce n'est pas grave. Je m'assoirai et je regarderai.
Moustapha Bayal Sall et Florentin Pogba étant blessés, Paul Baysse sera très probablement reconduit aux côtés de Loïc Perrin à d'Ornano. Que penses-tu de cette charnière stéphanoise ?
C'est une très bonne charnière. Loïc est beaucoup plus expérimenté que Paul mais ils me semblent complémentaires. Les deux ont un bon jeu de tête. Malgré les changements en défense, je constate que l'ASSE reste une équipe qui prend toujours aussi peu de buts.
Tu vas retrouver ton ancien coéquipier lensois Kévin Monnet-Paquet. Quelle image gardes-tu de ce joueur ? As-tu une anecdote à nous raconter à son sujet ?
Avant le joueur, je retiens avant tout l'humain. Kévin est vraiment un bon mec. C'est un garçon très rapide qui peut encore progresser dans la finition. A chaque fois je le chambre, je lui dis que je peux finir meilleur buteur que lui. Une fois on l'a attendu en vain à l'entraînement. Il s'était fait voler les pneus de sa voiture. Il l'avait retrouvée avec quatre briques à la place des pneus ! (rires)
Tu as évolué sous les ordres de Jean-Guy Wallemme et tu es maintenant dirigé par Patrice Garande. Peux-tu comparer ces deux entraineurs ? Quels sont leurs points communs, leurs différences ?
J'ai joué contre Jean-Guy quand il était à Lens et que je jouais pour Guingamp. Quand je l'ai eu, ça faisait peu de temps qu'il avait arrêté sa carrière de joueur. Patrice Garande et lui ont un point commun : ils prônent tous les deux un jeu offensif. Patrice est un peu plus expressif que Jean-Guy. Wallemme s'énerve très rarement.
Si Christophe Galtier part de Sainté, qui a le meilleur profil pour lui succéder : Antoine Kombouaré ou Patrice Garande ?
Heu, moi je ne suis pas dirigeant, ce n'est pas à moi de dire qui je préfère ! (rires)
Mouais, tu nous fais une réponse de Normand, là !
Disons que Kombouaré a plus d'expérience que Garande. Mais Garande reste un très bon entraîneur, il cerne très bien les équipes adverses. Je pense qu'il faut que le coach fasse encore une saison avec nous en Ligue 1 et ensuite il pourra partir à Saint-Etienne. En tant qu'ancien Stéphanois, je pense que ça lui ferait plaisir d'être appelé par Sainté !
Qui a le meilleur public de France : Sainté ou Lens ?
Pour moi c'est Lens. Sainté a évidemment un très bon public, mais quand ça va mal… Le public stéphanois est plus électrique. A mon sens le meilleur dans les bons et surtout dans les mauvais moments, c'est le public Sang et Or. Il est encore plus solidaire de son équipe. A Saint-Etienne, dès que ça va mal, ça commence à être un peu plus compliqué.
Tu as marqué contre Sainté avec Lens en quart de finale de Coupe de France mais tu n'as jamais inscrit de but pour l'ASSE. Un petit csc dimanche, ça te dit ?
Je vais plutôt marquer contre Sainté ! Sur un corner, tac ! On gagne 1-0, tout le monde est content et on rentre. Je vais marquer contre Ruffier ! Ça me ferait plaisir. J'aimerais bien lui mettre un but. Une fois, il m'en a arrêté un, je me demande encore comment il a fait ! C'était lors d'un Lens-Monaco. Avec Sirigu et Mandanda, il fait partie des trois meilleurs gardiens de L1. Le très faible nombre de buts qu'il a encaissés cette saison parle pour lui. Si t'enlèves les cinq qu'il a pris au Parc, il n'en reste plus beaucoup ! Malgré la bourde qu'il a faite à Paris, ça reste un excellent gardien. Il n'y a que ceux qui ne jouent pas qui ne font jamais de bourde. En plus je pense que c'est un bon mec.
Merci à Alaeddine pour sa disponibilité, à Patrice pour son aide et aux potonautes Friteuse77 et Stéphanois pour la retranscription.