Sa période africaine :
Salif Keita, surnommé « Domingo » par son entourage, reprise du nom d’un acteur de l’époque, est né le 12 décembre 1946 à Bamako, capitale du Mali. Joueur précoce et surdoué, il fut le plus jeune internationale de l’histoire des Aigles du Mali, évoluant pour la première fois en équipe nationale en 1963, à l’âge de quinze ans seulement !
Il commence à faire parler de lui avec le Stade Malien de Bamako, avec qui il perd la finale de la première coupe d’Afrique des clubs champions, en 1965, face à l’Oryx de Douala. L’année suivante, avec l’AS Real de Bamako, en fait son club d’origine, il cède une nouvelle fois en finale face au Stade d’Abidjan (victoire 3-1 à l’aller, mais défaite 4-1 au retour). Mais le jeune prodige est sacré meilleur buteur de la compétition avec 14 buts en huit matches et remportera, au final, trois titres de champion du Mali avec l’AS Real. . Pourtant, il reste l’homme sans titre continental puisqu’il doit aussi s’incliner, toujours en 1965, en finale des premiers jeux africains à Brazzaville, avant de se contenter, une nouvelle fois, de la deuxième place lors de la coupe d’Afrique des nations en 1972 au Cameroun, face au Congo.
L'exode vers le Forez :
En octobre 1967, Charles Dagher, un Libanais, fan des Verts, installé au Mali, conseille aux dirigeants stéphanois de s’intéresser au phénomène Salif Keita. Devant son insistance, Roger Rocher envoie un billet d’avion et invite l’attaquant malien à participer à un stage. Salif quitte alors clandestinement son pays, passe par le Liberia où il se fait dépouiller de tous ses biens, sauf de ce fameux billet d’avion. Il décolle donc sans prévenir personne et atterrit à Orly à cause du brouillard,où, bien évidemment, personne ne l’accueille puisque les émissaires stéphanois l’attendaient au Bourget. Il demande alors, épisode fameux, au premier taxi venu de l’emmener à Geoffroy Guichard, Saint Etienne, 500 kilomètres plus loin. Roger Rocher, toujours proche de ses finances, règle la course (1 000 francs environ) en maugréant. Il n’aura pourtant jamais à regretter cette dépense. Cette anecdote a, du reste, depuis, été reprise dans une chanson dont le refrain est « Taxi ! Taxi ! Emmenez moi à Geoffroy Guichard ».
Rapidement, « Domingo » suscite l’admiration de son entraîneur, Albert Batteux. Il dira de Salif qu’il savait tout faire, à l’image des grands joueurs brésiliens, à part peut être le grand Pelé, encore qu’il (parlant toujours de Keita) l’ait vu tenter des choses « surnaturelles » ; Batteux sera, du reste, toujours très attaché à ce joueur, ne laissant jamais seul, surtout pendant les fêtes de Noël, ce jeune célibataire. Le 19 novembre 1967, Salif débute face à Monaco. Et après sept minutes sous la tunique verte, il inscrit son premier but. Son entente avec Mekloufi fut, pourtant, au départ difficile. Mais le prodige Algérien terminait sa carrière en vert et devait laisser le champ libre à Salif. …Au total, il disputera 149 rencontres en vert pour 120 buts marqués ( !), dont un sextuplé (félicitations aux parents) le 4 juin 1971 où six sangliers Ardennais succombèrent donc aux griffes d’une panthère au sommet de sa gloire…
Dès 1967, il sera soulier d’argent (deuxième meilleur buteur Européen après Skoblar le marseillais, avec 42 buts !!). Il remportera trois titres de champion avec les verts, ainsi que deux coupe de France. A cette époque, les Verts balbutient encore leur « Europe ». Mais en 1969, l’élimination du Bayern avec un superbe retour 3-0 (dont un but de Keita) après une défaite 2-0 en terre bavaroise allait produire un premier déclic. Il disputera, en tout, huit rencontres européennes pour deux réalisations. L’entente Hervé Revelli-Keita faisait, du reste, des miracles (62 et 55 buts à eux deux en deux saisons !!), mais des jaloux aussi.
L’OM, envieux, contactait les deux joueurs en plein championnat. Furieux, Rocher décida de rompre toute négociation avec les deux hommes, sans accepter de négocier, ni de prendre l’avis de Batteux. S’en suivit une série de contre-performances, et, au final, une seconde place en championnat derrière…l’OM. Salif, considérant alors être exploité, partira sur la Canebière. C’est la fin de la période stéphanoise (1967-1972) de cet attaquant de 1,76 m, racé et félin, ballon d’or Africain en 1970…Tellement racé en félin qu’en 1968, l’ASSE prend une panthère noire comme emblème, son surnom lorsqu’il jouait.
Sa carrière post ASSE :
Il ne restera qu’une seule saison à Marseille. Il y ravit pourtant la vedette à d’autres grands, tel le Suédois Magnusson. Mais obligé par l’OM de prendre la nationalité française pour permettre au club d’aligner d’autres étrangers, il refuse et part pour Valence, en Espagne. Il y restera trois saisons, avant de passer trois années supplémentaires au Sporting du Portugal (1976-1979). En 1980, il s’installe aux Etats-Unis et partage son temps entre le club bostonien des New England Teamen et des études de management à l’université de Suffolk. Ces études lui permettront de réussir sa reconversion lorsqu’à l’issue de sa période américaine, il rentrera au pays.
Une reconversion réussie et éclectique :
Après une année sabbatique, Salif devient directeur technique national, tout en travaillant au quotidien pour une banque locale. Il conçoit un plan de développement du football malien basé sur la création de centres de formation tels qu’il les avait vu fonctionner à Saint Etienne, Nantes ou au Benfica, même s’il n’avait pas joué dans ces deux derniers clubs. Mais les dirigeants de sa fédération, soucieux de résultats à court terme pour garder la confiance de leur président de la république, n’en ont pas voulu !! Salif fera, du reste, un bref passage dans le gouvernement comme ministre délégué auprès du premier ministre.
Il occupera ensuite son temps en exploitant un hôtel « Le Mandé » sur les bords du fleuve Niger. Souhaitant tout de même mettre son expérience au profit des plus jeunes, il finira par créer, en 1994, le premier centre de formation de football professionnel au Mali en 1994, lequel porte son nom : le centre Salif Keita. Depuis 1996, les équipes du CSK ont remporté de nombreuses compétitions cadettes et juniors. Bon nombre d’internationaux (Seydou Keita) viennent de cette académie. Le CSK est, maintenant, un club de première division.
L’idée était aussi d’installer de vraies structures et un vrai professionnalisme, pour éviter l’exil des meilleurs jeunes. Par ailleurs, cet idéaliste s’est toujours préoccupé du sort des moins bien nantis et a souvent voulu accorder, dans ses projets, une part importante au volet social et au développement qu’il pouvait amener, notamment dans le cadre de l’organisation de la CAN 2002 dans son pays natal où il joua le rôle de conseiller spécial du président du comité d’organisation.
En juin 2005, Salif a été élu président de la Fédération malienne de football pour un mandat de quatre ans. Il compte, à l’avenir, se porter candidat pour un poste à la FIFA.
Pour mesurer l’aura de ce joueur, il convient de rappeler qu’au-delà de son palmarès (six titre nationaux, deux coupe de France, ballon d’or africain, soulier d’argent européen), il fut décoré par la CAF, la FIFA, le France et le Mali.
En 1994, le réalisateur guinéen Cheik Doukouré s’est inspiré de sa vie pour son film « Ballon d’or ».