A Sochaux, Helder Postiga n'a pas seulement appelé (vainement) le ballon. Après le match, dans l'avion du retour, l'attaquant portugais a également appelé son docteur. Notre reporter Rising42 a enregistré la scène. Merci à lui !


Allo Docteur ! Allo !!!!



Allo Docteur, c’est Helder Postiga…


Je vous appelle comme convenu de Sochaux… Je suis dans l’avion qui nous ramène vers Saint Etienne… dans les toilettes pour que les copains ne m’entendent pas…


Bon, alors j’ai fait comme vous aviez marqué sur l’ordonnance... j’ai bien pris les deux pilules rouges pour calmer mon angoisse et les deux pilules bleues pour me donner le moral, trois fois par jour depuis jeudi. Seulement voilà, j’ai un problème. Je vous explique. Lorsque j’ai avalé ces pilules lors de l’entraînement de vendredi, des supporters m’ont vu… Et quand je suis sorti du terrain, ils m’ont abordé en me disant qu’il n’était pas possible de continuer à prendre de tels médicaments parce que leurs couleurs étaient exactement celles de Lyon. Moi, je leur ai dit que quand j’étais au Portugal j’avais souvent vu jouer Lyon à la télévision, et que je n’avais pas remarqué que ce club avait des couleurs ; je trouve plutôt que le maillot lyonnais est souvent d’un blanc pisseux et qu’il change de couleur sans arrêt, un peu comme celui d'un club qui se cherche, qui n’a pas d’identité, qui n’a pas de passé…

Enfin vous voyez ce que je veux dire... Qu’est-ce que j’avais pas dit Docteur ! On m’a conseillé alors de perdre cette habitude, douteuse j’en conviens, de regarder Lyon à la télévision, et de prendre plutôt des pilules vertes. Alors, Docteur il faudrait que vous me cherchiez dans votre gros dictionnaire si par hasard il n’existerait pas des pilules qui me fassent les mêmes effets, mais surtout il faut impérativement qu’elles soient vertes… je dis bien Docteur… VEEEEERTES… sinon j’ai peur de me faire engueuler, et comme je suis fragile des sinus je ne voudrais pas être obligé de répondre par un coup de tête, comme le collègue qui n’arrive pas à trouver les mots pour s’exprimer avec civilité… comme d’ailleurs il n’arrive pas à trouver les cages quand il joue.


Bon, quand même Docteur, je dois vous dire que ces pilules sont extraordinaires… Depuis que je les prends je n’arrête pas de rigoler… Remarquez bien que c’est très utile… Parce que la semaine a été particulièrement agitée…


Vous n’imaginez même pas. Il y a même un jour où il y avait des banderoles tout autour du terrain d’entraînement, comme dans le Kop… juste des titres. Alors j’ai regardé dans mon dictionnaire… Et là encore, j’ai pas bien compris. Ca demandait à Piquionne, le collègue à la tête dure, de dégager. Alors là je suis vite allé voir Janot, et je lui ai dit que c’était pas à Piquionne de dégager, mais c’était le rôle du gardien. Un avant-centre ne dégage jamais. Comme il me regardait d’un air interloqué, j’ai foncé vers le coach en battant des ailes, et je lui ai crié : « Janot dégage, pas Piquionne ! » Vous ne me croirez pas Docteur ! Deux brutes m’ont embarqué dans la salle de soins. On m’a posé des fils électriques avec des ventouses sur la tête, et puis sur un écran j’ai vu plein de dessins qui s’agitaient. Et alors tout le monde m’a regardé en secouant la tête… ils avaient l’air inquiets et dépités.


Bon, enfin moi je m’en fiche parce que maintenant, avec les pilules, je prends les choses du bon côté. J’attends avec impatience le matin pour enfin savoir quel nouveau gag le petit nerveux avec l’écharpe verte nous a préparé. J’ai été un peu déçu parce qu’il faut bien dire que la fin de semaine a été tristounette. Tout le monde faisait la gueule, sauf moi qui étais plié en deux avec des crises d’hilarité maladive. Enfin ce soir, nous nous sommes bien amusés quand même, pendant 46 minutes. On a joué dans un stade pas trop plein, avec ça et là quelques comiques en jaune et bleu, et puis dans un coin, une tribune grillagée emplie par nos supporters. Dites Docteur, je ne savais pas qu’en France on accueillait les gens qu’on invite en les enfermant dans des cages… Bon, il faut bien dire que certains n’étaient pas beau à voir. Mais quand même… Donc on a voulu jouer un super match. Moi j’ai passé mon temps à courir dans tous les sens pour essayer d’attraper la balle qu’on m’envoyait bien loin. Mes copains avaient l’air de bien s’amuser. Mais j’étais un peu déçu parce que je n’ai jamais pu attraper le ballon qu’ils me lançait pour le leur ramener. Les jeunes comme d’habitude ont fait ce qu’ils ont pu. On a tenu bon pendant 46 minutes, jusqu’au moment où l’arbitre a sifflé un pénalty… même que je ne sais pas trop si il y était. Et là, le collègue tunisien, qui déjà avait loupé un avion pour l’Egypte, ne trouve rien de mieux que de témoigner son affection à la petite teigne d’en face. Isabey je crois. Je dois dire Docteur que vos pilules ne font pas d’effet quand on croise Isabey. Je n'arrive même plus à rire. Il vaudrait mieux avoir une camisole de force pour éviter de l’étrangler. Et voilà Isabey qui tombe à terre, les quatre Adidas en l’air, et qui se tord de douleur en se tenant le visage. L’arbitre qui ne comprend rien aux histoires d’amour vache sort un carton rouge pour le collègue tunisien, qui lui continue à poursuivre Isabey de son affection. Vous imaginez Docteur ! Même le gardien adverse s'est senti transporté par une surdose d'amour et voulait embrasser tout le monde. Bon enfin, on prend le but, et puis le reste je ne vous dit même pas.



Dans le vestiaire, je me suis senti tout bizarre. Pourtant j’avais absolument pas touché aux bouteilles d’eau que nos hôtes nous avaient gentiment offertes. Je crois bien que j’avais pris vos pilules un peu trop tôt et qu’elles ont alors cessé de m'apporter l'effet escompté. Tout est devenu de plus en plus sombre. Je me suis senti triste… mais triste…! Même le coach, qui avait investi dans une casquette neuve depuis qu’il avait bouffé la dernière, était triste aussi… Le petit nerveux avec l’écharpe verte ne cessait de répéter qu’il valait mieux perdre avec une équipe de jeunes qu’avec une équipe de trentenaires, ce qui nous donnait un moral de condamnés à mort. Enfin, on y est retourné. Et là on pris trois but de plus. Pourtant je leur avait bien dit moi, qu’il fallait attendre Piquionne à l’aéroport, et que si on ne l’attendait pas il n’aurait pas le temps d’arriver en voiture pour le match… Il avait un peu de retard… Et alors… Il a passé sa semaine à téléphoner à son copain qu’il avait percuté par inattention dimanche dernier. Je crois qu’il voulait lui parler d’un problème de plinthes qu’il fallait retirer dans sa maison en travaux... mais j'ai pas bien compris... Je leur ai dit d’attendre… Qu'il devait être encore au télephone... J’ai insisté, mais personne ne m’écoute ici, Docteur.


Docteur, c’est terrible ! J’ai oublié mes pilules dans le vestiaire ! Tout devient clair maintenant. Je crois bien que Piquionne n’était pas en retard mais qu’on a pas voulu l’emmener. Je comprends tout maintenant. On ne l’a pas emmené parce qu’il n’a pas respecté les supporters. Parce qu’il a les pieds à Saint Etienne et la tête et tout le reste à Lyon. C’est pour ça que sa tête a mal réagi, et c’est pour ça que ses pieds loupent les cages. Et nos supporters ils n’ont pas aimé. Il faut qu’il se repose, qu’il oublie Lyon… Il devrait aller voir jouer Auxerre dimanche soir, ça lui changerait les idées. Mais c’est vrai qu’ils sont parfois pénibles nos supporters. Mais alors ils sont toujours là. D’ailleurs, je me demande même s’il ne deviennent pas un peu fous, comme moi. Parce que tout à l’heure à Sochaux, ils n’ont pas arrêté de chanter et de nous encourager. Pas même un sifflet, même quand tout était catastrophique. On n’entendait qu’eux. C’était beau. Ca doit être ça l’esprit vert. Mais il ne faut pas qu’ils nous en veuillent parce que ce soir ça ne tournait pas rond du tout, on va se battre pour eux et avec eux. Je regrette bien qu'on soit parti directement au vestiaire sans aller les saluer, mais on n'était trop tristes, et on avait les oreilles basses, comme notre capitaine dans sa tribune avec son bonnet noirs et ses deux grands yeux bleus désolés. Mais maintenant j’ai bien compris ce que c’était qu’être un Vert. C'est comme chez moi être un "azul e branco". On ne rigole pas avec ça.


Il faudrait que Piquionne suive des cours particuliers. Ou alors qu'il trouve un club qui manque d'esprit... Je ne sais pas, moi... En Turquie peut-être. Il pourrait peut-être demander à son ami Carew... Lui là-bas, il a bien appris à jouer avec les mains et les bras. Ou bien à Ribéry qui en est revenu avec l'intérieur de la tête dans le désordre. Tiens Docteur, voilà un client pour vous.


Vous avez vu le match Docteur ? Vous avez vu mon copain argentin, comme il est fougueux, comme il veut jouer ? Vous avez vu en cinq minutes comme il a montré des choses intéressantes ? Il n'a pas pris vos pilules, lui... Il avait peut-être raison. Il a gardé le regard neuf de quelqu'un qui est avide de connaître et de découvrir.


Bon, Docteur, je vais vous laisser parce que l’avion va atterrir, et il ne faut pas rester dans les toilettes pendant l’atterrissage… j’ai vu ça dans un dessin animé avec Bugs Bunny… Et si on ne peut pas atterir à cause du brouillard, comme on ne peut atterrir à Lyon, le petit excité avec l'écharpe verte a prévu des parachutes verts avec "Konica Minolta" marqué dessus...


Finalement, Docteur, laissez tomber pour les pilules vertes… je ne veux plus de pilule… Je veux être lucide… Je vais me reprendre… Tiens je vais mettre de l’ambiance cette semaine… Je vais leur chanter un fado aux copains, ça va leur remonter le moral.


On se voit quand Docteur ?

Propos recueillis par Rising42